La métaphysique de Schopenhauer est une philosophie de la tragédie
Publié le 23/03/2015
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«
Textes commentés 53
La métaphysique de Schopenhauer est une philosophie de la tragédie.
Or,
nous savons que le grand mot tragique a été prononcé par Calderon dans La
Vie est un songe où il écrit : « Le plus grand crime de l'homme, c'est d'être
né.
» La vie est donc, pour Schopenhauer, l'expiation d'un péché originel.
Mais celui-ci ne saurait consister en quelque transgression d'une loi divine :
Schopenhauer est athée.
Ce n'est donc pas dans la désobéissance à Dieu
qu'il faut chercher la raison de la douleur de vivre, mais dans le seul fait
d'exister.
Aussi Schopenhauer écrit-il :
« La vraie norme pour juger un
homme, c'est de dire qu'il est un être qui ne devrait pas exister, mais qui
expie son existence par d'innombrables souffrances et par la
mort 1
• »Ainsi
l'enfer, que les grands monothéismes promettent aux pécheurs, n'est-il en
réalité rien d'autre que notre monde ou, pour être plus exact, celui de la
volonté de vivre.
Une observation scrupuleuse de la nature ne peut que confirmer cette
interprétation tragique du sens de l'existence.
Chaque organisme ne semble
avoir été produit et agencé que dans la perspective d'une effroyable lutte
pour la vie dont la mort est l'unique horizon.
Tout ce qui existe s'efforce et
souffre donc en vain.
Aussi n'y a-t-il que deux conceptions philosophiques
lucides qui peuvent résulter
de la contemplation objective de la vie.
La première, et la moins spéculative des deux, est celle qui déclare le
monde absurde : cette thèse est motivée par
le contraste nettement tranché
que présentent la prodigieuse organisation des êtres vivants et la perfection
des moyens qui servent à conformer chacun d'entre eux à son
environnement avec l'insignifiance de la jouissance éphémère et illusoire
qu'ils poursuivent.
Mais il est une autre interprétation possible de la vie que Schopenhauer
semble privilégier en de nombreux textes : l'univers est une machine à faire
du désespoir.
En l'homme, en effet, la volonté de vivre qui traverse toutes
les formes d'existence parvient au terme de son effort.
La conscience de soi
qu'elle acquiert alors lui fait reconnaître sa vanité après maintes souffrances
et désillusions.
Après s'être
joyeusement élancée dans l'existence, la
volonté, ainsi éclairée, se détache de la vie.
Et la mort tant redoutée
auparavant devient alors, pour l'homme que sa lucidité déprend de la beauté
tout apparente du
monde,« comme une délivrance longtemps souhaitée2 ».
1.
Parerga et para/ipomena, L.
II, § 12.
2.
M., p.
480..
»
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