La morale a-t-elle sa place dans les rapports économiques?
Publié le 29/01/2005
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L’économie telle que nous la connaissons aujourd’hui, c’est-à-dire le capitalisme, semble bien loin de ce que nous considérons comme moral. En effet, la morale est un ensemble de lois que nous nous imposons à nous-mêmes, que nous suivons non par intérêt mais pour la loi elle-même et qui régissent les rapports entre les hommes ainsi que les comportements de chacun. Les rapports économiques ne semblent, eux, dirigés uniquement par l’intérêt personnel ou de groupe, mais jamais de tous. Pour Kant, la morale est universelle, ce qui implique une égalité entre les hommes, que ne semble pas prendre en compte l’économie. Or, ces dernières années sont apparus le commerce équitable, l’éthique d’entreprise etc. Faut-il alors penser que l’économie donne sa place à la morale ou n’est-ce qu’un stratagème pour redorer son blason et encore mieux progresser ?
«
Ce que pose en son début ce texte est bien une règle d'interprétation générale de l'histoire.
Quelle que soit l'époque que l'on considère, la société est en effet le lieu du conflit –ouvert ou dissimulé- que se livrent oppresseurs et opprimés :« Hommes libres et esclaves, patricien et plébéien, baron et serf, maître d'un corps de métier et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés, enopposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée, une guerre qui finissait toujours soit par unetransformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la destruction de deux classes en lutte.
»
Marx & Engels proposent donc bien une vision de l'histoire.
Celle-ci est totalement en accord avec leur philosophie matérialiste telle qu'ils ont pu déjà l'exposer en partie dans « L'idéologie allemande ».
Dans le devenir de l'humanité,ce sont, en dernière instance, les infrastructures qui déterminent les superstructures.
Ce qui signifie que ce sont lesrapports économiques qui définissent, dans tous les cas, la société et les classes qui, s'y affrontant, sont elles-mêmes définies par la place qu'elles occupent dans le système de production.
De ce fait, dire de l'histoire qu'elle estl'histoire de la lutte des classes revient donc à rappeler que l'histoire n'est pas un pur chaos d'événementsinintelligibles ou encore l'épopée de l'Esprit en marche vers sa réalisation : tout à l'inverse, elle est le produit del'affrontement de classes sociales qui sont elles-mêmes le produit du développement économique de l'humanité.
Dans un passage du premier chapitre de son « Anti-Duhring », Engels lie de manière très claire les propositions Marx istes sur la lutte des classes à l'interprétation matérialiste de l'histoire.
Evoquant la naissance des mouvements ouvriers en France et en Angleterre dans les années1830, il écrit : « Les faits nouveaux obligèrent à soumettre toute l'histoire du passé à un nouvel examen et il apparût que toute l'histoire passée était l'histoire de lutte de classes, que ces classes sociales en lutte l'une contre l'autre sont toujours des produits des rapports de production etd'échange, en un mot des rapports économiques de leur époque ; que, par conséquent, la structure économique de la société constitue chaquefois la base réelle qui permet, en dernière analyse, d'expliquer toute la superstructure des institutions juridiques et politiques, aussi bien que desidées religieuses, philosophiques et autres de chaque période historique.
Ainsi l'idéalisme était chassé de son dernier refuge, la conception del'histoire ; une conception matérialiste de l'histoire était donnée et la voie était trouvée pour expliquer la conscience des hommes en partant de leurêtre, au lieu d'expliquer leur être en partant de leur conscience, comme on l'avait fait jusqu'alors. »
Se définissant ainsi comme matérialiste, la conception de Marx et Engels permet donc de jeter un regard rétrospectif sur l'histoire de l'humanité dans son ensemble et d'en découvrir la logique véritable.
Il devient possible d'en dégager les différentes étapes ainsi que Marx & Engels s'y étaient d'ailleurs essayés dés « L'idéologie ».
Dans le « Manifeste », ceux-ci ne se penchent guère, cependant, sur le passé lointain.
Ils se contentent de l'évoquer rapidement avant de se consacrer à la lutte des classes telle qu'elle se déroule dans la société bourgeoise : « Dans les premières étapes historiques, nous constatons presque partout une organisation complète de la société en classes distinctes, une échelle graduée de conditions sociales.
Dans la Rome antique,nous trouvons des patriciens,, des chevaliers, des plébéiens, des esclaves ; au Moyen Age, des seigneurs, des vassaux, des maîtres decorporation, des compagnons, des serfs, et, de plus, dans chacune de ces classes, une hiérarchie particulière.
La société bourgeoise moderne, élevée sur les ruines de la société féodale, n'a pas aboli les antagonismes de classes.
Elle n'a fait que substituer denouvelles classes, de nouvelles conditions d'oppression, de nouvelles formes de lutte à celle d'autrefois.
Cependant, le caractère distinctif de notre époque, de l ‘époque de la bourgeoisie, est d'avoir simplifié les antagonismes de classes.
La société sedivise de plus en plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes diamétralement opposées : la bourgeoisie & le prolétariat. »
La totalité de la première partie du « Manifeste » est consacrée à la lutte de ces deux grandes classes rivales : la bourgeoisie & le prolétariat.
Marx & Engels retracent l'histoire de ce que fut l'ascension de la bourgeoisie : celle-ci se développa grâce au commerce et à l'industrie.
Ils n'hésitent pas à reconnaître le « rôle éminemment révolutionnaire » qu'elle joua dans l'histoire, mettant à bas la société féodale : « Tous les liens complexes et variés qui unissent l'homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entrel'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du « paiement au comptant ».
Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, del'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste.
Elle a fait de la dignité personnelleune simple valeur d'échange ; elle a substitué aux nombreuses libertés si chèrement conquises, l'unique et impitoyable liberté du commerce.
En unmot à la place de l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhonté, directe, brutale. »
Mais le rapport de force historique ne joue plus, désormais, en la faveur d'une bourgeoisie ressemblant au« magicien qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu'il a évoquées.
»
Du fait du développement des forces productives, la bourgeoisie a grandi au sein d'un système féodal qu'elle a fini par renverser.Aujourd'hui un processus analogue est en cours.
Une nouvelle étape est franchie : le développement économique que la bourgeoisie a favorisédevient pour elle une menace car « le système bourgeois est devenu trop étroit pour contenir les richesses créées dans son sein. ».
Du coup se dresse au cœur même de la société une nouvelle classe qui va abattre le monde bourgeois tout comme la bourgeoisie a abattu le monde féodal :cette classe, c'est le prolétariat.
Misérable, privé de tout, il n'a rien à perdre à se jeter tout entier dans le combat contre la classe possédante pourmettre fin au système de l'exploitation capitaliste.
En renversant la bourgeoisie, le prolétariat réalisera la révolution ultime, la première à n'être pasfaite pour une minorité oppressive mais pour celle de la majorité tout entière : « Tous les mouvements historiques ont été, jusqu'ici, accomplis par des minorités ou au profit des minorités.
Le mouvement prolétarien est le mouvement spontané de l'immense majorité au profit de l'immensemajorité.
Le prolétariat, couche inférieure de la société actuelle, ne peut se soulever, se redresser, sans faire sauter toute la superstructure descouches qui constituent la société actuelle. »
II) L'éthique fait-elle réellement son entrée dans les rapports économiques ?
A) Nous assistons, ces quelques dernières années, à ce qui ressemble à une intégration de la morale ou de.
»
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