La morale consiste-t-elle à suivre la nature ou à vaincre la nature ?
Publié le 21/02/2004
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III.
- QUELLE CONCEPTION PRÉFÉRER?
A.
Ces deux conceptions, quoique antithétiques, se justifient parce que le mot « nature » n'y est pas pris dansle même sens.a) La première désigne par « nature » ce qu'il y à d'inférieur en nous, ou même ce que nous avons en communavec les animaux : la nature s'oppose à la raison ou, dans le langage chrétien (cf.
par exemple saint PAUL), àla grâce; un monde ou une vie organisés suivant les principes de la raison ou suivant les inspirations de lagrâce échappent au domaine de la nature.b) Pour la seconde, au contraire, ne peuvent être considérées comme relevant de la nature humaine lesimpulsions animales et égoïstes.B.
Mais la seconde nous semble préférable.
— a) Elle l'est du point de vue pratique parce que, invitant à unevie plus intense au lieu de comprimer les élans, elle est plus dynamique.
Sans doute cette conception optimistede la nature humaine n'est pas sans danger, car on peut se faire illusion sur le, type idéal de l'homme.
Maisl'attitude pessimiste qui identifie la nature et le mal nous paraît essentiellement malsaine.b) Du point de vue théorique aussi il semble plus juste de dire que la moralité consiste à suivre la nature, carcette formule tient compte de tout l'homme, tandis que l'autre n'en considère qu'une partie, et par suite estincomplète.
En effet, en disant : « Suis la nature », j'entends la nature complète, mais seulement en tenantcompte de la hiérarchie des éléments qui la constituent.
Au contraire, celui qui prône la lutte contre la natureélimine de la nature toute la partie supérieure qui mène la lutte contre l'autre : c'est une nature mutilée qu'ilconsidère.
CONCLUSION. - En réalité, suivre la nature et lutter contre elle sont deux points de vue différents sur nos démarches vers le bien.
On dit parfois qu'il faut commencer par se débarrasser de ses mauvaises tendances;ensuite seulement la nature pourra s'épanouir.
Mais cette bataille contre soi ne peut être menée que par unmoi plus profond tout aussi réel que le premier, puisqu'il entreprend de le soumettre.
D'autre part,l'épanouissement des tendances supérieures est lié, non pas à la mort, mais à la subordination des tendancesinférieures.
A toutes les étapes de la moralité il faut suivre et lutter.
Mais comme la lutte contre soi risqued'entraîner la tristesse et la découragement, il semble préférable de considérer l'idéal moral comme un autrenom de notre nature véritable : sans doute, "il y a la moralité triste", mais « elle est une moindre moralité » (R.LE SENNE, Le devoir, p, 311)..
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