La mauvaise conscience est-elle chose bienfaisante ?
Publié le 11/01/2004
Extrait du document
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conduite non animale (« sans toi je ne sens rien qui m'élève au dessus des bêtes »).Parler d'instinct à propos de la conscience permet de ne pas l'identifier à la raison.
Comme l'instinct animal, laconscience n'est pas le résultat d'un apprentissage ou d'une réflexion, le fruit de connaissances : elle estspontanée, « innée ».
Mais, en même temps, l'adjectif « divin » différencie la conscience de l'instinct animal ensoulignant son caractère éminemment spirituel.Pourquoi sommes-nous « sourds » ? Si la conscience était à nos actions ce que l'instinct est à la conduiteanimale, nous ne pourrions lui résister.
Mais, précisément, « tout » nous fait oublier cette voix de la nature.
aTout », c'est-à-dire l'éducation que nous recevons dans la société et qui, dès l'enfance, inculque des préjugés.La voix de la conscience n'est ni celle de la raison instruite, ni celle du fanatisme nourri dès l'enfance.
D'où leprojet 1 de Rousseau dans l'Émile d'expliquer ce que pourrait être une éducation --qui préserve, pour l'enfant,la possibilité d'entendre cette voix à la fois naturelle et divine.
• Rapprochements possibles et intérêt philosophique du texteOn retrouvera chez Kant la même idée selon laquelle le sens moral est à la portée de tout homme, même noninstruit : chacun sait immédiatement où est son devoir.
Mais cette universalité même de la moralité est pourKant le signe que la conscience morale est l'oeuvre de la raison : non pas une raison « théorique » ou «savante », mais une raison pratique.
Contrairement à Rousseau, Kant ne fait pas de la morale un sentiment quis'éprouve mais une loi qui s'impose à tout être raisonnable.
La différence entre Kant et Rousseau n'estpourtant pas si grande : lorsque Rousseau dissocie conscience et raison, c'est à la « raison savante » qu'ilpense, et le sentiment moral, dans sa spiritualité, est pour lui hautement raisonnable.
Mais cette voix peut s'amplifier jusqu'à être un cri : « On parle du cri des remords, qui punit en secret les crimescachés, et les met si souvent en évidence.
Hélas ! qui de nous n'entendit jamais cette importune voix ? » (Émile,Livre IV).Ainsi, la mauvaise conscience est le résultat d'un conflit entre l'âme et le corps, entre la raison et les instincts.
Ettoute sa bienfaisance vient de ce qu'elle nous rappelle à l'ordre de la raison contre celui des passions.La conscience morale (Gewissen) fait aussi entendre sa voix chez Kant, voix parfois terrible, « capable de faire trembler le plus hardi scélérat » (Critique de la raison pratique, chap.
3).
C'estque la conscience n'est plus seulement dédoublement dans l'intimité de soiavec soi.
Elle se déploie, chez Kant, dans l'apparat de la mise en scène d'untribunal intérieur (« le tribunal de la raison » dont il est fait état dans lesFondements de la métaphysique des moeurs), où l'homme est d'emblée mis enposture d'accusé.
Certes, tout homme porte en lui un avocat qui sait parleren sa faveur.
Cet avocat présente toute action illégitime de son client commeune chose où celui-ci a été entraîné « par le torrent de la nécessité ».
Maisl'homme porte aussi en lui un juge, «voix intérieure qui l'accuse ».
L'homme abeau expliquer sa faute comme la conséquence naturelle d'une mauvaisehabitude, il ne peut malgré tout se mettre en sécurité contre les reproches etle blâme qu'il s'adresse à lui-même.
Dédoublement de la conscience quirenvoie à la situation double de l'homme - déterminé dans l'ordre phénoménal(monde sensible) et libre dans l'ordre nouménal (monde intelligible).
LA PERSONNE ET LA MORALE
"L'homme conscient de son devoir n'est pas, dans le monde, phénomène maisnoumène ; il n'est pas une chose, mais une personne." Kant, Opus postumum,1796-1804.
L'homme, par son affectivité, tisse des liens avec le monde.
De ce fait, il peutêtre déterminé dans ses actions par des causes qui lui sont extérieures, hétéronomes.
Tout ce qui peut conditionnerle sujet ne permet pas de fonder la morale, car l'homme serait alors ramené à un statut d'objet, phénomène parmiles phénomènes, régi par le principe de causalité.
Si l'action morale est possible, elle ne peut se fonder que sur uninconditionné, c'est-à-dire quelque chose qui ne dépende pas de la nature, mais qui soit de l'ordre de l'intelligiblepur, un noumène.
Mais aucune sentence ne peut être prononcée sans référence à la loi.
Et c'est justement, selon Kant, la fonction dela conscience que d'être immédiatement conscience de laloi morale que nous portons en nous.
Ainsi, grâce à cette loi morale qui emplit sa conscience jusqu'à lui donnerparfois mauvaise conscience, l'homme n'est pas seulement créature animale soumise au déterminisme, mais aussiintelligence accédant à la liberté.
Ainsi la mauvaise conscience, malaise psychique qui résulte de la transgression decette loi, est chose bienfaisante.
Elle est la preuve de l'existence de cette loi qui a été bafouée et elle nous rappelleque la volonté libre n'est pas celle qui obéit aux inclinations sensibles, affirmant par là sa dépendance à l'égard deslois de la nature (hétéronomie) - mais celle qui obéit à la loi morale.
La volonté libre est celle qui veut la librevolonté, c'est-à-dire celle qui veut la loi morale (autonomie).
Le principe de la moralité réside dans l'autonomie, soit la faculté de se déterminer soi-même de par une législationrationnelle.
L'homme est lié à son devoir par une loi qui ne lui est pas extérieure.
Aucun intérêt ne vient le forcer à.
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