La notion de témoignage dans la pensée religieuse de Kierkegaard.
Publié le 30/07/2009
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Il est sans conteste que Sören Kierkegaard a commencé à fonder les bases de sa philosophie, connue sous le nom d'existentialisme, à partir de l'existence hic et nunc comme cheminement individuel parsemé de toutes sortes de difficultés, de ravages et de tracasseries et inscrit dans une quête inassouvie de la vérité : la découverte du sens ultime de l'existence et le témoignage de ce sens à l'égard de tout le monde. À première vue, cette investigation si obstinée et si opiniâtre dans le sillage de la recherche de la vérité paraît dénudée de tout bon sens ou plutôt de toute logique, car elle fait appel à la souffrance, à la douleur, au déchirement ; mais Kierkegaard a défriché la logique de son existence, non pas de l'individu biologique considéré comme simple unité numérique au sein de l'espèce, mais de l'individu conscient de ses catégories existentielles et, par conséquent, ayant le sentiment du sérieux . Ainsi cet individu parvient-il, au bout de l'état de la mélancolie, à enfin jouir de l'allégresse que ressent son esprit, une fois ayant atteint et vécu dans le témoignage le sens plénier de son existence. En d'autres termes, la vérité exige de l'individu un engagement sans réserve de tout son être, un témoignage pour lequel il doit vivre et mourir. Ce louable témoignage, en dépit des afflictions qu'il pourrait exiger, se vit dans une certaine passion, c'est-à-dire dans un amour marqué par l'éternité. En d'autres termes, il s'agit de l'action suprême de la subjectivité, ce qui permet de faire éclore chez lui la notion d'intériorité . En effet, cette notion d'intériorité, au lieu de faire résorber Kierkegaard dans un repli sur soi, le pousse à sortir de lui-même et à témoigner en faveur de la vérité qu'il a pu rechercher : la foi en Dieu dans un christianisme renouvelé, c'est-à-dire purifié de toute superficialité.
«
dénonce fermement cette perspective exempte de tout engagement et, par conséquent, de tout témoignage : «Toute conception du christianisme qui le verse dans l'histoire ne fait que l'égarer, sans parler de toute théorie quil'estime perfectible » .
En effet, à quelque époque qu'on le prenne, le christianisme selon le témoignage de Kierkegaard, enseigne la mêmenécessité d'être rejeté par le monde, d'en être « haï » et « bafoué » ; il enseigne toujours l'incompatibilité avec lemonde, le danger de servir deux maîtres à la fois : Dieu et le monde d'ici-bas.
Le chrétien est celui que le mondetient pour fou (la folie du Christ).
C'est là, selon Kierkegaard, le point fondamental du christianisme et le point crucialdu témoignage au Christ.
En d'autres termes, être refusé du monde pour ne plaire qu'à Dieu, voilà le témoignage quedoit rendre tout chrétien au Christ et la récompense qu'il doit attendre.
Par conséquent, le christianisme est « imperfectible » : il est éternel et constant en ce que, comme dit Kierkegaard,« il est l'absolu » .
Kierkegaard rejette avec horreur l'idée d'une amélioration du christianisme : « Décréter saperfectibilité est un crime de lèse-majesté envers le Christ et ses Apôtres » ; « Ô blasphème ! le rendreperfectible » .
Pour le christianisme, il n'y a ni évolution ni histoire ; c'est même cette incompatibilité entrechristianisme et histoire qui constitue le point majeur du divorce avec le monde.
Cette affirmation rendrainsupportable le rôle de réformateur que prétend jouer Kierkegaard : « Humainement parlant, ce serait tout de mêmeune sorte de consolation qu'un témoin de vérité osât dire à sa mort : “ Voyez, maintenant que j'ai souffert,c'est à vous d'être heureux ”.
Hélas ! non, il doit dire : “ Maintenant à votre tour de souffrir[…] ” » .
À partir de là, en fait, Kierkegaard apparaît comme celui qui choisit volontairement de souffrir, d'endurer de terriblesafflictions au cours de sa vie et de conseiller aux autres de suivre son exemple pour pouvoir témoignerauthentiquement au Christ.
Plus encore, vouloir historiser le christianisme, accepter une évolution de ce qui est sa définition même, c'est leconfondre avec le monde et s'émanciper de tout témoignage, c'est l'humaniser, le mondaniser, l'enfoncer dans ceque Kierkegaard appelle « la mondanité », terme qu'il faut bien comprendre : « La mondanité ne pourra jamais savoirce que c'est que le sérieux (sic : ou le témoignage), puisqu'en effet le sérieux c'est le rapport à l'éternel, et pourde bon : sans égard, absolu » .
C'est le plus dangereux des affadissements, puisque c'est enlever les arêtes, lesangles vifs du christianisme et, par conséquent, s'affranchir du témoignage.
Sur un autre plan, Kierkegaard atteste que c'est la même confiance inopportune dans la raison et l'intellect qui,évacuant avec soin tout ce qui est scandale pour la raison , tout ce qui rend le christianisme « invraisemblable »,réduit le christianisme au simple respect de la morale et de la loi civile avec, à la fin et en premier lieu, laRédemption et le salut, tout en s'éloignant du véritable témoignage.
En effet, Kierkegaard considère que toutes ces tendances renvoient à la volonté d'introduire la raison dans lareligion.
Elles constituent des déviances graves par rapport au christianisme primitif, qui ne repose que sur l'autorité: « Le christianisme est message existentiel, entré dans le monde par voie d'autorité.
On ne doit pas spéculer » .Ce message existentiel peut être compris comme un véritable témoignage qu'il faut rendre au Christ par le biais de lafoi et la soumission à la volonté de Dieu.
Par conséquent, Kierkegaard certifie que la loi dans l'ordre religieux estd'agir contre l'intelligence : « Moins je peux comprendre quand pourtant je crois, plus ma foi gagne en intensité » .
Àpartir de là, on commence à prévoir que, malgré ses tourments intérieurs qui pourraient favoriser chez lui et chezn'importe quelle autre personne le repli sur soi et l'isolement, Kierkegaard essaie d'en sortir par le biais de la foi,cette foi qu'il essaie de définir et d'en témoigner en faisant appel à ses souffrances, à ses incertitudes et à sesmoments de désespoir.
En plus, Kierkegaard souligne qu'on ne doit pas vouloir comprendre , car « la foi ne comprend pas ce qu'elle croit » .En effet, pour Kierkegaard, si la raison remplace les trois vertus théologales, les trois s½urs inséparables, à savoirla foi, l'espérance et la charité, c'est compromettre son âme et l'exposer à la perte et, par conséquent, s'émanciperdu témoignage.
Il y a de l'invraisemblable, de l'absurde dans le christianisme : « Le concept de l'absurde estprécisément de comprendre qu'il ne peut et ne doit pas être compris […] ; mais de là ne s'ensuit pas quec'est du non-sens » .
En effet, selon Kierkegaard, témoigner de la seule vérité que le Christ est le véritable sauveurdu monde n'exige pas à faire travailler sa raison pour voir s'il s'agit d'un acte bienveillant ou pas, mais à acceptersans conteste et avec modestie ce que Dieu demande du croyant fidèle.
Ainsi sur les obscurités et les contradictions de la Bible, Kierkegaard atteste que : « c'est justement parce que Dieuveut que l'Écriture sainte soit objet de foi et qu'elle scandalise toute autre façon de voir […] » .
Par suite,Kierkegaard continue : « une Écriture sainte exige de la “ foi ”, et pour cette raison même il faut desdésaccords afin qu'intervienne le choix de la foi […].
Il y faut la possibilité du scandale » et « […]Dieu disposera tout de manière à ne pouvoir devenir qu'objet de la foi, toujours il organisera le rapport pour qu'ilheurte la raison […].
Il ne peut être qu'objet de la foi » .
À ce niveau, on comprend alors ce cri de.
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