La notion de crise a-t-elle un sens en dehors de l'économie ?
Publié le 13/03/2005
                            
                        
Extrait du document
Finkielkraut dans Penser la crise nous dit : « La crise est un moment singulier de l’existence des hommes et du monde où l’ordre habituel des choses se met à vaciller et menace même de retourner au chaos. On la redoute donc le plus souvent, en essayant de l’éviter. Mais plutôt que d’en craindre le pire, ne peut-on en espérer le meilleur : dans sa violence même, la crise ne fait-elle pas apparaître de nouvelles possibilités d’être ? Ne faut-il pas alors tâcher de s’en saisir comme l’occasion d’une renaissance, aussi bien dans l’existence personnelle des individus que dans la vie collective des peuples ? « En ce sens, la crise semble ne pas être une notion exclusivement économique. On parle par ailleurs de crise politique, philosophique, de crise dans la prise de décision. Avoir du sens, c’est être porteur de signification. Dès lors la question semblerait entendue. Pourtant, comment expliquer que la notion crise soit attachée essentiellement dans nos représentations à l’économie ? Et dès lors quelle est la valeur de celle-ci ?
Si la crise a un sens en dehors de l’économie (1ère partie), il nous reste à comprendre pourquoi nos représentations associent la crise essentiellement à l’économie (2nd partie) et à comprendre la valeur et le dépassement de celle-ci (3ème partie).
I – La crise n’est pas essentiellement économique
II – Pourquoi la crise apparaît-elle comme un paradigme économique ?
III – Valeur et dépassement d’une crise
«
                                                                                                                            essentiellement dans les relations humaines et sociales : elle permet un clivage dans la société, la définition d'uneplace dans l'organisation de la société.
                                                            
                                                                                
                                                                    Et cela d'autant plus que nous nous situons dans la division du travail quiorganise notre société et nos représentations.
                                                            
                                                                                
                                                                    L'économie est alors au cœur de tout phénomène social ; de manièresous-jacente ou non.b) Cependant, si 	Marx	 le notait déjà dans le 	Capital	 dans la mesure où la totalité de nos rapports, ce qui fonde une	société s'exprime en termes de relations économiques, notamment à travers la notion de classe ; 	Max Weber	 ici va	plus loin et trouve  même dans le monde  occidental  les racines  de l'économie  dans nos croyances  comme il ledéveloppe  dans l'éthique  protestante  et l'esprit  du capitalisme.
                                                            
                                                                                
                                                                     Ainsi dans  le	Recueil  d'études  de sociologie  des	religions	 il dira  : « L'apparition  du rationalisme  économique [...] dépend  de la capacité  et de la disposition des	hommes à adopter des formes déterminées d'une 	conduite de vie	 caractérisée par un rationalisme pratique.
                                                            
                                                                                
                                                                    Là où	une  telle  conduite de  vie a rencontré  des entraves d'ordre  psychique, le développement  d'une conduite de vierationnelle  dans le domaine 	économique	 a  rencontré,  lui aussi,  de fortes  résistances  intérieures.
                                                            
                                                                                
                                                                    Or, parmi  les	éléments les plus importants qui ont façonné la conduite de vie, on trouve toujours, dans le passé, les puissancesmagiques  et religieuses  ainsi que les idées  éthiques  de devoir  qui sont  ancrées  dans la croyance  en cespuissances ».c) Ainsi, si dans nos représentations la crise est spécifiquement la crise économique c'est bien parce que l'intérêtguide nos sociétés.
                                                            
                                                                                
                                                                    La crise économique est une crise de société, une crise politique et une crise de la recherchescientifique  dans la mesure où  ses fonds sont essentiellement  tirés de l'économie.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est  en ce sens que 	Adam	Smith	 comprenait déjà l'économie dont l'intérêt fonde le moteur de l'échange et de la vie en société ; dès lors la	politique aussi en tant qu'elle est le cadre de la vie en société.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi dans 	De la Richesse des nations	 : « l'homme a	presque continuellement besoin du secours de ses semblables, et c'est en vain qu'il l'attendrait de leur seule bienveil-lance.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il sera bien  plus sûr de réussir, s'il s'adresse à leur  intérêt personnel et s'il leur persuade que leur  propreavantage leur commande de faire ce qu'il souhaite d'eux.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est ce que fait celui qui propose à un autre un marchéquelconque; le sens de sa proposition est ceci : Donnez-moi 	ce dont j'ai besoin, et vous aurez de moi ce dont vous	avez besoin vous-même; 	et la plus grande partie de ces bons offices qui nous sont si nécessaires, s'obtient de	cette façon.
                                                            
                                                                                
                                                                     Ce n'est  pas de la bienveillance  du boucher,  du marchand  de bière  ou du  boulanger,  que nousattendons  notre dîner,  mais bien du soin  qu'ils  apportent  à leurs  intérêts.
                                                            
                                                                                
                                                                     Nous ne nous  adressons  pas à leurhumanité,  mais à leur égoïsme;  et ce n'est jamais  de nos besoins que  nous leur parlons, c'est  toujours de leuravantage ».
                                                            
                                                                                
                                                                    Transition	 :	Ainsi la crise, si elle a pour nous un retentissement particulier et se comprend souvent comme crise économiquec'est bien parce  que nos rapports  en société  sont essentiellement  économique.
                                                            
                                                                                
                                                                    Notre vision  du monde  estcoordonnée par l'économie et nos sociétés de type capitaliste repose sur l'intérêt comme moteur de l'échange.
                                                            
                                                                        
                                                                    Dèslors, dans nos représentations, la crise est une crise économique.
                                                            
                                                                                
                                                                    Pourtant elle ne s'y réduit pas mais nous touchedavantage qu'une crise en science ou en philosophie voire une crise culture qui sont moins visibles directement maistout aussi  problématique.
                                                            
                                                                                
                                                                     Dès lors qu'est-ce  qui fait  la valeur  d'une crise et comment  comprendre  sondépassement ?  III – Valeur et dépassement d'une crise a) Une crise est essentiellement une crise d'une structure, c'est-à-dire celle d'un paradigme de compréhension dumonde ou du fonctionnement du monde.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi en est-il de même en économie qu'en science.
                                                            
                                                                                
                                                                    Comme le note 	Kuhn	dans la 	Structure  des révolutions  scientifiques	 :  «  Un  paradigme  est ce que  les membres  d'une communauté	scientifique possèdent en commun, et, réciproquement, une communauté scientifique se compose d'hommes qui seréfèrent au même paradigme ».
                                                            
                                                                                
                                                                    Cependant, s'il est possible de parler avec Kuhn de crise au sens large du termec'est que lui-même  dresse un parallèle entre la  science et la politique notamment puisque  la politique elle-mêmelorsqu'elle entre en crise met fin à un paradigme c'est-à-dire à une vision du monde.
                                                            
                                                                                
                                                                    Dès lors, il nous est possible depoursuivre l'analogie avec l'économie et les autres domaines : « Dans le développement politique comme dans celuides sciences,  le sentiment  d'un fonctionnement  défectueux, susceptible d'aboutir à une  crise,  est la conditionindispensable des révolutions ».
                                                            
                                                                                
                                                                    Bien plus, la crise se manifeste souvent comme nécessité d'un changement.b) Ainsi, une crise peut se comprendre comme la nécessité de refonder un modèle qui n'est plus opérant ou dont lesanomalies sont trop nombreuses pour pouvoir continuer à exister.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est bien ce que montre 	Kuhn	 la 	Structure des	révolutions scientifiques	.
                                                            
                                                                                
                                                                    La crise exprime la déficience d'un modèle à répondre à un ensemble de question ou de cas	pratiques.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il faut alors en changer dans la mesure où il n'est plus opérant pratique et théoriquement.
                                                            
                                                                                
                                                                    Or c'est bience que l'on peut observer au cours d'une crise économique : le modèle économique n'est plus en mesure d'apporterune réponse adaptée.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il a atteint ses limites ; il est alors nécessaire d'en changer.
                                                            
                                                                                
                                                                    En ce sens, une crise ou unerévolution n'est alors comprise comme telle « qu'aux yeux de ceux dont les paradigmes subissent les contrecoup dela révolution ».
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi en matière économique peut-on peut-être parler de crise du modèle capitaliste, mais une criseendémique même au modèle telle que le prévoit plus ou moins les mouvements de Kondratiev.c) Mais  l'essentiel  de la valeur  de la crise  repose  dans la structure  de dépassement  qu'elle suppose.
                                                            
                                                                                
                                                                     Plusexactement  : elle  suppose  alors des moyens  qui sont  impossibles  avant cette crise et vise  justement  ledépassement de cette crise.
                                                            
                                                                                
                                                                    Plus simplement : le dépassement d'une crise ne peut se faire que par des moyens quin'étaient pas en eux-mêmes  présents déjà dans  le modèle  ou le paradigme  mit en crise  nécessitant  alors sarefondation.
                                                            
                                                                                
                                                                    La crise a pour facteur essentiel de devoir  développer une réponse nouvelle et inédite afin de dépasserle modèle  mit en échec.
                                                            
                                                                                
                                                                     Ce dépassement  peut se faire  par intégration  de l'ancien  système  ou en le rejetanttotalement.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est ainsi que 	Kuhn	 dans la 	Structure des révolutions scientifiques	 dit : « L'aspect génétique de la	comparaison entre développement politique et développement scientifique me semble donc clairement fondé.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais.
                                                                                                                    »
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