LA NOUVELLE IMAGE DU MONDE : DE NICOLAS DE CUES A GIORDANO BRUNO
Publié le 02/10/2013
Extrait du document
Ainsi s'invente dans la confusion, le délire ou le foisonnement
des idées une autre forme de vie. Il serait naïf de
réduire à l'unité les divers courants de la Renaissance. Les
préoccupations d'un Machiavel ne rejoignent pas celles des
humanistes chrétiens. La Réforme introduit entre eux une
cassure irrémédiable que le Concile de Trente renforcera du
côté catholique. Au libre épanouissement du Quattrocento
succède la lutte des dogmatismes; à la recherche libérale,
la hargne des censeurs. Pourtant, en cent cinquante ans,
l'image du monde s'est transformée : les penseurs peuvent
bien ignorer Copernic, son oeuvre triomphera. L'inquisition
peut bien vouloir imposer sa loi, l'aristotélisme tombera
sous le coup des critiques des philosophes cosmologues.
Mais c'est une autre histoire ... Commençons par l'époque
lointaine où les papes étaient humanistes, les cardinaux
philosophes, et Platon un mythe à inventer.
«
cinquante ans, l'image du monde se modifie totalement
et cela grâce aux seules armes d'une réflexion théorique sur
le cosmos.
Copernic excepté, la Renaissance s'essaie sur des
idées
et des hypothèses : c'est sa grandeur et sa faiblesse.
Paradoxalement, le renouveau commence par un retour
au passé, par une reprise de !'Antiquité qui conduit à
l'éclatement et au dépassement d'wie scolastique épuisée
par de trop subtiles analyses.
Il faut comprendre ce que
signifia pour plusieurs générations la redécouverte progres
sive des dialogues du « divin » Platon : Nicolas de Cues,
tout comme Pétrarque avant lui, cherche des manuscrits;
Ficin, dans une extraordinaire fièvre d'enthousiasme, tra
duit tout Platon, tout Plotin et de nombreux textes appar
tenant à la tradition hermétique.
Alors que les docteurs pari
siens s'empêtrent dans d'interminables discussions logiques,
les
humanistes abandonnent le primat de la philosophie
de la nature pour explorer, à travers Platon ou Plotin, les
chemins
d'une anthropologie rénovée et d'une apologéti
que moderne.
La sensibilité, l'amour de la vie, les élans de
l'âme prennent le pas sur la rigueur conceptuelle.
A quoi
sert de réfléchir sur la nature si l'on ne sait pas ce qu'est
l'homme? Ce platonisme ne s'embarrasse pas d'ailleurs de
fidélité historique : le respect du texte se réduit au respect
de quelques citations bien choisies.
Chacun réinvente sa
petite Antiquité personnelle et construit sa propre philo
sophie en mêlant pêle-mêle les pré-socratiques, les maté
rialistes antiques, Cicéron ou saint Augustin.
Cette liberté
permet à la Renaissance d'échapper au respect figé du texte,
aux cuistreries de l'explication littérale.
Platon ouvre des
horizQns
inconnus dans un univers culturel encore dominé
par les diverses tendances aristotéliciennes : c'est une grille
pour l'avenir, une grille pour la polémique.
D'où la diversité
des
platonismes: les wis purement humanistes (Pétrarque),
d'autres nettement spiritualistes (Ficin), d'autres enfin
volontairement contestateurs (Bruno).
Et, à côté d'eux,
surnagent, bien entendu, renouvelés ou att!lrdés, les divers
courants médiévaux : parmi eux, la célèbre Ecole de Padoue,
qui continue à scandaliser les esprits et à former les savants..
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