La loi est-elle à redouter ? (Craindre la loi ?)

« 90 LE DROIT politique.

Le sujet implique, quoi qu'il en soit, qu'on envisage la loi au singulier, dans son essence ou sa définition, et non seulement à travers la variété de ses manifestations possibles.

• Recherche des idées On se demandera donc si la loi morale ou politique peut et même doit causer en l'homme un sentiment d'anxiété pouvant aller jusqu'à l'effroi.

Pourquoi faudrait-il la craindre? Simplement par peur d'être châtié (dans un éventuel «au-delà» ou dès cette vie, en allant en prison par exemple) ? Ou bien parce qu'elle est en elle-même effroyable? en quel sens alors? Est-ce parce qu'elle représente un mal à combattre (les anarchistes peu­ vent le penser, sur le plan politique) ou parce qu'elle nous dépasse telle­ ment qu'elle nous terrasse (c'est ce que Kant appelle la« sublimité» de la loi morale)? En ce second cas, ne devrait-on pas davantage parler de res­ pect que de crainte? La crainte, en somme, n'est-elle pas trop négative pour qualifier le sentiment que nous inspire la loi ? • Problématique Le sujet pose un double problème.

Il s'agit d'une part de se demander si et surtout pourquoi il serait nécessaire de faire croire aux hommes que la loi est effroyable (quand bien même ce serait faux) et, d'autre part, si la crainte est bien le sentiment le plus efficace pour parvenir aux fins souhaitées (la paix civile ou la moralité).

La loi n'est-elle pas en effet d'autant plus respectée qu'elle en est elle-même respectable et non épou­ vantable? On proposera deux parties : 1.

Il est nécessaire, pratiquement, que les hommes craignent la loi, faute de quoi ils seraient trop tentés de l'enfreindre.

II.

Mais ce sentiment ne garantit pas un respect profond de la loi.

Or c'est ce respect que la loi doit susciter.

• Citations • «La loi est faite par les faibles et par le grand nombre [.

..

] pour effrayer les plus forts, les plus capables de l'emporter sur eux» (Platon, Gorgias; c'est le sophiste Calliclès qui parle).

• « Le souverain est institué pour " maintenir tous les hommes dans la terreur (to keep them al! in awe) "»(Hobbes, Léviathan).. »