LA NATURE DE LA MORALE
Publié le 07/05/2012
Extrait du document

Nous sommes donc aux antipodes de l'ordre moral. Les lois, dans ce domaine, disent ce qui doit être et disent expressément la réalisation de fins déterminées. De plus, loin de supposer la nécessité dans l'agent moral, elles impliquent formellement sa liberté, puisque, visant des fins et non de purs moyens, elles n'ont le sens qu'en fonction de cette liberté, qu'elles orientent et lient. Il est donc impossible de ramener la Morale à une physique ou à une biologie des moeurs : de telles expressions, en fait, sont dépourvues de sens et équivalent rigoureusement à celle de cercle carré...
Nous avons maintenant à préciser la nature de la philosophie morale, c'est-à-dire à déterminer tout ce qui est impliqué absolument dans l'analyse du fait moral et dans la définition par laquelle nous en avons résumé les données essentielles. Nous aurons à montrer en quel sens la Morale est une science, - une science pratique, - enfin une s·cience philosophique.
La Morale comme science. - La science morale - L'empirisme moral - Les principes de la science morale. - Les morales scientifiques - La Morale comme science pratique - La notion de science pratique - Division de la science pratique - Art et prudence. - La Morale comme savoir philosophique. - La philosophie morale. - La morale naturelle - Méthode et division.

«
(DE MAISTRE, BoNALD, LAMENNAis) 1,- soit à J'expérience morale
ou éprezwe de soi par soi par laquelle l'homme prend conscience,
dans le jeu même de l'action, des exigences d'une conduite
conforme 'à son véritable bien (JAMES) 2
•
Ces théories impliquent le plus souvent un irrationnalisme fon.
cier, que nous avons déjà rencontré en d'autres domaines (III, 99- 101).
Certains moralistes vont si loin qu'ils affirment qu'on ne peut
essayer de rationaliser la Morale sans la détruire.
J.-J.
RoussEAU et LAMENNAIS avancent une opinion de ce genre 3
.
Récemment, F.
BRu NETIÈRE a paru reprendre ce point de vue.
c C'est, dit-il, une psycho logie superficielle qui a prétendu ériger la certitude scientifique et rationnelle en type absolu de toute certitude, au détriment de la
croyance.
On pensait fonder en raison la Morale ; on n'a fait que la livrer au scepticisme.
Car c'est la croyance qui nous rend sociables, et non la raison ; c'est la croyance qui nous persuade notre abdica t.ion personnelle au bien commun, et non pas la raison ; c'est la
croyance qui est la base de la patrie, dans son fondement « mys tique » et non pas la raison.
Et la preuve, c'est que, patrie, famille,
(1) Le traditionnalisme peut être plus restreint, tel, par exemple, que le
propose BARRÈs (Les Amitiés françaises, IV) : • Par elle-même, la vie n'a pas
de sens.
Si nous repoussons la règle, quelle qu'elle soit, qui disciplina nos
pères et à quoi nous approprie notre structure mentale, nous n'avons aucune
raison de choisir une vérité plutôt qu'une autre dans le riche écrin des sys tèmes.
Il ne nous reste que de jouer à pile ou face.
Au berceau d'un orphelin, à l'hôpital, comme pis aller, il faut bien que 1 'on appelle la froide déesse
Raison.
Pitoyable nourrice 1 J'aimerais mieux la mort que cette infatuée.
Par contre, un petit enfant chez qui l'on distingue et vénère les émotions
héréditaires, que l'on meuble d'images nationales et familiales, tout au cours
de sa vie, dans son fond possédera une solidité plus forte que toutes les
dialectiques, un terrain pour résister à toutes les infections, une croyance,
c'est-à-dire une santé morale.
• (2) cr.
RAUH, L'expérience morale, Paris, 1903, p.
41-65 : • Toute croyance
qui paraîtra n'avoir été acceptée que comme une conséquence logique d'un système plus général est par là même suspecte.
• «Sont donc disqualifiés,
comme maîtres de la vie, tous les déductifs, tous les fabricateurs de systèmes,
tous ceux qui cherchent
la croyance hors d'elle-même.
L'honnête homme
veutl'évidence actuelle, celle qui jaillit de la chose même: praesens ePidentia.
• P.
235 : • Il faut chercher la certitude dans une adaptation immédiate au réel, au lieu de la déduire d'idéologies abstraites.
• (3) Cf.
LAMENNAIS, Essai sur l'indifférence en matière de religion, t.
Il, 3• p., ch.
1: • Quand nous venons à porter la main sur l'édifice de nos connais sances, à en sonder curieusement la base, nous ne trouvons que des abîmes, et le doute ténébreux sort des fondements de l'édifice ébranlé [ ...
].
Voilà pourquoi la philosophie, qui veut tout voir et tout comprendre, la philo sophie qui rend la raison de chaque homme seul juge de ce qu'il doit croire, aboutit au scepticisme universel, ou à la destruction absolue de la vérité et de l'intelligence.
•.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Friedrich Nietzsche, Le Crépuscule des idoles, « La morale en tant que manifestation contre nature »
- NATURE ET OBLIGATION MORALE (cours de philosophie)
- Nature de la conscience morale. PLAN.
- Commenter ou discuter cette pensée de Renouvier : « La morale et les mathématiques ont cela de commun que, pour exister en tant que sciences, elles doivent se fonder sur de purs concepts. L'expérience et l’histoire sont plus loin de représenter les lois de la morale que la nature ne l’est de réaliser exactement les Idées mathématiques »
- Qu'est-ce que la bonne volonté? Déterminez sa nature et son rôle dans la vie morale.