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LA NATURE, LA MORT ET LA VIE

Publié le 18/01/2020

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Sans doute, pour l’individu jeté dans la Nature, la mort semble-t-elle plus inéluctable, plus certaine et plus immédiate que la vie, toujours incertaine, toujours précaire et toujours menacée ; encore faut-il observer, avec Montaigne, que pour pouvoir mourir, il faut être en vie : « Tu ne meurs pas de ce que tu es malade, tu meurs de ce que tu es vivant» (Essais, III, XIII). Seuls les êtres vivants sont en mesure d’obéir à la loi de la Nature (Naturae satisfacere) ou, comme dit joliment La Fontaine dans la fable Les Médecins, de « payer le tribut à Nature ».

Et si l’on fait abstraction des états d’âme de Bonhomme, c’est bien plutôt la profusion des naissances et le flot intarissable des générations qui paraissent être les caractéristiques principales de la Nature, de cette formidable puis- ' sance sans commune mesure avec nos propres forces. La vie, avec ses énigmes et sa gratuité, n’est-elle pas le don primordial, l’élan originel, et, en un autre sens que précédemment, la véritable loi de la Nature ?

D’ailleurs, nature vient de naître (en latin : nasci, natus) et mourir, après tout, n’est-ce pas dénaître ? (cf. Schopen-hauer, Anthologie philosophique, texte p. 293, n° 8).

Que signifie donc la fameuse proposition : «Tous les hommes sont mortels » ?

Si cette «loi de la Nature» n’est que le produit de l’observation selon laquelle, jusqu’à présent, tous les' hommes qui ont vécu sont morts, n’est-il pas permis de penser que l’homme ne meurt que par accident et qu’il est, par nature, immortel ? Grâce au progrès de la science, ne peut-on espérer, comme Condorcet, voir «s’accroître sans cesse la distance entre le moment où l’homme commence à vivre et l’époque commune où naturellement, sans maladie, sans accident, il éprouve la difficulté d’être » ? Mieux encore, certains ne caresseront-ils pas tout haut le rêve d’immortalité physique dont - selon Freud - se berce leur inconscient, comme Tolstoï par exemple, demandant à Gorki, au cours d’une promenade : «Croyez-vous que la Nature fera une exception pour moi ? »

Mais si la mort est inscrite dans le programme génétique de tout être vivant, alors c’est la Nature elle-même qui prescrit, dès leur naissance, la mort des individus, pour assurer la vie et l’évolution, dont les contraintes ne s’accordent guère au vieux rêve d’immortalité. Dès lors, si tout individu est programmé par la Nature pour mourir après un certain temps, on peut donc dire, paradoxalement, que l’homme, comme tout être vivant, est mortel par nature, parce que la vie, dans son inépuisable prodigalité, constitue, pour ainsi dire, « la nature de la Nature ».

Qu’entendons-nous donc par nature ?

NATURE : UN MOT VAGUE ET AMBIGU ?

Il est souvent question de « mettre la nature au service de l’homme ». Or, si l’idée d’homme reste incertaine parce que «générale, typique, abstraite» (Coumot), le mot nature revêt une telle diversité de significations qu’on peut se demander si une pareille formule ne revient pas à mettre un mot vague au service d’une idée floue. .

Savons-nous bien ce que nous disons quand nous parlons de la nature ? La question est d’importance, car comment savoir ce qui est naturel (qu’il s’agisse de la mort, du droit, des lois, des enfants, des langues, etc.) si nous ignorons ce qu’est cette nature qui fournit des métaphores à tous les

  • NATURE : UN MOT VAGUE ET AMBIGU ?
  • La nature est-elle susceptible d’une définition ?
  • La nature comme puissance créatrice
  • La nature comme ordre mathématique
  • Où est la vraie nature ?
  • La question de l’unité dans la nature
  • Nature : « Un concept bien choisi » ?
  • LA NATURE HUMAINE
  • La nature humaine est-elle concevable ?
  • La nature humaine existe-t-elle ?
  • LA PUISSANCE D’INTERROGATION DE L’IDÉE DE NATURE

Où est la vraie nature ?

«La nature? disait Degas, c’est une hypothèse.» Cette boutade du peintre va loin.

La nature que découvre la science physico-mathématique est en effet le produit d’une hypothèse : celle que Galilée formula en 1623 dans un passage prophétique de son ouvrage II Saggiatore (L’Essayeur), à savoir que le grand livre de la Nature est écrit dans le langage mathématique des nombres. .

Le succès technique a largement accrédité la prédiction galiléenne. Cependant, à aucun moment, l’hypothèse initiale n’a été convertie en connaissance de la nature : «Elle reste, écrit Husserl, malgré la vérification, une hypothèse pour la suite et pour toujours.» La science de la nature revêt de symboles mathématiques le monde réel, sensible, « dans lequel pratiquement se déroule toute notre vie, et qui reste tel qu’il est, invariable dans ses structures essentielles, quoi que nous puissions faire avec ou sans technique ».

Mais la «vraie nature» que la science physicomathématique s’est engagée à découvrir, «est située à l’infini», au terme d’un «travail historique infini d’approximation» (Husserl).

« 10 La problématique de l'être une mère et je suis une tombe ...

» Mais une prosopopée ne constitue pas une définition, et ne permet pas d'établir entre la Nature et la Mort une relation privilégiée.

Sans doute, pour l'individu jeté dans la Nature, la mort semble-t-elle plus inéluctable, plus certaine et plus immé­ diate que la vie, toujours incertaine, toujours précaire et toujours menacée; encore faut-il observer, avec Montaigne, que pour pouvoir mourir, il faut être en vie : «Tu ne meurs pas de ce que tu es malade, tu meurs de ce que tu es vivant» (Essais, III, XIII).

Seuls les êtres vivants sont en mesure d'obéir à la loi de la Nature (Naturae satisfacere) ou, comme dit joliment La Fontaine dans la fable Les Médecins, de «payer le tribut à Nature».

Et si l'on fait abstraction des états d'âme de Bonhomme, c'est bien plutôt la profusion des naissances et le flot inta­ rissable des générations qui paraissent être les caractéris­ tiques principales de la Nature, de cette formidable puis­ sance sans commune mesure avec nos propres forces.

La vie, avec ses énigmes et sa gratuité, n'est-elle pas le don primordial, l'élan originel, et, en un autre sens que précé­ demment, la véritable loi de la Nature? D'ailleurs, nature vient de naître (en latin: nasci, natus) et mourir, après tout, n'est-ce pas dénaître? (cf Schopen­ hauer, Anthologie philosophique, texte p.

293, n° 8).

Que signifie donc la fameuse proposition : «Tous les hommes sont mortels» ? Si cette «loi de la Nature» n'est que le produit de 1' observation selon laquelle, jusqu'à présent, tous les · hommes qui ont vécu sont morts, n'est-il pas permis de penser que l'homme ne meurt que par accident et qu'il est, par nature, immortel ? Grâce au progrès de la science, ne peut-on espérer, comme Condorcet, voir «s'accroître sans cesse la distance entre le moment où l'homme commence à vivre et l'époque commune où naturellement, sans 1. »

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