La morale est-elle une science ?
Publié le 24/05/2012
Extrait du document

Son impossibilité. - a) C'est surtout aux sciences de
la nature qu'on a cherché à ramener la morale, qui devient
alors une science des moeurs. Or, les sciences de la nature
constatent simplement ce qui est ; elles n'apprécient pas la
valeur de ce qu'elles constatent et ne prescrivent pas, comme
la morale, ce qui doit être. La notion même de morale scientifique
est donc contradictoire dans les termes.

«
138 MORALE
lité ne dépend pas des seuls actes que l'on exécute; elle est
conditionnée aussi par l'intention dans laquelle on agit.
Or, dans
la recherche
scientifique, comme dans n'importe quelle entre
prise humaine, le ressort consiste souvent dans un ensemble
d'intérêts matériels et égoïstes.
Si le savant accorde une valeur
plus grande aux intérêts supérieurs et spirituels, c'est en vertu
de normes d'appréciation étrangères à la science.
S'il est moral,
ce
n'est pas le savoir qu'il l'a rendu tel.
b) La science, en effet, constate et apprend ce qui est;
elle ne se prononce pas sur la valeur morale de ce qu'elle
constate.
L'observation est évidente pour les sciences de la nature
dont l'objet est, du point de vue moral, d'une neutralité abso
lue : les
propriétés des corps, les mouvements des astres, les
échanges
vitaux du monde végétal ou animal ne sont ni bons
ni mauvais ;
tout ce qu'on peut dire d'eux, c'est qu'ils sont tels.
Il n'en est pas autrement, quoi qu'il puisse paraître à pre
mière vue, dans les sciences de l'homme.
La psychologie nous
fait connaître les diverses tendances qui peuvent commander
sa conduite, mais elle ne se prononce pas sur leur valeur res
pective.
L'histoire nous conserve le souvenir de bienfaiteurs
et de libérateurs de l'humanité, mais aussi d'oppresseurs et de
tyrans.
Comme l'a
dit Paul Valéry, "l'histoire justifie ce que
l'on veut.
Elle n'enseigne rigoureusement rien, car elle contient
tout et donne des exemples de tout " (2).
c) Sans doute, les applications de la science, les techni
ques, peuvent
être d'un précieux secours pour 1 'amélioration,
même morale, de
la vie humaine : la connaissance des lois qui
régissent les choses et les hommes peut permettre d'humaniser
les
conditions de l'existence terrestre.
Mais si la technique
nous
fournit les moyens de parvenir aux diverses fins que nous
pouvons envisager,
elle ne fixe pas la fin véritable de l'homme.
C'est un instrument qui peut servir à toutes les fins et qui,
moralement, ne
sort pas plus que la science théorique de la
neutralité absolue.
La science ne peut donc prendre une valeur morale que
pour celui qui, indépendamment de la science, possède déjà
une morale
et s'est élevé à un certain niveau de moralité.
Poincaré a donc bien raison d'affirmer l'impossibilité d'une
science morale.
(2) Regards sur le monde, p.
64..
»
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