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La musique classique au XXe siècle

Publié le 26/02/2010

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On peut dater le "moderne" en musique de l'époque qui suit les grands romantiques, c'est-à-dire du dernier quart du XIXe siècle. Mais il faut y distinguer deux étapes, d'autant plus tranchées qu'on sera amené à rattacher l'une au passé tandis que l'autre ouvre un devenir aujourd'hui encore entièrement imprévisible. La première de ces étapes s'étend jusqu'aux environs de la première guerre mondiale et culmine dans l'Oeuvre de Debussy ; la seconde domine l'activité de l'entre-deux guerres ; c'est là que nous trouvons les chefs de file de la musique contemporaine. Leur apport est considérable et les innovations qu'a subies le langage musical au cours de ces quelque vingt ans ont été plus radicales, plus diverses et surtout plus rapides qu'en aucune autre époque de son histoire. Mais quand on se bornerait à les énumérer et à les décrire, on ne ferait que de la statistique et l'on n'aurait encore rien dit, en somme, si l'on ne s'efforçait en même temps de discerner leur signification. La langue musicale est, en effet, bien autre chose qu'un simple moyen matériel apte à exprimer n'importe quelle pensée ; elle porte en elle l'esprit de l'art qui en résultera, sa nature expressive et la mesure de sa portée. Si la civilisation occidentale a créé un art musical incomparablement plus riche et de tout autre transcendance que les civilisations antérieures, c'est qu'un certain esprit l'animait, qui, informant l'action créatrice de races ou du moins d'ambiances diverses, faisait se conjuguer leurs efforts, imprimait une unité à la pluralité des genres et des esthétiques et une continuité aux métamorphoses que leur faisait subir l'histoire. Depuis Bach, cet esprit s'était incarné dans le principe configurateur de la force harmonique tonale et cet apport germanique avait marqué de son sceau toute la production ultérieure. En accordant la primauté, dans la musique qui en est issue, à l'accent individuel, le romantisme ouvrait la voie aux nationalismes musicaux, et ce qui caractérise la première étape de la musique moderne, c'est l'action dissociante des individualités nationales. Le champ de la musique occidentale s'était étendu ; de nouveaux éléments (scandinaves, slaves, etc.) s'étaient joints à ceux qui jusque là en avaient constitué le corps et ces individualités nationales, en cherchant à se dégager de ce qu'il y avait de spécifiquement germanique dans leur art commun, tendaient à en rompre l'unité organique.

« plus.

Il faut donner à la "forme" de nouvelles assises.

Elle est redevenue un problème.

C'est ce problème queSchoenberg se pose, mais avec un esprit d'absolu, une sorte d'autonomie de la volonté, prête à se détacher du réel,qui détermineront son action.

Dans l'absolu, en effet, le sentiment de forme en musique se dégage essentiellementde certains rapports de sons et de figures de sons dont le style contrapuntique et imitatif a fixé les principeséternels.

Mais ces sons appartiennent à une langue musicale qui a déjà ses liaisons internes, ses notes privilégiées,ses qualifications, et les rapports formels ne peuvent s'accomplir dans le réel qu'en composant avec ces données.C'est ici que la complexion individuelle de Schoenberg va le pousser à une rupture : dans son désir d'absolu, il veutlibérer ses constructions formelles même des données de notre langue musicale, dont il ne garde que l'échelle desons ; ce qu'il configure n'est plus une langue, mais un répertoire de sons, ou ce n'est une langue de nulle part, lalangue d'une humanité abstraite ou chimérique.

Les formes qu'il en tire y perdront une vertu essentielle : celle d'être"sensibles au cOeur".

Pour satisfaire ses exigences d'esprit, il a rompu avec le réel, mais perdu la communicationsensible avec ceux qui sont dans le réel. Toute la première période productive de Schoenberg le montre aux prises avec le problème pratique de sa rechercheformelle.

Ce sont des Oeuvres de tous genres : quatuors, pièces d'orchestre ou de piano, lieder, drame lyrique, quiont ceci de commun qu'elles sont édifiées en évitant de plus en plus tout ce qui porte quelque empreinte dusystème tonal.

Quand un système musical est attaqué à la base, l'ébranlement se fait sentir partout ; tout l'édificefonctionnel issu du principe harmonique tonal se défait graduellement : la mélodie fait des sauts inaccoutumés, lesaccords prennent des formes étranges, les instruments s'assemblent en groupes insolites, le chant ne suit plusl'inflexion des paroles, finalement, dans le "parlé-chanté" il n'est plus qu'une sorte de spectre de chant.

On a baptisécette musique par l'aspect négatif de son apparence atonale.

En réalité c'est tout de même de la musique parcequ'elle a une forme intelligible, mais c'est celle d'un monde irréel et fantasque.

Rien ne le montre mieux que ce cyclede mélodies pour "sprechstimme" et quelques instruments qui s'appelle Pierrot Lunaire, parce que le texte du poètesert ici de truchement entre ce monde étrange et nous.

Ce qu'on "entend", c'est le poème, que le sentiment de lamusique baigne d'une sorte de halo surréaliste. La seconde période de sa production montre Schoenberg dans son travail formel spéculatif, car il a trouvé.

Il nes'agit plus de faire ce qui n'est pas tonal ; une technique nouvelle qu'on appelle technique des douze sons lui permetde réaliser une forme avec les sons de l'échelle chromatique sans aucune différenciation fonctionnelle, c'est-à-diresans tonique ni dominante et sur le seul repère de l'intervalle, qui est une distance et un mouvement.Immédiatement sa musique prend un aspect plus calme, plus ordré, on pourrait dire plus familier.

Mais l'impressiond'irréel n'en est que plus prononcée et l'on peut dire exactement à quoi elle tient : en organisant ses sons dans lesimultané selon les mêmes lois que dans le successif ; c'est-à-dire en nous faisant entendre l'accord comme unefigure d'intervalles et non comme une fusion, il élimine de sa musique l'état harmonique, qui en serait la chair.

Lerésultat est analogue à ce qui se passerait dans une représentation du monde qui réduirait celui-ci à un complexe delignes ou de mouvements sans qu'apparaisse nulle part le sentiment de masse.

Or c'est la masse qui fait qu'il y a unmonde. Schoenberg en était à ses expériences atonales lorsque surgit en Allemagne, sous l'impulsion de Paul Hindemith unautre mouvement de renouveau.

Comme Schoenberg, Hindemith était né au cOeur de notre vieille culture et enressentait à la fois les exigences et le déclin.

Mais chez lui, le tempérament commandait l'action.

Sa musique, il lajouait dans le même temps qu'il la concevait.

Le contact avec la matière lui avait fait comprendre que si la forcecadentielle était fatiguée, c'est que la mélodie était malade (en musique, tout est dans la mélodie).

Dans dessonates, des quatuors, des pièces vocales et toutes sortes d'Oeuvres de musique de chambre, en attendant de lefaire dans des Oeuvres de plus grande envergure, cantates, opéras, il chercha alors à rendre au mélos la vigueur etl'intégrité que son assujettissement à la marche harmonique dans le style symphonique lui avait fait perdre.

Ilretrouvait ainsi les conditions de la polyphonie primitive et fondait une nouvelle manière de faire que l'autonomie deses parties mélodiques fit baptiser : contrepoint linéaire.

Ce n'est pas un retour à l'antique, ce n'est pas non plusl'atonalité au sens de Schoenberg : les voix, dans la polyphonie de Hindemith, sont chargées de sens harmonique,elles s'organisent selon les procédés de l'imitation et trouvent dans l'énergie motrice le plus sur adjuvant à laconfiguration de leur ensemble.

Ce sont des forces qui se conjuguent plutôt qu'elles ne se joignent ; lesmouvements qui en naissent tendent à une saturation plutôt qu'à leur accomplissement dans une forme.

Lesexigences de la vitalité sont satisfaites mais pas encore celles de la beauté.

Il faut ajouter que, dans l'élan dejeunesse qui le portait à tourner le dos aux poncifs, Hindemith a souvent cultivé un esprit de sarcasme etd'irrévérence qui a voilé longtemps ce qu'il y a de sain et de bien fondé dans sa tendance. A résumer ainsi ce qu'ont accompli les musiciens contemporains, on le dépouille malheureusement de sa réalité ; onest amené à accuser les principes aux dépens des faits.

Il ne faudrait pas voir dans les lacunes ou les défauts quenous avons signalés dans leur Oeuvre une raison de la repousser ou de la déprécier.

Ce qu'il y a en elle, pour chacund'eux, de positif reste positif.

Il est fatal que dans un moment de crise historique crise de désintégration du milieu,crise de déclin d'un ordre traditionnel l'esprit vacille et se laisse tenter par des solutions artificielles, spéculatives ouincomplètes.

D'autant plus significatif devient l'événement qui le montre se ressaisir.

C'est un événement de cettesorte que marque, dans le sillage de Schoenberg, l'Oeuvre d'Alban Berg. Cet apôtre fervent de son maître se doutait-il que sa musique démentait en quelque sorte les postulats de celui-ci ?Car la musique de Berg a une nature harmonique qui nous la rend sensible et proche.

Tout en se conformantscrupuleusement au "système", il trouvait moyen de l'ouvrir aux besoins du sens harmonique et de conserver à sontravail formel le caractère d'une langue expressive, comme si chez lui, les exigences de l'esprit retrouvaient leurliaison avec celles du cOeur.

L'usage de la "technique des douze sons" lui a fait explorer un monde sonore insolite. »

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