La passion comme illusion : l'exemple privilégié de l'amour-passion ?
Publié le 14/03/2004
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La passion comme effet d'une auto-suggestion
Choderlos de Laclos (1741-1803), Crébillon (1674-1742), et bien d'autres
littérateurs qui ont observé la passion amoureuse se sont plu à peindre
celle-ci comme le résultat d'une sorte d'auto-suggestion. Le plaisir est
«l'unique mobile de la réunion des deux sexes», affirme un personnage des
Liaisons dangereuses (1782). «Et si l'on se dit encore qu'on s'aime, lit-on
chez Crébillon, c'est bien moins parce qu'on le croit que parce que c'est
une façon plus polie de se demander réciproquement ce dont on sent qu'on a
besoin» (La Nuit et k moment 1772).
L'aveuglement du passionné
L'épicurien Lucrèce (1er siècle avant J.-C.) a décrit la passion amoureuse
comme l'effet d'une illusion pure et simple : l'amour est ce en quoi
l'opinion se surajoute indûment au désir et, donc, à la saine recherche du
plaisir sexuel. Aussi les amoureux ont-ils coutume de chanter les louanges
des personnes les plus laides et des plus disgracieuses pour mieux
s'abandonner à leur faux espoir de félicité. Ils «n'ont pas d'yeux» pour les
aveuglants défauts de leurs belles (De la nature, chant IV, vers 1159). Dans
leurs discours, les naines deviennent de purs grains de sel, et les géantes
colossales, des merveilles pleines de majesté ; une mafflue, c'est Cérès
elle-même ; une maigrelette est un précieux bibelot (ibid., IV, 1160-1170).
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