La justice a-t-elle besoin d'institutions?
Publié le 06/03/2005
Extrait du document

Est-elle exclusivement fonction de la décision et de la
volonté des hommes de telle sorte qu'elle n'est rien d'autre qu'une convention ?
b)
la justice est sentie, éprouvée
Lorsque pour un même travail, deux individus
perçoivent un salaire différent ou quand un homme est emprisonné pour une faute
qu'il n'a pas commise, nous éprouvons de l'indignation face à ces situations que
nous n'hésitons pas à qualifier intuitivement d'injuste, et cela, avant même
d'opérer le moindre raisonnement ; nous sommes choqués et traduisons ce
sentiment en arguant que « ce n'est pas juste ».
Ainsi on peut facilement poser que notre
aspiration à la justice est essentiellement motivée par ce sentiment
d'injustice. Ainsi la justice n'aurait pas besoin d'institutions dans la mesure
où elle est d'abord sentie, elle est, selon les mots de Rousseau, « une
affection de l'âme éclairée par la raison [...], un progrès ordonné de nos
affections primitives ».
En effet, l'amour de soi et la pitié sont, selon
l'auteur de l'Emile, les deux sources du sentiment de justice.
Naturellement, l'homme est d'abord enclins à se conserver mais aussi à prendre
part aux souffrances d'autrui : la pitié est le sentiment de l'amour de soi
étendu aux autres et cette extension donne lieu à la justice. Or pour que
l'homme opère une telle généralisation (sans laquelle, la pitié est seulement
faiblesse et non pas une vertu), il faut l'éduquer.
Transition :
-
Ce dont la justice a besoin, en tant
qu'elle relève du sentiment primitif qu'est la pitié, c'est de l'amour du genre
humain : pour mener à la justice, la pitié doit s'élargir en vertu : « étendons
l' amour propre sur les autres êtres nous la transformerons en vertu ». Rousseau
pense donc que la justice n'existe que lorsque l'on s'élève à l'amour du genre
humain (opposé à l'intérêt particulier et égoïste)
-
Cependant,
si la justice existe indépendamment des institutions, comment expliquer la
pluralité et la diversité des principes de justice établis par les hommes ?
Citons Pascal : si chacun connaissait la justice, « on la verrait
plantée par tous les états du monde, et dans tous les temps, au lieu qu'on ne
voit rien de juste ou d'injuste qui ne change de qualité en changeant de climat »
(Pensées, éd Brunschvig 294)
-
Problème :
si justice peut être sentie par tous, il n'y a alors besoin que d'éduquer les
hommes à l'amour d'autrui, et toute autre institutions (tribunal, assemblée
législatrice, école de droit ...) est superflue.
Analyse du sujet :
- « avoir besoin de … « = ne pas pouvoir se passer de … ; le besoin marque une nécessité, un lien de dépendance forte
- Ainsi, le sujet invite à se demander si les institutions sont indispensables à la justice : peut-on penser la justice séparément des institutions, indépendamment des structures politiques et sociales établies par la loi ?
- Enjeu : la justice n’est-elle affaire que de convention ? Doit-on admettre tout ce qui est légal comme légitime ? Est-il sensé de distinguer légitimité (conformité à une loi morale ou à un principe de justice pressentie dans la conscience individuelle ou collective) et légalité (conformité aux lois établies, au droit positif) ?
- La difficulté du sujet tient à ce que d’un côté, les institutions sont diverses (ne sont pas les mêmes selon les sociétés) et varient selon les époques, alors que de l’autre, le sentiment de justice ou même son idée paraît identique et invariable.
Problématique : la justice repose-t-elle strictement sur des conventions humaines ou relève-t-elle d’un sens moral fondateur d’une norme du juste en soi ? La justice a-t-elle besoin d’institutions, afin de ne pas être un idéal abstrait, ou bien peut-elle être pensée à part de ces dernières, permettant ainsi de contester ou contrôler les institutions ? Dans cette dernière perspective, comment s’accorder sur ce qu’est le juste en soi ? devons-nous accorder à Pascal que la justice instituée est la seule justice du seul fait qu’elle est instituée ?
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