La nature chez Jean-Jacques ROUSSEAU
Publié le 14/08/2014
Extrait du document
[Ne pas prendre pour naturelles des inégalités sociales]
En effet, il est aisé de voir qu'entre les différences qui distinguent les hommes plusieurs passent pour naturelles qui sont uniquement l'ouvrage de l'habitude et des divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société. Ainsi, un tempérament robuste ou délicat, la force ou la faiblesse qui en dépendent, viennent souvent plus de la manière dure ou efféminée dont on a été élevé, que de la constitution primitive des corps. Il en est de même des forces de l'esprit, et non seulement l'éducation met de la différence entre les esprits cultivés et ceux qui ne le sont pas, mais elle augmente celle qui se trouve entre les premiers à proportion de la culture ; car qu'un géant et un nain marchent sur la même route, chaque pas qu'ils feront l'un et l'autre donnera un nouvel avantage au géant. Or, si l'on compare la diversité prodigieuse d'éducations et de genres de vie qui règne dans les différents ordres de l'état civil avec la simplicité et l'uniformité de la vie animale et sauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la même manière, et font exactement les mêmes choses, on comprendra combien la différence d'homme à homme doit être moindre dans l'état de nature que dans celui de société, et combien l'inégalité naturelle doit augmenter dans l'espèce humaine par l'inégalité d'institution.
Jean-Jacques ROUSSEAU
QUESTIONS :
I) Que veut établir Rousseau en écrivant ce passage ? Dégagez et étudiez les étapes de l'argumentation, la structure logique du texte.
2) Expliquez la distinction établie entre l'inégalité naturelle et l'inégalité d'institution.
3) Le développement des sociétés et la réduction des inégalités sont-ils incompatibles ?
· La philosophie politique de Rousseau ne pose aucune incompatibilité entre une société vraiment juste et une certaine réduction des inégalités ; au contraire, certaines inégalités sociales rendraient impossible l'existence de l'État idéal tel qu'il le définit.
· Sont injustes les inégalités sociales qui donnent à certains le pouvoir d'imposer aux autres leur volonté particulière. Rousseau souhaite par exemple « que nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoir acheter un autre, et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre « (Contrat social, II, 11).
«
éléments de réponse
1) Que veut établir Rousseau en écrivant ce pas
sage?
Rousseau veut établir ici que la cause essentielle des
inégalités entre les hommes ne se trouve pas dans la nature, comme on l'imagine parfois, mais dans les diffé rences d'éducation, dans la diversité des manières de
vivre en société.
Dégagez et étudiez les étapes de l'argumentation, la
structure logique du texte.
• Rousseau constate.
tout d'abord, que tous les hommes
ne sont pas egaux ou semblahles.
• li propose ensuite l'explication la plus claire de ce fait : « plusieurs » de ces différences s'expliquent non pat la
nature mais par les manières d'être, les façons d'agir acquises en société et sous l'influence de l'éducation.
• Deux exemples généraux illustrent cette explication :
- certaines inégalités physiques résultent moins de l'héré dité que de l'éducation reçue; -même remarque pour les inégalités entre les esprits ;
elles résultent de, et s'accroissent toujours avec les diffé
rences d'éducation.
Une comparaison éclaire cette augmentation progressive
des inégalités dans le temps : l'esprit cultivé s'éloigne
toujours davantage de
celui qui ne l'est pas, comme un
géant distance un nain, sur un même chemin.
• Enfin, Rousseau tire deux conséquences de l'explication
véritable des inégalités :
-
d'abord, les inégalités entre les êtres sont minimes lors que les manières de vivre sont semblables : par exemple
chez les animaux et chez les hommes à l'état de nature ;
- ensuite, et inversement,
les inégalités se multiplient quand se multiplient les manières différentes de vivre : par exemple chez les hommes lorsque les institutions
sociales sont inégalitaires..
»
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