« La notion de quelque chose de juste me semble si naturelle, si universellement acquise par tous les hommes, qu'elle est indépendante de toute loi, de tout pacte, de toute religion. » Voltaire, Le philosophe ignorant
Publié le 15/05/2012
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C) On peut savoir où est son devoir, mais il est dicté par l'éducation ou la croyance religieuse.
L'indépendance complète de la notion de juste par rapport à la loi et à la religion est difficile à envisager, si l'on prend en compte l'éducation humaine qui transmet de manière plus ou moins des valeurs partagées aux individus. Dans ce sens, on peut savoir parfaitement ce qui est juste et injuste, mais ne pas être conscient de l'influence de notre éducation ou du contexte culturel dans lequel nous vivons. Le sens de la justice ne serait pas inné, mais acquis socialement, lié à la coutume, comme le propose l'analyse de Pascal.
«
INTRODUCTION
Face à certains crimes odieux, tout le monde semble réagir de manière unanime et
condamne r d'une même voix l'injustice ; inversement, tout le monde semble savoir ce qui est
juste, de manière intuitive.
La justice ne serait donc pas purement relative ni contractuelle.
Aussi Voltaire écrit- il dans Le philosophe ignorant : « La notion de quelque chose de juste
me semble si naturelle, si universellement acquise par tous les hommes, qu'elle est
indépendante de toute loi, de tout pacte, de toute religion.
» Ainsi, la notion de juste, entre
sentiment du juste et intuition antérieure à la connaissance rationnelle ou aux croyances
religieuses, existerait en chaque homme, garantissant ainsi un fondement anthropologique et
éthique à la justice humaine.
Mais qu'en est -il de cette « notion », n'est -elle pas le fruit oublié
d'une éducation, d'un environnement culturel, un acquis inconscient et non un élément inné ?
1.
LA NOTION DE JUSTE EST UNIVERSELLE ET ANTHROPOLOGIQUE
A) L'indépendance vis -à-vis de la loi
La notion de juste serait, d'après Voltaire , un invariant humain ne dépendant pas des
circonstance s, de l'origine et de l'éducation de l'individu.
Chacun sait ce qui est juste, sans en
avoir peut-être une idée claire.
Ainsi, le sentiment du juste s'impose à tous.
Eschyle montre
un Oreste qui sait parfaitement où est son devoir et n'a aucune hésitation quant à la notion de
juste et d'injuste : il invoque son bon droit, son « bon ».
Sa sœur Électre n'hésite pas non
plus, et la vengeance purificatrice, archaïque, est la solution fondamentale.
L'institution de la
justice d'Athéna sanctionnera d'ailleurs le bon droit d'Oreste et l'innocentera finalement.
La
justice instituée confirme ainsi ce qui est « naturel» d'après Oreste.
De même, si la notion de juste est universelle, le sentiment de l'injustice s'impose à tous
chez Steinbeck : tous le s paysans, quell e que soi ent leur éducation, leurs croyances, ont tous
le même sentiment d'injustice face aux expropriations, d'où qu'ils viennent.
Ils deviennent un
personnage collectif, une masse anonyme et unie par la solidarité dans le malheur : tous
s'entraident sans hésiter, confirmant ainsi une forme d'universalité de la justice, qui existerait
indépendamment de la loi.
En revanche, Pascal déplore le manque d'universalité de la justice,
qui est un signe de son inconséquence et de sa pure relativité.
B) L'indépendance vis -à-vis du contrat ou du pacte social
La notion de juste, indépendante de la loi, semble aussi exister indépendamment du pacte
social.
Voltaire refuse les théories contractualistes de la justice qui la considèrent comme un
code partagé par tous pour des raisons de survie dans le cadre d'une société.
Au contraire, si
les hommes connaissent tous ce qui est juste, sans hésiter, c'est parce que cette « notion »,
cette intuition, serait préexistante à l'organisation sociale.
Ainsi, chez Steinbeck, on observe plusieurs types de société : la société américaine
dominée par l'argent pendant la dépression semble oublier les principes de justice inhérents à
1'homme, étouffée par la loi du march é, aveuglée, alors que la microsociété constituée dans
le camp du gouvernement se pose en une utopie où le sens de la justice, l'entraide et le
partage redeviennent des règles de bon sens et servent de fondement à une contre -société,
jugée plus naturelle par les Joad, qui disent « se sentir de nouveau humains ».
Pour Eschyle, la vengeance fonctionne comme un devoir à l'échelle de la famille, forme
minimale et archaïque de la société : ce sont les liens du sang quasi sacrés et non pas un
pacte social qui garantissent la vengeance, sentie comme une forme indiscutable de justice
par Électre ou Oreste.
Clytemnestre, elle -même, qui semble être la plus injuste, justifie le.
»
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