La loi morale et la loi physique ?
Publié le 27/02/2008
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«
Le mot loi vient, suivant Varron, Cicéron et Sénèque, du verbe eligere, a delectu, de la distinction, du choix que faitle législateur de ce qui est juste, et, suivant Boèce et Gerson, du mot ligare, lier : la loi, en effet, lie en quelquesorte les êtres auxquels elle s'impose.Quoi qu'il en soit de cette étymologie, on peut définir les lois en général comme Montesquieu les définit aucommencement de son Esprit des lois : « Les lois, dit-il, dans la signification la plus étendue, sont les rapportsnécessaires qui découlent de la nature des choses.
» Cette définition s'applique également au monde physique et aumonde moral.
— Supposez deux agents physiques, tels que l'un influe sur l'autre, comme la pesanteur et lemouvement ; exprimez cette influence, ce rapport par une formule, v.
g.
: Tous les corps tombent dans le vide avecune égale vitesse ; vous avez une loi physique.
— Supposez deux agents moraux, intelligents et libres, ayantchacun des droits ; de l'existence des droits de l'un résulte pour l'autre l'obligation de les respecter : voilà unrapport nécessaire, découlant de la nature des choses, voilà une loi morale.Cependant les lois présentent des caractères différents suivant qu'elles régissent les êtres du monde physique ouqu'elles s'appliquent aux êtres du monde moral.Dans le monde physique, la loi est l'ordre constant et permanent d'après lequel s'accomplissent les phénomènes, v.g.
: Les corps s'attirent en raison directe de leurs masses et en raison inverse de leurs distances; les volumes desgaz sont proportionnés aux pressions qu'ils supportent; un acide décompose un sel quand il peut former avec sabase un sel insoluble, etc.
— Ces lois, résultat de l'observation et de l'induction, sont aveugles, fatales, nécessaires,irrésistibles : les êtres auxquels elles se rapportent n'étant ni intelligents ni libres, ne peuvent pas réagir contre elleset échapper à leur influence souveraine.
Les corps ayant telles et telles propriétés, telles et telles conséquencess'ensuivent et s'ensuivront nécessairement, infailliblement.
Il n'y a que Dieu, le législateur des mondes, qui, par uneffet de sa volonté toute-puissante,, puisse suspendre et arrêter le cours des lois qu'il a établies.Dans le monde moral, il y a diverses espèces de lois : les lois psychologiques et logiques, les lois métaphysiques etla loi morale proprement dite.Les lois psychologiques et logiques sont l'ordre constant d'après lequel se produisent les phénomènes de l'âme et lesopérations de la pensée, v.
g.
: L'habitude émousse les sensations et fortifie les opérations intellectuelles; l'esprithumain arrive à la vérité de deux manières, par la déduction et par l'induction, etc.
Ces lois sont nécessaires commeles lois physiques, nécessaires seulement dans l'ordre de contingence, c'est-à-dire étant donnée la constitutionintellectuelle et morale de la nature humaine ; mais il n'impliquerait nullement contradiction que Dieu nous eût donnéune autre constitution et avec elle d'autres lois.Les lois métaphysiques expriment les conditions universelles de l'existence, v.
g.
: La même chose ne peut pas enmême temps être et n'être pas ; il n'y a pas de mode sans substance, de cause sans effet; rien de ce qui existen'existe sans raison, etc.
Ces lois sont nécessaires d'une nécessité absolue, que Dieu lui-même ne pourrait changeret détruire sans cesser d'être l'intelligence parfaite et infinie.La loi morale proprement dite est la loi de la volonté et des actes libres et on peut la définir l'ordre constant etpermanent d'après lequel ces actes doivent s'accomplir.
Universelle comme toute loi, c'est-à-dire la même pour tousles êtres moraux, dans tous les temps et tous les lieux, elle est aussi immuable, c'est-à-dire à l'abri de toutchangement, de toute atteinte venue des passions, des intérêts ou des circonstances.
Mais son caractèreessentiel, celui qui la distingue des lois physiques et des autres lois, c'est d'être obligatoire, c'est-à-dire decommander à la volonté sans la contraindre, de s'imposer à elle sans la nécessiter, sans la violenter.
La libertédemeure pleine et entière sous l'action de la loi morale et elle peut résister à ses ordres et enfreindre sescommandements.
Elle ne le fait, hélas ! que trop souvent; mais, même en foulant aux pieds le devoir, nous noussentons comme forcés d'incliner notre front devant lui et de reconnaître son inviolable autorité : « Devoir, s'écrieKant, mot grand et sublime! toi qui n'as rien d'agréable ni de flatteur et commandes la soumission sans pourtantemployer pour ébranler la volonté des menaces propres à exciter naturellement l'aversion et la terreur, mais en tebornant à proposer une loi, qui d'elle-même s'introduit dans l'âme et la force au respect sinon toujours àl'obéissance.
»Que si maintenant nous cherchons le principe commun et la raison dernière des lois du monde physique et de cellesdu monde moral, nous les trouverons en Dieu qui, en donnant aux êtres leurs propriétés et leurs facultés, leur a parcela même dicté les lois qui les régissent.
Aussi ces lois peuvent-elles s'appeler indifféremment lois naturelles,puisqu'elles sont fondées sur la nature des êtres, ou lois divines, puisqu'elles ont Dieu pour auteur suprême.
« Il y adonc une raison primitive, dit Montesquieu, et les lois sont les rapports qui se trouvent entre elle et les différentsêtres et les rapports de ces différents êtres entre eux.
».
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