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La métaphysique ne peut surplomber l’histoire des sciences

Publié le 07/12/2022

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« Séance 8 La métaphysique ne peut surplomber l’histoire des sciences.

Rationalisme historique ou épistémologie historique.

Pour Bachelard « les philosophes travaillent trop peu », ils doivent s’ancrer dans les travaux scientifiques de leur siècle et s’informer de la matière de la connaissance.

Pas de connaissance a priori au-dessus de l’histoire des sciences qui viendrait dire le vrai ou prétendre décrire l’ensemble de la réalité.

Cela, ce sont les « philosophes philosophants », l’idéal du système et du simple, philo du XVIIème siècle.

Bachelard est pour une philosophie du détail et de la précision, jamais pour la simplicité d’un système.

L’histoire des sciences nous démontre que derrière le simple il y a justement toujours du complexe. Exemple : l’atomisme antique.

Il s’agit d’un principe d’unité, l’atome comme composant fondamental.

En science moderne, les composants de la matière sont des systèmes de relation, des états superposés (mécanique quantique) —> ce qui définit l’idée de composante élémentaire c’est l’idée qu’il n’y a pas de chose mais qu’il y a un complexe de relations (probabilités de présence, fonctions d’onde, etc.).

Plus la connaissance progresse plus elle progresse donc vers la complexité, une certaine obscurité et ambiguïté et jamais vers la clarté (Descartes attaqué sur sa connaissance claire et distincte). Derrière le simple se trouve le composé, derrière l’unité se trouve la relation.

Critique donc de Bergson qui reste « fasciné par la simplicité des intuitions », d’un rationalisme clos, alors que la science moderne est dans un rationalisme ouvert : concept de rectification chez Bachelard, le philosophe doit rectifier ce qu’il croyait être la connaissance si l’avancée des sciences montre que les concepts de base étaient faux ou imparfaits.

La philosophie se sert du mouvement historique et puise alors dans l’histoire des sciences.

L’erreur, c’est la certitude d’être dans le vrai une bonne fois pour toute, en étant dupe de ses propres développements.

Le philosophe doit donc entretenir un rapport immanent à l’histoire des sciences et non pas transcendant.

L’histoire des sciences qui progressent est la source de l’histoire de la philosophie.

C’est dans le mouvement des sciences que la philosophie se déploie : la philosophie d’un temps est celle de la science de l’époque correspondante.

Il y a un ordre des notions philosophiques.

L’empirisme du XIXème conçu comme le fait de tisser des régularités entre des observations, des phénomènes (Comte par exemple.

Lois de Newton en physique) est réfuté, par exemple, parce qu’il est daté, non pas parce qu’il est faux. Comment Bachelard conçoit La Formation de l’esprit scientifique ? Il y propose une philosophie de l’histoire des sciences.

Il veut caractériser la nature du dynamisme rationnel qui traverse l’histoire des sciences.

Pour Bachelard la rationalité s’incarne d’abord dans les œuvres (la culture scientifique) et n’est pas à prendre au sens de Hegel (raison absolue) ou Kant, de philosophies systématiques.

La science va conduire à s’abstraire de l’expérience —> définition de l’abstraction = opération rationnelle par laquelle l’esprit isole et sépare des propriétés, c’est analyser (au contraire de la valeur subalterne que donne Bergson à l’analyse).

L’esprit qui connaît est ainsi, dans l’exemple de la table, celui qui est capable d’en abstraire les variables, qui arrache un ensemble de variables d’un ensemble flou et mélangé, qui tisse un lien en s’éloignant de l’expérience première pour la formaliser par un ensemble de concepts relationnels.

Cette capacité à s’abstraire est le moteur de l’histoire des sciences.

Bachelard a une loi des 3 états (référence directe à Comte, qu’il met d’ailleurs plutôt dans son 2ème état, sic) : - Etat concret (époque antique) : l’esprit s’amuse des premières images des phénomènes (y compris la physique qualitative d’Aristote, qui part d’une certaine image du phénomène du mouvement —> obstacle vitaliste, il projette ses qualités sur le monde pour Bachelard), il décrit ce qu’il voit et en cherche l’unité.

Le point d’appui de la réflexion est le phénomène immédiat.

Chez Bachelard il y a toujours une dimension psychologique dans ses analyses, la rationalité n’est jamais pensée indépendamment de son rapport à l’état psychologique ou psychanalytique —> il y a une sorte d’état de l’esprit, de disposition mentale qui correspond à la rationalité qu’il faut assimiler, rapport entre la connaissance et la psychologie.

Y correspond ici un affect, une âme puérile, curieuse —> l’étonnement devant le moindre phénomène, la distraction, il y a qqch de la mentalité du collectionneur.

Collection passive dont le philosophe tire son bonheur de penser, sans construire - Etat concret/abstrait : on commence à avoir des schémas géométriques qu’on veut faire correspondre à nos intuitions sensibles.

On cherche la correspondance entre la théorie et l’expérience.

C’est la physique de Newton : mouvement des planètes —> on cherche une loi mathématique qui corresponde au mouvement dont on fait l’observation directe.

Ce mouvement doit correspondre à une géométrie, une équation, un schéma mathématique.

Etat de l’âme qui fait correspondre = dogmatique, en tant que fière d’avoir trouvé la correspondance, d’avoir eu le succès de trouver.

Ce n’est plus une âme puérile ou mondaine, mais professorale, immobile dans ses abstractions, dogmatique dans son savoir, soutien commode de son autorité. - Etat abstrait: l’esprit entreprend des informations soustraites de l’espace réel et de l’expérience immédiate, en polémique avec l’expérience première.

Âge des physiques contre- intuitives.

Einstein n’a pas visé la correspondance entre sa mathématique et le réel, il s’est totalement abstrait des apparences.

L’âme qui y correspond : âme douloureuse, en proie au doute et non plus au dogmatisme, jeu périlleux de la pensée sans support (car plus de support expérimental stable, la pensée peut être à tout moment dérangée par des objections de la raison), mais une seule certitude c’est que l’abstraction est un devoir, la pensée est enfin épurée de la pensée du monde.

On ne cherche plus la correspondance mais la polémique et la rupture avec l’expérience sensible.

La pensée a dû commencer à penser, à se penser elle- même, pour dépasser l’état précédent et avancer dans la science. Donc 3 états : science = mouvement d’abstraction, de formalisation et de construction, d’arrachement à la fascination de l’expérience première.

La maturité est atteinte quand l’esprit n’a affaire qu’à lui- même.

La connaissance est conçue comme une lutte contre nos opinions.

Les opinions chez Bachelard sont toujours des sortes d’intuitions immédiates, des expériences communes, des certitudes toutes faites.

Il nomme parfois vulgaires.

On se rapporte là à notre besoin de croire.

On se rapporte au donné sur le mode du besoin, au contraire de Bergson où le donné, l’intuition, nous échappe et il faut un effort de l’intelligence pour parvenir au donné premier qu’est la durée.

Lorsqu’on se rapporte immédiatement au réel (celui de nos intuitions et opinions), on le conçoit sous l’angle de sa disponibilité et de son utilité.

C’est pour cela que Bachelard dit que l’opinion a toujours tort.

La science s’y oppose absolument.

L’esprit scientifique n’est pas l’art d’avoir des opinions (entretenir un contact immédiat et utilitaire avec le réel) mais de poser des questions au réel, ce n’est jamais connaître mais toujours réfléchir et remettre en question.

Connaître c’est viser l’inévidence.

Le scientifique apprend à acquérir la connaissance contre ses intuitions premières, contre lui-même. On doit comprendre qu’on ne peut concevoir le monde comme qqch dont on peut disposer.

Il y a donc qqch de presque moral dans l’apprentissage de la connaissance scientifique, puisqu’elle induit une position morale de désintéressement.

L’élève, en apprenant la science, apprend à se départir à la tendance à concevoir le réel sur le modèle de nos désirs, on se détache de cette inclination spontanée.

Il y a une sorte d’idéal d’autonomie et de désintéressement dans la science. Le réel scientifique est une construction et une conquête : la science fabrique le réel.

Il ne s’agit pas de découvrir et trouver, il s’agit de construire et conquérir.

Le réel construit est une sorte de réel artificialisé.

La connaissance dans la science n’est pas une sorte de double du monde réel, pas de conception réaliste de l’activité scientifique (par la connaissance on fait un décalque du réel posé en premier), mais conquête du réel par l’esprit.

« L’esprit achève ce que la nature oisive avait oublié de produire ».

La science construit un réel qui a plus de degré d’être que le donné de la nature, que l’objet de nos intuitions.

Exemple de l’aspirine : on produit une substance naturelle qui n’existe pas dans la nature telle qu’elle est donné, on a construit un objet naturel. Il y a donc, en opposition à Bergson, une critique du donné : comprendre, c’est entrer en rupture avec celui-ci.

Quand on conçoit le rapport à l’objet comme un rapport immédiat, on cherche la satisfaction intime, hors la rationalité est retour sur, elle n’est pas contact.

Celui qui a l’impression de ne jamais se tromper, par rapport immédiat à l’objet du savoir, c’est celui dont l’esprit recherche la satisfaction intime et non pas l’évidence rationnelle (c’est la critique de la métaphysique de Bergson).

C’est une lutte contre le contact que nous entretenons au monde sensible, toujours source d’illusion. Dans La Formation de l’esprit scientifique, Bachelard fait une liste de toutes les causes inconscientes qui empêchent la connaissance de progresser, qui provoquent l’inertie de l’esprit.

Bachelard veut saisir les obstacles à ce progrès, car à l’origine le cerveau du scientifique n’est jamais vide, il comporte des images, des mots, des opinions, des illusions qui nous freinent vers la connaissance rationnelle du monde.

Raison pour laquelle il propose de faire une psychanalyse de la raison scientifique, une étude de ses illusions premières.

Le but = provoquer une sorte de catharsis intellectuelle pour apprendre à se réformer en identifiant ses propres obstacles.

Il y a une origine de ces fausses croyances qui réside dans l’inconscient humain.

Dans la liste des obstacles : - Obstacle de l’expérience première : quand on considère qu’expliquer c’est s’attacher à la dimension impressionnante des phénomènes. - La connaissance générale : disposition innée et inconsciente, qui vise à prendre la généralité immédiate d’une loi pour l’explication précise d’un phénomène.

On pense qu’on sait déjà tout, on arrive directement à la fin du trajet. - Obstacle verbal : dresser des réseaux d’analogies pour expliquer des phénomènes.

Exemple de l’analogie du nuage et de l’éponge.

Les images valent pour l’explication.

Au XVIIIème siècle, pour la résistance électrique (l’électricité passe plus ou moins bien selon les corps), on expliquait l’électricité comme un liquide avec des corps qui se déplacent, un matériau vient bloque le mouvement de ces petits corps et on explique l’électricité à travers le goût qu’elle donnait dans différents liquides.

Les scientifiques (Aldinni) goûtaient le courant électriques et le qualifiaient selon le goût.

Si c’était plus ou moins piquant, il y avait plus ou moins d’électricité (esprit de collection : on goûtait le vin, l’urine, l’eau, etc., au lieu d’un concept abstrait)...

Au contraire de cet esprit de collection, l’équation d’Ohm définit la résistance en relation avec l’intensité pour donner le voltage —> intégrée dans une loi mathématique, épurée, loi rationnelle vue par Bachelard comme nœud de concepts au lieu de vision sensualiste d’Aldinni.

Connaissance abstraite et non concrète pour la connaissance scientifique, on ne peut s’imaginer le concept.

Bachelard : « les images sont faites pour être dépassées ». - Obstacle substantialiste : recherche d’une substance, d’un support aux phénomènes qu’on cherche à expliquer.

Le support intrinsèque d’une chose pour rendre raison d’un phénomène : exemple du magnétisme au XVIIIème siècle où on imaginait que l’aimant avait une sorte de colle invisible (le flegme) qui devait servir de support à l’action de l’aimant. - Obstacle animiste : croire que les objets inertes possèdent les caractéristiques d’un être vivant. Exemple : la rouille au XVIIIème siècle conçu comme une maladie du fer.

Instinct désirant vs imagination pour l’analogie, le désir prend la place de la connaissance. Pour connaître il faut faire cette catharsis affective. Séance 9 Plus on mathématise, plus on définit, plus on s’abstrait, plus on dépasse les obstacles.

Pourquoi les mathématiques ont ce privilège d’être le moteur rationnel de l’histoire des sciences ? Bachelard l’explique dans « Noumène et microphysique » —> les maths sont associées au noumène. Kant : noumène n’est pas vraiment la chose en soi, le noumène peut être pensé mais indépendamment de l’expérience, la chose en soi ne peut même pas être pensée.

Les maths sont pour Bachelard la structure virtuelle du phénomène, caractère nouménal, physique mathématique comme nouménologie chez Bachelard.

Les maths ne sont pas pensées comme un langage qui décrit la réalité, il s’oppose en cela aux positivistes (version courante du début XXème).

Chez Bachelard, la science crée le monde, il y a plus d’être dans l’esprit scientifique que dans le réel, il produit le réel, il n’y a donc pas une pensée de la description, où le but des maths serait de décrire une réalité déjà là, donnée.

Maths ne sont donc pas un langage descriptif mais bien plus la structure virtuelle de la réalité.

Elles nous permettent de concevoir la possibilité de phénomènes nouveaux (Bachelard dirait induire).

Les maths sont un guide.

Elles orientent la pensée du scientifique des phénomènes qui n’existaient peutêtre même pas.

Exemple : Dirac et l’invention de l’antimatière, en partant d’une équation qui résout la mise en relation relativité/quantique en arrivant au résultat d’une masse négative.

Cela sera plus tard vérifié expérimentalement.

On peut donc bien concevoir de cette façon des phénomènes nouveaux, les maths construisent la définition de la réalité dans le possible.

Puissance générative.

Pas d’intuition sensible des êtres mathématiques, c’est du penser qui est comme une structure de la réalité.

Cela explique la conception de la science contemporaine comme nouménologie, et non comme phénoménographie. Ce noumène n’est pas un simple postulat, ou une convention, c’est une structure complexe, complexité harmonique, objectivité discursive (on peut le mettre en mouvement par l’esprit). Comment ce noumène mathématique peut-il devenir un phénomène, comment retrouve-t-on le phénomène sensible ? Il ne faut pas pour Bachelard penser en termes de phénomène, car trop rapporté à la perception sensible, mais le phénomène en physique contemporaine est remplacé par la phénoménotechnique = capacité qu’a la science de fabriquer des phénomènes grâce à des instruments techniques complexes, fabrique des phénomènes de l’intérieur —> le phénomène scientifique n’est pas un phénomène pur, mais un phénomène technique, technicisé et artificialisé.

Il y a un rapport de production exprimé par la technique, qui engendre ce qui nous apparaît, il ne s’agit pas seulement d’instruments de mesure qui montrent, identifient ce qui est déjà existant. Exemple : le CERN —> on lance dans un immense accélérateur des électrons et des protons, on a.... »

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