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La langue universelle est elle réalisable ?

Publié le 16/02/2011

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D'abord, on doit bien distinguer, afin de ne pas opérer de confusion néfaste au traitement de notre sujet, la "langue" et le "langage". En effet, comme nous le dit bien Saussure, le langage n'est que la faculté propre à tout homme en tant qu'homme, de pouvoir parler, et de faire usage de la langue.  La langue, quant à elle, est définie comme "un ensemble de conventions nécessaires adoptées par le corps social pour permettre l'usage de la faculté du langage chez les individus". Dans cette définition, deux éléments sont importants : en effet, nous pouvons remarquer que, contrairement au langage, ce qui fait la différence spécifique de la langue, c'est qu'elle est conventionnelle, et aussi, sociale. La langue est un système d'expression et de communication, propre à un groupe humain déterminé.  


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« Ainsi, la thèse de Saussure signifie que la langue n'est nullement une relation simple entre signifiant et signifié.

Oumême, qu'elle n'est nullement assimilable à la relation naturelle entre le mot et la chose, contrairement à ce quesoutenait Cratyle, dans le dialogue du même nom de PLATON.

Ainsi, en 383a, Cratyle affirme-t-il que le nom n'estrien d'autre que la propriété naturelle de la chose.

Ainsi, selon Cratyle, qui soutient une théorie naturaliste dulangage, "il existe une dénomination naturelle pour chacun des êtres", "un nom n'est pas l'appellation que certainsdonnent à l'objet après accord, en le désignant par une parcelle de leur langage, mais, il existe naturellement, etpour les Grecs et pour les Barbares, une juste façon de dénommer qui est la même pour tous". Si cette thèse est vraie, alors, la langue universelle est tout à fait réalisable.

C'est ce que nous montre bien ladernière phrase de ce texte.

C'est bien l'idéal d'une langue universelle, la même pour tous les hommes, au-delà desparticularités culturelles, qui est ici reproduit.

Cratyle ne dit pas, certes, que cette langue universelle, qui est icisynonyme de langue naturelle, existe effectivement.

D'ailleurs, il apparaît que des choses, ou des êtres, sont malnommés : on leur a donné des noms qui n'étaient pas conformes à leur nature, et ils sont faux.

Ainsi Cratyle dit-il àHermogène, tenant de la théorie conventionnaliste du langage, en 384a, que " Hermogène " n'est pas son vrai nom :en effet, le nom signifie "de la race d'Hermès", dieu du gain ; or, Hermogène a des ennuis d'argent. Ce que veut dire Cratyle, c'est que la langue universelle est tout à fait possible : il suffit de modeler les noms sur lespropriétés réelles et naturelles des choses.

Alors, en effet, nous aurions un moyen d'entente facile : il suffirait dedésigner chaque chose par le mot qui lui appartient en propre.

En ce sens, on ne voit pas ce qui pourrait bien faireobstacle à la réalisation d'une langue universelle : a) elle ne serait plus liée aux décisions propres particulières à chaque société ou culture, et ne serait donc pasemprunte de tout le sous-bassement propre à chaque culture; b) et surtout, il serait possible que tout homme en tant qu'homme la pratique en toute objectivité : nous dirionsalors les mêmes choses avec les mêmes mots. C- Difficulté du cratylisme : la langue n'est pas naturelle (Saussure) Mais on voit que si, chez Cratyle, la langue universelle est réalisable, en tant que langue naturelle, et retour à cequ'il peut y avoir avant toute intervention des conventions humaines, c'est à la condition que la langue se réduise àla relation simple mot/chose.

En ce sens, effectivement, il est tout à fait possible qu'il puisse y avoir une langueuniverselle, puisque parler la même langue se réduit à employer les mêmes mots, pour désigner les mêmes objets. Or, revenons à la définition saussurienne de la langue : il y avait l'idée d'une correspondance (instituée par l'hommeen société) entre un signifié et un signifiant.

Nous allons voir que tout n'est pas aussi simple que ce que croyaitCratyle! En effet, dans son Cours de linguistique générale, Saussure dit bien que le signifiant est l'empreinte psychique d'unson, et le signifié, est l'idée à laquelle renvoie cette image.

Ie, le signifié, ce à quoi réfère le signifiant, n'est pas la"chose", mais le "concept".

(De même, le signifiant n'est pas le mot).

Le signe linguistique est donc, non le rapportd'un nom et d'une chose, mais le rapport interne entre deux éléments psychiques. Si bien que le rêve cratyliste d'une langue naturelle semble s'envoler, puisque : a) la langue n'est pas une nomenclature b) et surtout, elle implique un découpage linguistique et/ou conceptuel de la réalité. Ainsi devient-il irréalisable d'avoir une langue naturelle (puisque le rapport entre signifié et signifiant estcomplètement immotivé et arbitraire) ; et complètement utopiste de croire pouvoir avoir une même langue pourtous.

La langue ne consiste pas seulement à parler : ie, ce qui suffit à dire que nous parlons français ou anglais,n'est nullement l'emploi de mots comme "soeur" ou "sister", mais c'est que nous découpons, et classons, la réalitétout autrement les uns des autres.

Et aussi, que les mots sont irrémédiablement, de par leur origine sociale, chargésd'un sens qui n'est parfois pas assimilable par d'autres. Par exemple : 1) dire le mot "vache" en France et en Inde : nous avons beau parler hindou, quand nous utilisons le mot hindou quicorrespond à notre mot pour désigner ce que nous croyons être la même chose, nous ne parlons pas de la mêmechose ou plutôt, du même concept.

Pour un hindou, c'est en effet quelque chose de sacré, etc.

Or, cela, la "chose"ne nous le dit pas.

Il ne se passe donc pas la même chose en nous que chez l'hindou, quand nous prononçons lemême mot -même si la chose est la même. 2) Cf.

aussi l'exemple de Levi Strauss, au début de la Pensée sauvage : chez les chinook, on dit "la méchanceté del'homme tue la pauvreté de l'enfant".

On ne peut pas dire que cette phrase chinook correspond à la phrase française"le méchant homme tue le pauvre enfant".. »

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