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« La liberté ne nous est pas donnée au principe; elle est un idéal que nous devons atteindre. » Que pensez-vous de ce jugement d'un philosophe contemporain ?

Publié le 27/02/2008

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Aucune faculté de choisir n'est laissée à cette pierre, qui ne peut dévier d'une ligne de la trajectoire commandée par les forces qui agissent sur elle. Cependant sa chute est déclarée libre : c'est qu'elle se dirige vers la terre, que le sens commun considère comme son « lieu naturel », suivant la formule des scolastiques, et que l'attraction terrestre, considérée comme la loi naturelle des corps, n'est pas contrecarrée par l'intervention accidentelle d'une force différente. Une pierre tombe en chute libre lorsque son mouvement paraît commandé par sa propre loi, et non pas par un pouvoir étranger à elle. De la liberté politique aussi, il est vrai de dire qu'elle consiste essentiellement dans le pouvoir de suivre sa propre loi. Le peuple qui a conquis son indépendance ne s'est soustrait à la loi que lui imposait son oppresseur que pour se conformer à celle que lui dicte la nature des choses. Il n'a pas la faculté, sous peine de retomber sous le joug, de prendre les décisions que peut suggérer la fantaisie d'un jour : la législation et la politique d'un pays sont commandées par des conditions géographiques et historiques permanentes auxquelles les gouvernants éphémères ne peuvent se dérober; aussi voit-on souvent, après une crise ministérielle ou après une révolution, la nouvelle équipe continuer ou reprendre les errements qu'elle avait combattus sous le régime antérieur. Un peuple vraiment libre se détermine, non par coups de tête capricieux, mais par la seule considération de l'intérêt national, loi essentielle de l'activité politique. De même, l'intérêt personnel est la loi essentielle de l'activité individuelle, et c'est dans la mesure où un individu a la faculté de chercher son propre intérêt qu'il jouit de sa liberté civile. L'ouvrier qui décide de se payer une journée de repos ou de faire des heures supplémentaires de travail, le jeune homme qui choisit la compagne de sa vie, sont amenés à ces diverses déterminations par une suite de faits psychiques dont il est souvent malaisé de reconstituer l'enchaînement, mais dont nous ne, saurions mettre en doute l'existence : le « je veux parce que je veux » n'est qu'une affirmation qui cache notre ignorance des ressorts de nos décisions ou notre désir de ne pas voir. Souvent nous cédons à la force des mobiles, c'est-à-dire à l'action de puissances d'ordre affectif et plus ou moins inconscientes : inclinations naturelles ou désirs, habitudes ou passions.

« contraire, la liberté psycho-.

logique implique la prédominance de la raison sur les impulsions plus ou moins aveuglesdu sentiment ou de l'habitude; l'homme n'agit suivant sa nature propre que lorsque la raison est son guide.

Iciencore, la liberté consiste à se déterminer suivant sa propre loi, et non suivant la loi d'une nature inférieure, la loi dela matière brute ou celle de l'animal. II.

— LA LIBERTÉ, IDÉAL A ATTEINDRE. Après ces considérations, il ne sera pas difficile de répondre à la question que nous avons posée : la liberté est-elleune donnée primitive ou un idéal vers lequel nous devons tendre ? A.

Tout d'abord, qu'il s'agisse des individus ou des sociétés, la liberté n'est pas donnée au principe : les hommes etles peuples commencent par se montrer incapables de se conduire suivant les exigences de leur nature d'êtresraisonnables.Sans doute, si certains hommes et certains peuples parviennent à la liberté, que les animaux ne pourront jamaisconquérir, c'est qu'il est en eux un germe, privilège de la nature humaine, qui est bien donné « au principe ».

Maisce germe ne suffit pas à assurer la véritable liberté, c'est-à-dire une activité conforme à la nature de l'homme, uneactivité dirigée par la raison.Nous ne nous attarderons pas à l'enfant, qui, tout le monde le sait, est mené par ses appétits et par les appétits del'instant : pour le plaisir d'un moment, il sacrifierait l'avenir de toute sa vie.

Non seulement il reste insensible auxintérêts supérieurs auxquels les nobles âmes consacrent leur existence, mais il est encore incapable d'assurer unerecherche rationnelle de ses intérêts inférieurs ou sensibles eux-mêmes.

Il reste longtemps après la naissance sousla loi qui régit l'animal et sous l'emprise incoercible du plaisir immédiat et ne s'est pas encore élevé à la faculté d'agirconformément à sa nature d'être raisonnable : il n'est pas libre.Mais il ne faudrait pas croire qu'en sortant de l'enfance nous sommes libérés de la servitude du plaisir pour passersous la loi de la raison.

Si, au cours des années de formation, ils n'ont pas été dressés et ne se sont pas exercéseux-mêmes à dominer leurs impressions, le jeune homme et l'adulte continuent tout naturellement de suivre l'attraitdu moment, restant ainsi sous la loi de la bête et ne s'élevant pas au mode d'agir spécifiquement humain.

De plus, ilscontractent des habitudes : les tendances naturelles se renforcent à mesure qu'elles obtiennent satisfaction; ellesdeviennent besoin incoercible et passion asservissante.

Ainsi, non seulement l'usage de la liberté n'est pas donné auprincipe, mais le germe de liberté reçu à l'origine ne se développe pas de lui-même et la faculté d'agir en être libren'apparaît pas spontanément par le simple jeu de la croissance.

Au contraire, s'il n'est pas soigneusement protégé etcultivé, ce germe s'étiole et meurt : celui qui devait être un homme maître de soi est devenu un vieillard abouliquemené par des forces sur lesquelles il ne peut rien.Il en est de même des peuples.

La horde primitive n'est pas mûre pour la liberté politique.

Parfois, sans doute, ellevit indépendante de toute autorité étrangère; mais elle reste esclave d'intérêts mesquins, sans une vue large etjuste de son vrai bien.

C'est encore un enfant incapable de voir au-delà de l'instant présent et de calculer lesconséquences de ses décisions : il doit, pour son bien, rester en tutelle jusqu'à ce qu'il atteigne mentalement samajorité. B.

La liberté n'est donc pas donnée au principe; c'est, ajoute l'auteur dont nous étudions la pensée, « un idéal quenous devons atteindre ».

Que faut-il penser de celte seconde partie de son affirmation ?La liberté, nous devons le reconnaître, est un idéal dans les deux sens les plus usuels du mot.

D'abord, par elle, nosfacultés atteindraient leur parfait développement naturel et, une fois conquise la faculté d'agir librement, nousserions parvenus à la perfection naturelle la plus haute que nous puissions rêver.

Mais cet état reste un idéal :l'homme parfaitement libre ne se rencontre pas dans le monde de notre expérience; il n'existe que dans le mondedes idées — c'est le second sens du mot idéal.

En effet, nous ne réaliserons jamais la subordination absolue detoutes nos facultés à la raison, subordination qui constitue la caractéristique essentielle de la liberté humaine.

Toutd'abord, nous ne pouvons pas, sous peine de réduire presque à néant toute notre activité, nous replierconstamment sur nous-mêmes pour assurer la parfaite rationalité de tous nos mouvements intérieurs ou extérieurs :la majeure partie de nos actes doit être automatique et, par suite, rester indépendante de l'exercice actuel de laliberté.

Ensuite, en prétendant brider rigoureusement notre esprit pour le forcer à suivre les voies de la strictelogique, en le mécanisant au point de lui faire perdre la spontanéité de ses démarches, nous nous condamnerions àla mort de la pensée et, par conséquent, de la liberté elle-même : des options véritablement libres ne peuvent seprésenter dans une vie humaine que de temps en temps et peut-être de loin en loin, chacune d'elles commandantune longue suite d'actes dans lesquels la volonté libre n'a pas à intervenir.

Enfin, il ne suffit pas de voir qu'unedécision est raisonnable pour l'exécuter : non seulement chez l'adulte parvenu au plein développement de la raison,mais encore chez le sage et chez le saint lui-même, des puissances irrationnelles — appétits, désirs, passions —interviennent constamment, s'opposant aux projets les plus raisonnables.

Notre liberté restera toujours précaire tantque notre âme sera liée à un corps.

Dieu seul est parfaitement libre.Par suite, il n'est pas exact d'affirmer que « nous devons atteindre » cet idéal qu'est la liberté absolue.

On ne peutdemander à l'homme que deux choses : d'abord, qu'il établisse la maîtrise de la raison sur les actes importants de savie; ensuite qu'il cherche à étendre progressivement le domaine de la liberté, tendant par là à une perfection quidépasse les possibilités humaines, mais dont il peut se rapprocher toujours davantage.

Se maintenir tendu vers cetidéal reste un devoir, et même le devoir fondamental de la morale.

En effet, la liberté est la condition nécessaire del'activité morale; par suite, celui qui renoncerait à développer en lui la faculté d'agir librement accepterait de ne pasagir moralement et d'en rester au stade de l'amoralité de la bête ou de l'idiot.

D'ailleurs, la liberté n'est passeulement un moyen, elle est aussi la fin de la vie morale : vivre moralement, c'est vivre conformément à sa natured'homme, c'est-à-dire conformément à la raison, ce qui constitue l'essence de la liberté.. »

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