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La mort enlève-elle tout le sens de l'existence ?

Publié le 16/02/2011

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1. Se demander quelle(s) appréhension(s) de « la mort « pourrai(en)t amener à penser qu'elle « abolit le sens de notre existence «. Noter par exemple qu'Épicure nie que la mort soit en soi une catégorie du vécu de la conscience (quand nous sentons, nous ne sommes pas morts, quand nous sommes morts, nous ne sentons plus). Il ne s'agit pas pour Épicure de nier que la crainte de la mort puisse être une angoisse réelle mais d'affirmer que ce vécu de conscience provient d'une erreur. Il s'agit pour lui de rendre à la mort sa facticité, sa pureté d'événement vide de sens et de faire de ce « vide « non un scandale pour la conscience mais l'absence de soucis. • Lettre à Ménécée d'Épicure : « Familiarise-toi avec l'idée que la mort n'est rien relativement à nous, car tout bien et tout mal résident dans la sensation; or la mort est la privation complète de cette dernière. Cette connaissance certaine que la mort n'est rien relativement à nous a pour conséquence que nous apprécions mieux les joies que nous offre la vie éphémère, parce qu'elle n'y ajoute pas une durée illimitée, mais nous ôte au contraire le désir d'immortalité. En effet, il n'y a plus d'effroi dans la vie pour celui qui a réellement compris que la mort n'a rien d'effrayant. «


« • Anthropologie du point de vue pragmatique de Kant (Vrin) , notamment les pages 45-46.• La Mort de Jankélévitch (Flammarion).• La Mort de Edgar Morin.On y trouvera de nombreux éléments pour réfléchir sur les effets de la pensée de la mort (et comment elle estappréhendée) dans différentes civilisations. [Introduction] On admet volontiers que la conscience du devoir mourir n'existe que chez l'homme.

Est-elle stérilisante, ouencourageante ? Suffit-elle pour priver de sens l'existence de l'homme, ou est-ce au contraire parce qu'elle peutaccompagner tout comportement qu'elle confère à cette même existence sa signification la plus profonde ? [I.

L'espérance d'un au-delà] - Pour toutes les pensées qui conçoivent une immortalité spirituelle, la mort n'est qu'un moment de passage.

Dansces pensées, c'est en général la vie posthume de l'âme qui a le plus de valeur, et la mort est comprise commesanctionnant la valeur de l'existence antérieure.

Loin de faire disparaître tout sens de l'existence de l'homme, ellepermet au contraire de saisir ce sens et d'en déduire un destin posthume.- Confirmation par Platon : si l'existence doit être orientée par la quête du Bien, c'est parce que l'âme sera jugéeaprès la mort (cf.

Phédon).- Mentalité chrétienne : l'existence terrestre doit être orientée par l'attente de la vie posthume.

Même dans lesthéories calvinistes affirmant une prédestination de l'âme, l'existence terrestre doit avoir un but : il s'agit alors defaire fructifier les biens (Cf.

les analyses de Max Weber : il apparaît que c'est la méditation sur l'au-delà de la mortqui détermine l'orientation économique de l'existence). [II.

Un sens sans vie posthume] - Si l'on ne tient pas compte d'une éventuelle immortalité de l'âme, la mort ne signifie pas pour autant la privation detoute orientation pour l'existence, ni la disparition de toute signification.- Dans l'Antiquité, le matérialisme absolu des épicuriens ne supprime pas le sens de l'existence : celle-ci demeure aucontraire orientée par ce qu'indique la nature (le plaisir, l'ataraxie).- Le matérialisme moderne (Marx par exemple) ne nie pas davantage la possibilité du sens de l'existence.

Il ledéplace plutôt de l'individuel au collectif : c'est en participant à l'histoire (au déploiement de la liberté qui doit s'yaccomplir) que l'existence trouve sa signification et sa portée.- Lorsque l'existence est conçue immédiatement comme dénuée de sens.

ou absurde (dans l'existentialismesartrien), ce n'est pas à cause de la mort, c'est parce qu'elle apparaît, dans l'absolu, comme sans justification. [III.

La mort fonde le sens] - Quel « sens » peut avoir une existence sans (conscience de) la mort ? Dans l'animalité, la vie, entièrementdéterminée (par les instincts et le milieu), ne produit aucune signification.- Par hypothèse, une existence humaine privée de fin demeurerait sans projet (celui-ci implique la temporalité) :n'entreprenant rien, elle ne pourrait manifester ni intention ni signification ; elle serait condamnée au sur-place, àl'absence d'histoire.- C'est donc la mort et sa conscience comme fin de la temporalité individuelle qui fondent pour l'homme la nécessitéd'entreprendre, de travailler, de transformer son milieu.- Or c'est par ces pratiques et qualités que l'homme confirme sa séparation du milieu naturel (cf.

Hegel) et, donc,qu'il existe authentiquement.

La conscience de la mort fournit ainsi le cadre à l'intérieur duquel l'action humaine sedéploie (à l'échelle de l'histoire aussi bien que d'une vie) pour donner à l'homme une définition de l'existence - pourlui permettre de faire surgir du sens. Prenons l'exemple d'un roman policier.

Les épisodes s'enchaînent ménageant un suspens de plus en plus intense,ouvrant des fausses pistes, laissant planer le soupçon sur tel personnage puis sur tel autre, et ce jusqu'au dernierchapitre où tout enfin s'éclaire.

En lisant les dernières pages, nous comprenons enfin le sens d'une attitudeéquivoque de celui qui s'est révélé être le coupable ; des détails auxquels nous n'avions prêté qu'une attentiondistraite s'éclairent brusquement et prennent tout leur relief.

Bref la fin donne son sens à tout le livre.

N'est-ce pasde la même manière que la mort donne sa signification à notre vie ? Examinons l'hypothèse.. »

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