La notion de tendance. Son rôle en psychologie. ?
Publié le 20/06/2009
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Le terme de tendance est d'un emploi constant aussi bien dans le langage courant que dans celui de la psychologie; il semblerait donc qu'il dût recouvrir une réalité familière. En fait, pourtant, nous éprouvons un certain embarras quand il s'agit de définir cette faculté ou plutôt cette force psychologique : la tendance. On peut donc se demander si nous n'aurions pas là seulement un terme commode que l'on plaque sur les phénomènes les plus divers et qui nous donne l'illusion de les avoir expliqués. L'usage de la notion de tendance relèverait de la pensée « métaphysique « (au sens où Auguste Comte prend ce terme). De ce point de vue, l'on comprendrait la défiance que rencontre la notion de tendance auprès de bon nombre de psychologues contemporains, l'école behavioriste, par exemple. * * * Et, cependant, l'abandon de,la notion de tendance, si l'on devait s'y résigner, apparaît gros de conséquences. Il équivaudrait pour le psychologue à adopter une perspective purement mécaniste. Sous prétexte de clarté, d'intelligibilité, c'est la finalité qu'on aurait ainsi éliminée. Nous arrivons ainsi à une première approximation de la notion de tendance. Pour confuse qu'elle soit, elle marque du moins la place et le rôle de la finalité dans la vie psychique. Elle signifie que les réactions psychiques ne s'expliquent pas suffisamment chacune par ses antécédents, et qu'il faut, pour les comprendre, faire intervenir l'idée d'un sens, d'une direction. Elle signifie que les réactions de l'être vivant correspondent à une orientation générale de la vie psychique. Or, avec cette idée « d'orientation «, nous avons peut-être de quoi aller plus loin et serrer de plus près la notion de tendance. Parler de « direction «, « d'orientation «, cela suppose en effet un but, un terme extérieur, qui polarise l'activité de l'être vivant. Dès lors, il semble que la tendance se définisse par ce vers quoi l'on tend. En d'autres termes, la tendance se définit par un objet. Elle est la relation dynamique et positive de l'être vivant à quelque objet extérieur à lui-même.
«
ce que l'on veut dire en parlant de tendances.
Les tendances apparaîtront donc toutes comme des modalités del'instinct de conservation.
Et, sous ce titre, nous pourrons regrouper aussi bien les « tendances » défensives que lestendances « besogneuses » (qui expriment un besoin) — aussi bien la tendance à que la tendance vers.
En sorteque la distinction que nous prétendions établir entre elles apparaîtrait artificielle.Plusieurs remarques cependant s'imposent ici, D'abord, il est sans doute inutile de faire appel à une tendance pourexpliquer les réactions défensives de l'être vivant.
Celles-ci s'expliquent suffisamment par la stimulation douloureuseque l'on y trouve au principe et qui les déclenche le plus souvent à la manière d'un réflexe.D'autre part, il faudrait réfléchir sur ce qualificatif « égoïste » appliqué à certaines tendances.
Ou le mot «égoïsme»ne signifie rien, ou il désigne un vice.
Or, si répandu que soit un vice — et nous convenons que c'est le cas del'égoïsme — pouvons-nous jamais le considérer comme naturel ? N'y a-t-il pas là une véritable contradiction dans lestermes ? Dès» lors, est-il possible de prétendre définir comme vicieuses tout un groupe de fonctions psychiques? Levice ne peut jamais s'inscrire dans la nature que comme une déviation, il ne peut en être un élément constituant.De plus, l'égoïsme implique l'attitude d'un être retourné sur lui-même, se prenant lui-même pour centre et pour fin.Or, il ne semble pas que telle soit l'attitude initiale de l'être vivant.
L'être vivant ne peut pas d'abord être pour lui-même un « objet » La vie, au moins sous ses formes initiales, est sans doute incapable de réfléchir son mouvement.L'être vivant n'a d'abord qu'un sentiment très confus de lui-même, de son moi, de l'unité individuelle qu'il constitue.Bien des observateurs nous l'affirment en ce qui concerne la psychologie des primitifs.Si paradoxal que cela puisse paraître, nous dirons donc que toutes les tendances, dans leur principe, sont altruistes.Non pas sans doute au sens moral de ce terme; mais en ce sens que par elles l'être vivant se porte naïvement, sansarrière-pensée, sans retour sur lui-même, vers l'objet de son besoin.
Songeons au nouveau-né qui tète, à l'hommeaffamé et assoiffé qui a obtenu enfin nourriture et boisson.
Le mot « d'égoïste » peut-il s'appliquer à leur attitude? Ily a dans le mouvement qui les anime un sérieux, une absolue sincérité (sincère = sans mélange).
Le lait, le pain, levin, sont désirés, aimés pour eux-mêmes et non pas comme le simple moyen d'obtenir un plaisir seul vraiment désiré,seul vraiment aimé et recherché.Car c'est alors que nous assisterions à cette déviation, à cette inversion des tendances qui constitue proprementl'égoïsme.
La tendance « sociale » s'invertit en une démarche égoïste, quand le semblable n'est plus recherché pourlui-même, mais comme l'instrument du plaisir que je peux tirer de sa présence en me l'assujettissant, Or, il nousparaît clair que l'on peut découvrir chez l'animal, chez l'enfant ou chez l'homme, une sociabilité naïve, sincère, quiéchappe à cette perversion.
Certes, alors, le plaisir est connu et goûté, mais il n'est pas recherché pour lui-même, iln'existe qu'en fonction du besoin dont il marque la satisfaction.
« Le plaisir s'ajoute à l'acte comme à la jeunesse safleur », disait Aristote, Au lieu que, dans la perversion égoïste, c'est le besoin qui est subordonné au plaisir.
C'est envue du plaisir que l'on suscite, que l'on entretient, que l'on renouvelle artificiellement le désir et l'appétit, Latendance sexuelle pourrait faire l'objet de remarques analogues.
* * *
Jusqu'ici, nous nous sommes efforcé de donner de la tendance une définition qui la prenne à l'état initial.
Il fallaitdonc que tout ce que nous disions fût valable aussi dans le domaine de la psychologie animale.
En définissant laperversion égoïste des tendances, nous sommes entrés dans le domaine de la psychologie humaine.
Car c'est làseulement, semble-t-il, que l'on peut trouver, nettement caractérisée, cette déviation de la tendance, C'est làqu'elle peut apparaître viciée.
C'est là qu'elle peut apparaître sublimée.
C'est là enfin que peuvent se faire jour destendances radicalement nouvelles par rapports à celles que nous avons examinées jusqu'ici.Il nous reste à dire un mot de ces deux derniers points.
Il nous paraît évident, par exemple, que l'humanité, enhéritant de la tendance sexuelle, lui fait subir une véritable transmutation.
L'instinct sexuel chez l'homme aévidemment les mêmes bases physiologiques que chez l'animal.
Il n'en reste pas moins qu'il est devenu autre, neserait-ce que par son caractère électif, et quelle que soit la qualification morale qu'il appelle par ailleurs.
Il pourraêtre égoïste, ou généreux, et mériter alors pleinement le nom d'amour, ce qui est inconcevable au niveau de lapsychologie animale.
Et l'on peut en dire autant de la tendance « sociale », qui ne s'accomplit véritablement qu'auniveau de l'homme et qu'on ne saurait confondre avec l'instinct grégaire.Enfin, l'on distingue un certain nombre de tendances qui n'appartiendraient qu'à l'homme et que l'on nommetendances idéales : tendances à la Vérité, à la Justice, à la Beauté, etc.
Pouvons-nous les faire rentrer dans notredéfinition et les considérer comme définies elles aussi par leurs objets ? Ce sera, en tout cas, dans un sens toutnouveau.
Car, il est bien certain que la Vérité, la Justice, ou Dieu ne sont pas des objets au même sens quel'aliment, le partenaire sexuel ou social.
Ce ne sont plus des objets» donnés aux sens, repérables.
On n'en obtientpas une possession aussi assurée et ils ne comblent pas le besoin de la même manière que l'aliment par exemplecomble le besoin alimentaire.
Ce sont moins des objets que des exigences de l'esprit humain.
Et même si j'affirmel'objectivité de ces fins de l'activité humaine, encore une fois, ce ne sont pas des objets donnés.
Ils ne sont pasdélimités comme des choses.
Ils sont conçus comme transcendants, c'est-à-dire comme dépassant toujoursinfiniment par nature toute réalisation humaine donnée.
La Justice transcende toujours infiniment tout systèmejuridique donné, de même que la Charité transcende toute institution ou tout acte de bienfaisance, de même queDieu transcende toute idée que je puis me former de lui.Dans la mesure où l'humanité est fidèle à ces idéaux, ils sont donc le principe d'un progrès, d'un renouvellementincessant.
Et ici apparaît une différence capitale entre ces tendances proprement humaines et les tendancescaractéristiques du règne animal.
Celles-ci visent à maintenir ou à rétablir un certain équilibre.
Elles sont doncconservatrices.
Les tendances idéales, au contraire, ne se satisfont d'aucun équilibre.
Elles sont révolutionnaires paressence.On peut donc se demander s'il ne conviendrait pas de réserver à ces tendances idéales — ou du moins de leurappliquer en un sens éminent — le nom de tendances.
Elles ne cessent de « tendre » en effet; elles ne peuventconnaître, semble-t-il, de périodes de repos comparables à celles qui suivent la satisfaction d'un besoin.
Elles.
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