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La notion d'inconscient introduit-elle la fatalité dans la vie de l'homme ?

Publié le 01/02/2010

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Comme la construction du mot le suggère clairement, l'inconscient se définit d'emblée comme ce qui n'est pas "le conscient"; il ne désigne pas un état d'inconscience" qui caractérise par exemple le sommeil ou l'évanouissement, mais une partie du psychisme qui se différencie de la conscience. Or cette dernière s'associe avec les notions de choix (cf. Bergson : "La conscience signifie hésitation ou choix"), et de volonté. On peut donc être logiquement porté à considérer l'inconscient comme une instance psychique étrangère au contrôle et à la volonté du sujet. Dans cette perspective, il n'est pas surprenant d'associer inconscient et fatalité dans la mesure où ce mot (provenant de "fatum" qui signifie littéralement :"ce qui est dit" et se traduit plus communément par "destin") évoque une conception de l'événement dans laquelle celui-ci est inévitable quelle que soit la force de la volonté qu'on lui oppose. (cf. l'histoire exemplaire d'¼dipe) Le problème est donc de savoir si une psychologie et plus largement une conception de l'homme (une anthropologie, voire une philosophie) qui accorde à la notion d'inconscient une place centrale, comme la psychologie freudienne notamment, ressuscite une nouvelle forme de fatalisme, dégagé de ses arrière-plans religieux, mais tout aussi sceptique que le fatalisme tragique des anciens ou que les adeptes de la théorie chrétienne de la prédestination quant à la capacité qu'a l'homme de prendre en charge son existence, ou si, au contraire, la connaissance des mécanismes inconscients qui peuvent nous priver de notre liberté de choix et d'action n'est pas le plus efficace des remèdes contre la fatalité qui nous menacerait.

« Freud, qui a reçu une formation scientifique très classique, adapte à la psychologie de l'inconscient le principe dudéterminisme alors incontesté dans les sciences de la nature, en posant "qu'il n'y a pas de hasard dans la viepsychique".

Mais la négation du hasard peut obéir à deux logiques opposées : une logique fataliste et une logiquedéterministe; Sartre écrira à ce sujet dans L'imaginaire (p.68) : "Le déterminisme pose que tel phénomène étantdonné, tel autre doit suivre nécessairement.

Le fatalisme pose que tel événement doit arriver et que c'est cetévénement futur qui détermine la série qui mène jusqu'à lui".

Et il ajoute : "Ce n'est pas le déterminisme, c'est lefatalisme qui est l'envers de la liberté".

Il est clair en effet que si le destin nous conduit là où nous devons aller, etque chacun de nos actes nous rapproche irrémédiablement de ce qui est "écrit", nous ne sommes pas libres.

Etnotre révolte contre les décrets de la Providence, lorsqu'il nous est donné de les connaître, nous conduiraprécisément là ou ils doivent s'accomplir (cf.

l'abandon par ¼dipe de la ville de Corinthe et de ceux qu'il prend pourses parents).

Le fatalisme se construit donc autour d'une conception finalisée du monde et de l'existence individuelle: c'est la fin, le but fixé à l'avance qui provoquent l'enchaînement des circonstances qui vont définir un destin etpriver l'homme de toute liberté, voire de toute aspiration à la liberté.En revanche un mode de pensée déterministe ne se borne pas à constater l'existence de la nécessité : il cherche àconnaître les lois qui la régissent, ce qui permet d'expliquer la raison d'être d'un phénomène présent, de prévoir unphénomène futur à partir de la connaissance des conditions présentes, mais aussi d'éviter ou de retarder uneévolution prévisible, voire de prendre des dispositions pour qu'un phénomène prévisible n'ait pas lieu.

On retrouve làles principaux axes de l'activité médicale : étiologie, diagnostic et pronostic, traitement curatif, traitement préventif.Or il ne faut pas oublier que la première théorie développée de l'inconscient psychique est l'½uvre d'un praticien,d'un thérapeute.

On peut difficilement dissocier la théorie et la technique psychanalytique, et il n'y aurait, bien sûr,guère de sens à affirmer que la pratique thérapeutique puisse être fondée sur des convictions fatalistes.

En faitl'ambition de Freud n'est nullement de faire comprendre à ses patients et à ses contemporains que l'homme estcondamné à subir la loi implacable du désir inconscient; il prétend au contraire donner à l'homme le moyen de ne pasrester l'esclave de ses tendances refoulées.

Ce moyen est simplement la connaissance des lois qui régissentl'inconscient , car la connaissance de la nécessité est l'instrument de la libération.

Ainsi, par exemple, Freud tente-t-il de favoriser le remplacement du mécanisme du refoulement qui est aveugle, inconscient, et souvent excessif parun jugement conscient, équilibré, et équitable du désir.(cf.

pour préciser ce point les Cinq Leçons...).

La formule queFreud prend pour devise "Wo es war, soll Ich werden" confirme sans ambiguïté le parti pris rationaliste, mais aussivolontariste qui domine son entreprise théorique et thérapeuthique.

On peut , dès lors, difficilement considérer Freudcomme un fataliste, et sa théorie comme un appel à la résignation. Il faut reconnaître toutefois que, confrontée aux philosophies de la liberté (Descartes, Sartre notamment) quidéfinissent l'homme comme essentiellement caractérisé par le libre-arbitre, la théorie freudienne de l'inconscientpeut paraître proche des conceptions les plus archaïques et les plus fatalistes.

Mais ce jugement ne serait passeulement sévère, il supposerait que refuser d'admettre que l'homme est un sujet par essence libre et conscientimplique que l'on adhère nécessairement aux thèses fatalistes.

Ce serait ignorer tout un courant de pensée qui, deSpinoza à Freud, en passant par Hegel ou Marx appréhende la liberté non pas comme une donnée, mais comme lerésultat d'une conquête assurée par le progrès dans la connaissance de la nécessité, et qui, par ailleurs, voit dansl'ignorance des processus qui déterminent le cours des événements et de notre existence la principale cause del'aliénation et de la croyance dans la fatalité. Sujet désiré en échange : Le désir est-il condition ou obstacle à ma liberté?. »

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