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La langue n'est-elle qu'une vision du monde ?

Publié le 13/03/2004

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« Nous disséquons la nature tracées à l'avance par nos langues maternelles ». Chaque langue est un système complexe de structures grâce auquel une culture organise les catégories dans lesquelles le locuteur analysera l'expérience, relèvera ou négligera certains types de rapports et de phénomènes, et maîtrisera ses raisonnements. Etudiant le système verbal du hopi (parlé dans l'Arizona), Whorf montre qu'il ne comporte pas de forme se rapportant directement à l'expression du temps, mais qu'il est en revanche structuré selon des modalités qui relèvent de ce que les grammairiens appellent l'aspect, et contraint par exemple les Hopis à prêter attention aux processus vibratoires ou ondulatoires. Seraient-ils alors plus proches que ceux qui parlent une langue indo-européenne de la vision du monde que fournit la physique contemporaine ?  En le soutenant parfois, Whorf ne semble pas penser que ce genre d'affirmation se retourne contre sa thèse, du moins dans ses versions les plus fortes : car ce sont précisément des savants dont les langues maternelles étaient indo-européennes qui ont élaboré la physique, montrant par là qu'une langue n'impose pas une vision du monde dont il soit impossible de s'affranchir par un travail qui se concrétise dans l'élaboration d'une langue spécialisée permettant d'exprimer les phénomènes considérés. A côté de cet argument spéculatif, nous avons depuis les années soixante-dix des raisons positives pour infirmer la thèse culturaliste. E. Rosch, ayant constaté que les Danis (en Nouvelle-Guinée) ne disposent que de deux termes pour les couleurs, dont l'un s'applique aux teintes claires et chaudes, et l'autre aux teintes sombres et froides, se demanda quels effets pouvait avoir un vocabulaire aussi limité sur les comportements relatifs aux couleurs. Pensant obtenir une confirmation de la position de Whorf, elle soumit les Danis à deux tests distincts, l'un de nomination, l'autre de reconnaissance.  Disposant devant les sujets de son expérience quarante échantillons de teinte ou de clarté différente, elle leur demanda d'abord de les nommer ; ensuite, après avoir montré un échantillon à un Dani, elle le faisait attendre dans l'ombre, puis lui demandait de retrouver l'échantillon parmi les quarante.

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