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La liberté n'est pas celle de vouloir, mais de faire de P. RICœUR

Publié le 05/01/2020

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La liberté n'est pas celle de vouloir, mais de faire

P. RICŒUR (1913)

 

Commentant Hegel, Ricœur montre ici que la liberté est de faire, et par conséquent d'accepter la limitation propre à toute oeuvre finie.

 

La liberté de faire n’importe quoi n’est pas toute la liberté : c’est seulement le premier élément, le plus simple et le plus pauvre, d’une constellation de caractères qu’il importe de recomposer. Pour être libre, dirons-nous, il faut certes ne pas être contraint [...] par la nature, les besoins, les désirs ou d’autres intermédiaires. Il faut pouvoir prendre du recul, donc pouvoir s’abstenir momentanément de tout contenu de pensée ; en ce sens, ce que nous appelions l’indifférence aux différences appartient bien à ce premier mouvement de liberté. Mais cette liberté abstraite, c’est la négation simple [...]. Nous ne sommes pas libres tant que nous nous sommes abstenus et abstraits de toute détermination ; car nous n’avons encore rien fait. Une liberté qui se retranche n’est pas encore un « faire ». Arrêtons-nous sur ce mot « faire » : il désigne le véritable tournant, le pivot décisif, de toute notre méditation. Faire, c’est adopter par volonté positive la forme finie d’une oeuvre. La liberté abstraite, c’est la liberté qui n’a pas encore fait le mouvement de sacrifice de son indétermination, qui n’a pas encore accepté de ne plus être tout pour être quelque chose. Faute de se limiter par pouvoir positif, cette liberté n’entre pas non plus en existence et en réalité. Qui n’a pas accepté d’être quelque chose de limité, de borné, a choisi de n’être rien. C’est le lieu de rappeler le mot de Goethe : « Qui veut faire quelque chose de grand doit rassembler ses forces ; c’est seulement dans la limitation que se révèle le maître » . Ainsi la liberté concrète est celle qui assume courageusement et joyeusement la loi de l’oeuvre qui est la loi du fini ; donner forme, et en donnant forme, prendre forme, voilà la liberté.

 

Paul RICŒUR, Le philosophe et le politique devant la question de la liberté, in La liberté et l'ordre social. Rencontres internationales de

Genève, Neuchâtel, La Baconnière 1969, p. 51-52

« révèle le maître » .

Ainsi la liberté concrète est celle qui assume courageusement et joyeusement la loi de !'oeuvre qui est la loi du fini ; donner forme, et en donnant forme, prendre forme, voilà la liberté.

Paul RICŒUR, Le philosophe et le politique devant la question de la liberté, in La liberté et l'ordre social.

Rencontres internationales de Genève, Neuehâtel, La Baconnière 1969, p.

51-52 POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE La liberté suppose, dans un premier temps, la possibilité de se libérer.

Il n'est pas de liberté dans l'urgence de l'action, dans l'assouvissement de besoins impérieux.

Avoir l'esprit libre, en ce sens, c'est ne pas être obsédé de soucis, acca­ blé de préoccupations.

Il faut pouvoir suspendre l'action.

Cette première liberté, Ricœur l'appelle indifférence, par réfé­ rence à la liberté d'indifférence qui est la liberté de se déter­ miner sans motif ni mobile.

Mais cette indifférence ne doit pas, en réalité, être confondue avec la liberté d'indifférence.

La liberté d'indifférence est bien «la liberté de faire n'importe quoi» et s'oppose à la liberté de faire quelque chose.

Car la liberté suppose, dans un deuxième temps, la pos­ sibilité de s'engager.

S'engager, c'est prendre le risque d'agir, de se tromper.

Elle réclame persévérance et courage.

Mais seul l'engagement dans l'action, qu'elle soit technique, politique, ou esthétique, est liberté.

li n'y a de liberté que par et pour l'action.

En parlant d'œuvre, Ricœur entend insister sur le carac­ tère fini de l'action, mais aussi sur son accomplissement.

L'oeuvre est une action achevée.

Loin, par conséquent, de nous renvoyer à notre finitude et notre imperfection, ellè est, àu contraire, le moyen de nous dépasser et de nous parfaire.. »

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