La littérature est-elle une forme « sauvage » de la philosophie ?
Publié le 29/09/2009
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A première vue, la question qui nous est posée peut nous paraitre extrêmement surprenante dans la mesure où littérature et philosophie semblent n’avoir aucun lien l’une avec l’autre, être deux disciplines dont la forme et les objectifs sont radicalement opposés. A ce titre, la littérature ne saurait être considérée comme une forme sauvage de la philosophie, pour la bonne raison qu’elle n’est en aucun cas une forme de cette dernière. Pourtant, ne pouvons-nous voir des similitudes entre littérature et philosophie à ce point importantes que la littérature peut bel et bien apparaître comme une forme sauvage de la philosophie : sauvage en ce sens qu’elle obéit à moins d’exigences internes et à un idéal de rigueur moins important que la philosophie. Néanmoins, nous verrons que si littérature et philosophie entretiennent effectivement des rapports de ressemblance extrême, il est impropre de dire que la littérature est une forme sauvage de la philosophie, car cela implique une inféodation sinon une infériorité de la littérature par rapport à la philosophie.
La question au centre de notre travail sera donc de déterminer si les rapports entre littérature et philosophie permettent de dire de la première qu’elle est une forme moins réglée et rigoureuse de la seconde.
I.
a.
Nous commencerons par dire que la littérature ne saurait être considérée comme une forme sauvage de la philosophie pour la bonne raison que la littérature et la philosophie entretiennent des rapports distincts au langage qui font d’elle des disciplines radicalement différentes. Commençons par considérer l’usage singulier que la littérature fait du langage : la littérature emploie ce dernier comme un moyen pour toucher son lecteur. En effet, le poète Saint John Perse a écrit à ce propos : « Poète est celui-là qui rompt l’accoutumance «. Le poète est en effet celui qui nous permet de nous rapporter d’une manière nouvelle à notre entourage, à notre quotidien, celui qui nous fait percevoir notre réalité environnante comme un espace merveilleux et non comme la répétition du même que nous avons tendance à y voir. Prenons un exemple concret : celui de Jean Cocteau qui disait voir dans les bouches du métro parisien bien plus qu’un accès trivial a des transports en commun, mais de véritables entrées souterraines vers un univers merveilleux : la herse d’un château. Nous dirons donc que la littérature nous permet, par l’usage singulier qu’elle fait du langage, de nous distraire de notre réalité en nous faisant envisager quelque chose de nouveau. La saveur, la sonorité particulière des mots auxquelles la poésie prête une toute particulière attention, est à ce titre un moyen que la littérature utilise pour nous toucher.
«
les bouches du métro parisien bien plus qu'un accès trivial a des transports en commun, mais de véritables entrées souterraines
vers un univers merveilleux : la herse d'un château.
Nous dirons donc que la littérature nous permet, par l'usage singulier qu'elle
fait du langage, de nous distraire de notre réalité en nous faisant envisager quelque chose de nouveau.
La saveur, la sonorité
particulière des mots auxquelles la poésie prête une toute particulière attention, est à ce titre un moyen que la littérature utilise
pour nous toucher.
b.
La philosophie fait un usage pratique du langage
En revanche, la philosophie entretient un rapport distinct au langage qui nous permet de conclure à une altérité de littérature et de
la philosophie, la première ne pouvant être dans ces circonstances une forme sauvage de la seconde.
En effet, la philosophie
utilise d'abord le langage comme un moyen : le langage n'est jamais l'objet de l'intérêt propre du philosophe en fonction de ses
qualités particulières (sonorités, connotations, place dans un réseau d'images et d'idées) mais comme le pourvoyeur d'une
signification que le philosophe cherche au travers du mot.
Ce rapport instrumental à la langue qui est celui de la philosophie fait
d'elle une discipline absolument distincte de la littérature et un cas particulier, parmi d'autres, de l'usage utilitaire du langage que
dénonce Mallarmé dans ce texte :
Un désir indéniable à l'époque est de séparer, comme en vue d'attributions différentes, le double état de la parole, brut
ou immédiat ici, là essentiel .
Narrer, enseigner, même décrire, cela va et encore qu'à chacun suffirait peut-être, pour
échanger toute pensée humaine, de prendre ou de mettre dans la main d'autrui en silence une pièce de monnaie, l'emploi
élémentaire du discours dessert l'universel reportage dont, la Littérature exceptée, participe tout, entre les genres d'écrits
contemporains .
A quoi bon la merveille de transposer un fait de nature en sa presque disparition vibratoire selon le jeu
de la parole cependant, si ce n'est pour qu'en émane, sans la gêne d'un proche ou concret rappel, la notion pure ?
Mallarmé, Avant dire au trait du vers de René Ghil
La philosophie, au même titre que la science ou l'écriture journalistique se rapportent au langage comme à une « pièce de
monnaie » à la différence de la Littérature.
A ce titre, nous pouvons dire que la littérature ne saurait être une forme (sauvage ou
autre) de la philosophie, puisqu'elle n'entretient aucune similitude profonde avec la philosophie, comme l'atteste leur relation
contraire à la langue et à ses attributs.
II.
La littérature est bien une forme sauvage de la philosophie : elle expose des idées de manière moins
rigoureuse et précise que la philosophie
a.
Littérature et philosophie partagent le même intérêt pour la manipulation des idées
Cependant, nous ne pouvons en rester à une telle thèse, repousser aussi vigoureusement toute tentative d'assimilation de la
littérature à la philosophie sous prétexte qu'elles entretiennent un rapport distinct au langage.
Il semble en effet que les similitudes
entre les deux disciplines soient si importantes qu'elles autorisent un rapprochement entre elle ainsi qu'une interrogation sur la
possible inféodation de la littérature à la philosophie.
Tout d'abord, nous pouvons montrer que nombre de textes littéraires sont
par bien des aspects philosophiques.
En effet, Sade est l'auteur d'un roman qu'il a sous titré « le roman philosophique » (il s'agit
d'Aline et Valcour) : nous y trouvons de nombreuses réflexions argumentées, sous la forme de véritables dissertations.
De même,
bien d'autres auteurs ont écrit des textes dont la philosophie comme la littérature se partagent l'étude : ainsi des Essais de
Montaigne où l'interrogation sur soi accompagne l'étude de problèmes plus généraux.
Nul besoin de multiplier les exemples : les
deux que nous venons de donner sont assez pour montrer qu'au même titre que la philosophie, des textes littéraires sont à même
de s'attaquer à la résolution raisonnée et argumentée de problèmes.
Ces derniers dépassent souvent la sphère purement
individuelle et apparaissent de deux manières dans une œuvre purement littéraire : la première consiste à traiter ces problèmes de.
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