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La liberté d'expression vous semble-t-elle pouvoir menacer l'ordre public ?

Publié le 19/03/2005

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LIBERTÉ (lat. libertas, condition de l'homme libre)

Gén. La liberté au sens primitif s'oppose à l'esclavage et se définit alors négativement comme absence de contrainte extérieure. On appelle ordinairement liberté physique le fait d'agir sans entrave ou de suivre spontanément les lois correspondant à sa nature propre comme le fait une plante qui se développe sans tuteur. Appliquée à l'homme, cette expression semble inadéquate sauf à désigner strictement la possibilité matérielle de faire. Car, pour qu'un homme soit libre, il faut non seulement qu'il puisse matériellement, mais encore qu'il veuille : l'homme peut toujours s'interdire à lui-même de faire ce qu'il peut faire. Mor. État d'un être qui se décide après réflexion, en connaissance de cause, qu'il fasse le bien ou le mal. La liberté, au sens moral, caractérise l'homme en tant qu'être responsable. Ainsi, Kant distingue la volonté libre, qui suppose que celui qui agit sait ce qu'il veut et agit conformément à des raisons qu'il approuve, et l'arbitraire, qui ne suppose pas l'existence de la raison. La liberté morale est donc autonomie, obéissance à la loi de la raison (pouvoir de se déterminer par soi-même) et non soumission aux penchants de la sensibilité». Cependant, la liberté semble ici se confondre avec la Raison. Descartes, au contraire, considérait que la liberté se manifeste déjà dans tout acte de choisir, distinguant ainsi la liberté éclairée (qui sait ce qu'elle veut) de la liberté d'indifférence (définie comme l'indétermination de la volonté relativement à ses objets). On peut toujours choisir entre deux solutions alors même qu'on est indifférent. Pour Descartes, la liberté n'est donc pas toujours responsabilité, mais d'abord libre arbitre qui, en son plus bas degré, se définit comme simple puissance d'agir sans aucune raison ou sans autre cause que l'existence même de cette puissance de choisir arbitrairement.

POUVOIR: Du latin populaire potere, réfection du latin classique posse, «être capable de ». 1° Verbe : avoir la possibilité, la faculté de. 2° Avoir le droit, l'autorisation de. 3° Nom : puissance, aptitude à agir. 4° En politique, ressource qui permet à quelqu'un d'imposer sa volonté à un autre, autorité. 5° Employé seul (le pouvoir), les institutions exerçant l'autorité politique, le gouvernement de l'État.

 La liberté d’expression est à ranger au nombre des critères principaux permettant de distinguer les États démocratiques des États totalitaires ou dictatoriaux. Tous les ans, Amnesty Internationale publie un compte rendu du statut des journalistes dans les différents pays du monde. Pourtant, la liberté d’expression ne se limite pas là : elle concerne chacun d’entre nous, dans son quotidien. Risque-t-on d’être inquiété pour avoir dit ou écrit quelque chose ? Pourtant, assimiler trop vite la liberté d’expression au problème des États totalitaires, c'est aussi biaiser le problème et le supposer déjà résolu, puisqu’en fin de compte, même dans les États qui se targuent de prôner la liberté d’expression, la diffamation est condamnée par la justice, les insultes raciales ou sexistes sont punies par là loi. Comment définir alors ce qui constitue une liberté et ce qui constitue une menace ? La limite n'est pas si nette qu’elle peut paraitre. A partir de quel moment la liberté d’expression menace-t-elle l’ordre public ? en quoi le garantit-elle ? Et faut-il restreindre la liberté d’expression sous prétexte qu’elle menace l’ordre publique ? N’est-ce pas là sa principale fonction ?

« contestataire. A.

Il faudrait être démagogue ou ignorer ce que peut signifier la liberté d'expression pour dire qu'elle ne menace pas l'ordre publique.

Celle-ci ne se limite pas en effet à pouvoir dire ce que l'on pense d'une mesure gouvernementale àson voisin de palier sans risquer d'être inquiété par les autorités, ni même d'avoir le droit de publier des critiques ensa qualité de journaliste.

L'exemple des manifestations nous montre avec une évidence certaine que la libertéd'expression menace l'ordre publique.

Même en considérant les altercations ou violences qui s'y produisent parfoiscomme des déviances qui ne relèvent pas en propre de la manifestation, on voit que le simple rassemblement enmasse, aussi pacifique soit-il, suppose que l'ordre public soit chamboulé.

Les rues doivent être bloquées, ou dumoins fermées à la circulation, l'accès aux magasins n'est plus possible.

Les grèves nous montrent de manière plusévidente encore que la liberté d'expression menace effectivement l'ordre public. B.

C'est pourquoi l'un des principaux soucis d'un pouvoir fort, c'est de maintenir cet ordre public dont sa survie dépend, et de canaliser ce genre de manifestation.

Hobbes, dans le chapitre 29 du Léviathan , en exposant les principales sources d'affaiblissement et de dissolution de l'État y cite, en deuxième place, le droit des citoyens deporter un jugement sur ce que le Léviathan (= le pouvoir, l'État) commande.

Il ne faut pas, selon lui, donner lapossibilité aux citoyens de remettre en question les lois et décrets du Souverain. C.

Tout en en tirant des conclusions bien différentes, Bourdieu, dans son article intitulé « Décrire et prescrire » explique que selon lui l'action politique commence lorsqu'il est possible de décrire d'autres ordres que l'ordre établit.Le simple fait donc de « décrire « - activité qui semble pourtant objective et neutre – revient à prescrire, c'est-à-dire que même un écrit utopique, ou la simple description de la conception du pouvoir chez nos voisins constitue unacte de subversion de l'ordre actuel, puisque par ce geste de description, on met en évidence que l'ordre actuel estcontingent, et non pas naturel.

Chez Bourdieu, la liberté d'expression menace effectivement l'ordre public, etconstitue l'essence même de toute action politique.

Reste que c'est là justement son principal intérêt, et que c'estdonc loin de constituer un défaut. Transition : dire que la liberté d'expression menace l'ordre public, ce n'est donc pas nécessairement une critique qu'on lui adresse, mais cela peut bien au contraire être une définition de son principe et de sa fonction.

Et c'est decela que l'on tient compte lorsqu'on essaie de trouver un juste milieu permettant à la fois de conserver la libertéd'expression et de conserver l'ordre public. II.

La liberté d'expression est conciliable avec l'ordre public A.

Kant, dans Qu'est-ce que les Lumières ? distingue entre l'usage privé de sa liberté d'expression et l'usage public.

Il essaie ainsi de concilier le maintient de l'ordre public et la liberté d'expression.

Comme letitre de l'opuscule l'indique, Kant tente d'analyser à quoi correspond le mouvement des Lumières, dont ildit que c'est comme une sortie de l'homme de sa minorité : l'homme est désormais capable de penser parlui-même, et la maxime « sapere audere » est enfin appliquée : il « ose penser ».

Néanmoins, pour que l'ordre public soit maintenu, il faut une limite.

Kant explique donc que, dans le cadre de sa fonction, lecitoyen a une parole publique dont il ne dispose pas librement : un prêtre par exemple n'est pas dans sondroit si, dans le cadre d'un sermon qu'il fait en tant que prêtre, il critique l'interprétation officielle destextes sacrés.

Par contre, rien ne l'empêche, en tant que personne privée, d'écrire ses pensées et de lespublier, quitte à remettre en question les interprétations canoniques. B.

Spinoza : au chapitre XX du Traité théologico-politique établit une autre distinction, qui pourtant se rapproche beaucoup de celle de Kant dans son principe : lescitoyens sont bel et bien en droit de dire et de penser ce que bon leur semble, mais non de faire ce que bon leur semble.

La raison principale de cette liberté de pensée et d'expression, consiste enune impossibilité de fait de contrôler la pensée des gens : aucunÉtat, si fort soit-il ne pourra empêcher chacun de penser.

Autant,donc le permettre, mais sauvegarder l'ordre public en mettant unebarrière : celle de la nécessité d'appliquer la loi et d'obéir auSouverain. C.

Pourtant, on peut se demander dans quelle mesure alors la liberté d'expression garde alors vraiment toute sa force et toutson intérêt.

Distinguer la parole privée et la parole publique, n'est-ce pas en fin de compte rendre la parole privée bien vaine, ou ôtertoute crédibilité à la parole publique ? que penser des dires d'unhomme qui prêche une chose dans sa paroisse et écrit le contrairedans ses livres ? sa parole publique a-t-elle encore la moindrevaleur ? sa parole privée a-t-elle un poids quelconque ? et enretour, n'est-il pas illusoire de penser que l'on peut agir d'une partet penser de l'autre ? la nécessité de l'agir ne risque-t-il pas de venir contaminer la pensée ?. »

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