La morale est-elle à l'origine de la philosophie ?
Publié le 10/03/2004
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Peut-on en droit définir l’origine de la philosophie en invoquant la morale ? Quelles conséquences une telle définition de la naissance de la philosophie aurait-elle sur cette discipline devenue autonome ? N’est-ce pas réducteur ? A travers son origine, c’est le but de la philosophie qui est ici mise à la question. Ne peut-on donc pas dire que la philosophie, en tant qu’activité critique de la pensée sur elle-même est bien plutôt à l’origine de la morale en tant qu’on a en pleinement défini le contenu, les implications et la nature ?
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· Si donc la morale est une dimension originelle de la philosophie, elle n'est pas la seule.
C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une fois développée en discipline autonome, la philosophie ne s'intéresse passeulement aux questions éthiques. · La philosophie prend naissance également dans une recherche non pas seulement du bien mais aussi du vrai : En effet, la philosophie – du grec philein, « aimer », et sophia, « sagesse » – comporte unepremière ambiguïté due au double sens de « sagesse » et de « savoir » de la sophia.
La philosophie estdonc aussi l'effort pour acquérir une conception d'ensemble de l'univers, ou de l'universalité des choses.Celui-ci est indissociable du premier effort énoncé précédemment (élaborer une règle de vie pour adopterune attitude réfléchie et responsable) qui implique une réflexion critique et une interrogation sur lesconditions de possibilité d'un savoir. · Réduire l'origine de la philosophie à la morale c'est donc oublier toute une dimension de la philosophie tout aussi fondamentale et constitutive : à savoir, la recherche de la vérité, qui n'est ni un système clos,ni une quelconque sagesse ou morale.
La philosophie est donc aussi une réflexion sur le savoir, c'est-à-dire une « science » de l'esprit conçue avant tout comme une connaissance de ses propres limites.
Ladistinction entre le vrai et le faux est une dimension aussi fondamentale dans la constitution de laphilosophie comme discipline autonome que celle du bien et du mal, du juste ou de l'injuste. On peut prendre en exemple l'allégorie de la caverne de Platon (République, LVII) : il s'agit de montrer quel'expérience est pleine de faux semblants et source d'opinions ; en cela la philosophie comme démarcheréflexive se détachant de l'expérience prend sa source dans une nouvelle démarche spirituelle qui vise ladécouverte du vrai.
III) C'est la philosophie qui est à l'origine de la morale en tant que telle · Mais on est alors amener à nous demander ce qu'est vraiment la morale avant la réflexion philosophique ? En effet, si c'est l'exercice philosophique qui a pour but de fonder en droit les normesmorales, de leur donner une justification et un fondement raisonnés, alors c'est à travers lui que la moraleprend tout son sens et son existence en tant que domaine constitué. Epictète, Entretiens, II : « Voici le point de départ de la philosophie : laconscience du conflit qui met aux prises les hommes entre eux, la recherchede l'origine de ce conflit, la condamnation de la simple opinion et la défiance àson égard, une sorte de critique de l'opinion pour déterminer si l'on a raison dela tenir, l'invention d'une norme, de même que nous avons inventé la balancepour la détermination du poids, ou le cordeau pour distinguer ce qui est droitet ce qui est tordu.
» · On comprend alors qu'il y a comme une idée de la morale, mais d'une morale qui n'est proprement constituée qu'après l'effort philosophique quirepose sur une réflexion des fondements des comportements humains.
[Toutcomme il y a une idée de poids, mais idée qui prend sens et fond avecl'apparition de la balance] En toute logique, c'est donc bien plutôt laphilosophie qui est à l'origine de la morale en tant que telle et non pasl'inverse. · Dans cette perspective, et avec Husserl, on pourrait dire que la philosophie est une discipline théorique autofondatrice.
Tout comme lesmathématiques, tout comme une certaine forme de débat politique, laphilosophie a une origine et une histoire dont on peut tenter de dégager lessens et l'unité à partir d'un dessein rationnel et intelligible.
La source de laphilosophie est alors la découverte d'une réflexion théorique systématique etdégagée de l'expérience.
Mais cette source est aussi sa fin, c'est-à-direcette « tâche infinie » qui est d'emblée son projet et sa définition. Husserl, La crise de l'humanité européenne et la philosophie : Grèce Antique du VIIe et Vie av.
JC = « C'est chezelle qu'est apparue une attitude d'un genre nouveau à l'égard du monde environnant ; il en est résulté l'irruption d'untype absolument nouveau de créations spirituelles qui rapidement ont pris les proportions d'une forme culturellenettement délimitée.
Les Grecs lui ont donné le nom de philosophie.
» Conclusion : S'il est vrai que la philosophie prend naissance à partir d'une distinction entre le bien et le mal, et donc dans unecertaine forme de morale que l'on pourrait définir comme spontanée, on ne peut pour autant pas dire, en droit, quela morale est l'origine exclusive de la philosophie.
En effet, si la philosophie naît d'une démarche éthique certaine, onne peut pas lui ôter sa dimension « épistémologique », réflexion sur les sciences, sur le savoir en général, recherchede la vérité.On peut aller jusqu'à produire un renversement : la morale n'est véritablement constituée qu'après l'acte réflexif dela philosophie qui pourrait donc en être l'origine.
La philosophie correspond alors à une nouvelle vision sur le mondeet est en cela autofondatrice et constitutive de la morale en tant que telle..
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