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La loi est-elle la force des faibles ?

Publié le 02/01/2004

Extrait du document

 La loi désigne tout d'abord (c'est le sens du "droit positif") l'ensemble des règles qui organisent les rapports des membres d'une même communauté politique. Montrez ainsi que, contrairement à ce qui se produit dans la nature, tous sont alors égaux devant la loi et l'on abolit ainsi le règne du droit du plus fort. En ce sens, le droit semble donc bien ce qui protège les faibles, ce sur quoi ces derniers peuvent s'appuyer et donc ce qui constitue leur force. Montrez cependant qu'une telle figure du droit n'est qu'un idéal, un idéal de justice. Demandez-vous alors si dans les faits un tel principe est nécessairement respecté. Demandez-vous en particulier comment s'établit le droit , n'est-il pas le plus souvent le résultat d'un rapport de forces ? Montrez alors, en vous appuyant sur les analyses de Marx, que le droit pourrait bien être injuste et constituer en fait un moyen pour les plus forts de dominer les faibles.

  •  Selon Calliclès, la loi est un artifice au service des faibles
  • L'histoire montre que c'est le plus fort qui impose sa loi.
  • CONDAMNATION DE LA FORCE AU NOM DU DROIT

 

« mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu'ils attribuent des louanges, qu'ils répartissent desblâmes.

Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu'eux et qui peuvent leur être supérieurs.

C'est pour empêcherque ces hommes ne leur soient supérieurs qu'ils disent qu'il est vilain, qu'il est injuste, d'avoir plus que les autres etque l'injustice consiste justement à vouloir avoir plus.

Car, ce qui plaît aux faibles, c'est d'avoir l'air d'être égaux àde tels hommes, alors qu'ils leur sont inférieurs. Et quand on dit qu'il est injuste, qu'il est vilain, de vouloir avoir plus que la plupart des gens, on s'exprime en seréférant à la loi.

Or, au contraire, il est évident, selon moi, que la justice consiste en ce que le meilleur ait plus quele moins bon et le plus fort plus que le moins fort.

Partout il en est ainsi, c'est ce que la nature enseigne, cheztoutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités ! Si le plus fort domine le moins fort et s'il est supérieur à lui, c'est là le signe que c'est juste. De quelle justice Xerxès s'est-il servi lorsque avec son armée il attaqua la Grèce (1), ou son père quand il fit laguerre aux Scythes ? Et encore, ce sont là deux cas parmi des milliers d'autres à citer ! Eh bien, Xerxès et son pèreont agi, j'en suis sûr, conformément à la nature du droit - c'est-à-dire conformément à la loi, oui, par Zeus, à la loide la nature -, mais ils n'ont certainement pas agi en respectant la loi que nous établissons, nous ! Chez nous, les êtres les meilleurs et les plus forts, nous commençons à les façonner, dès leur plus jeune âge,comme on fait pour dompter les lions ; avec nos formules magiques et nos tours de passe-passe, nous en faisonsdes esclaves, en leur répétant qu'il faut être égal aux autres et que l'égalité est ce qui est beau et juste.

Mais, j'ensuis sûr, s'il arrivait qu'un homme eût la nature qu'il faut pour secouer tout ce fatras, le réduire en miettes et s'endélivrer, si cet homme pouvait fouler aux pieds nos grimoires, nos tours de magie, nos enchantements, et aussitoutes nos lois qui sont contraires à la nature - si cet homme, qui était un esclave, se redressait et nousapparaissait comme un maître, alors, à ce moment-là, le droit de la nature brillerait de tout son éclat." PLATON, Gorgias, 483b-484a, trad.

Canto, Garnier-Flammarion, 1987, pp.

212-213. (1) allusion à la seconde guerre médique conduite par Xerxès, roi des Perses, qui envahit la Grèce en 480 av.

JC Le discours de Calliclès (Gorgias 483b - 484a) Introduction Calliclès entend pratiquer une critique " généalogique " des lois en débusquant le type de vie qui se dissimule derrièreleur apparente impartialité. Les arguments de Calliclès Faite par la masse, la loi en exprime forcément les intérêts et les valeurs.

Elle n'est donc universelle qu'enapparence.Cette loi est un instrument d'oppression non par la force mais par un mécanisme d'intériorisation.

Elle n'est doncjuste qu'en apparence.Les valeurs prônées par cette loi n'ont pas de réalité propre : elles consistent dans le retournement axiologique de laréalité de la force, et l'égalité de droit n'est que la dénégation de l'inégalité de fait.

Elle est donc sans consistance.Les meilleures dispositions sont laminées par l'éducation égalitariste.Le vrai droit est celui de la nature qui est foncièrement inégalitaire.

En effet, il est universel, nécessaire, irrécusable.Cette fausse loi sous laquelle nous vivons est intrinsèquement fragile, puisqu'elle se maintient en s'appuyant sur unverbiage sans répondant, et grâce à l'absence momentanée d'un individu suffisamment fort pour la renverser en luiet hors de lui. Discussion de chaque argument Calliclès confond expression et représentation.

S'il est vrai que les lois représentent la masse, elles ont une réalitéqui ne lui est pas réductible.

La vraie question est donc celle de la spécificité du politique : un ordre d'existence queson absence de répondant réel n'autorise pas à qualifier d'illusoire.Calliclès suppose que l'homme est un être sorti tout constitué de la nature, c'est-à-dire qu'il est un simple vivant,alors qu'il est le produit des lois.

Il est donc absurde de considérer que les lois l'oppressent : elles le constituentcomme sujet.L'égalité conditionne l'idée même de loi, à la fois parce qu'elle doit être la même pour tous et qu'elle effectue laforme même de la réflexion, puisque réfléchir revient à se poser soi-même comme un sujet indifférent c'est-à-direjuridiquement égal aux autres.

La loi a la consistance de la réflexion, acceptée par le discours de Calliclès en tantque c'est un discours et non un pure violence.La cité, dit Aristote, exclut aussi bien ceux qui sont trop inférieurs (bestialité) que ceux qui sont trop supérieurs (lesdieux, les héros), puisqu'il est impossible à l'individu moyen de se reconnaître en eux.

Toute éducation a donc bien. »

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