Devoir de Philosophie

La fureur et la règle : la passion classique

Publié le 28/03/2015

Extrait du document

Cette exaspération du désir transforme la passion en fureur, qui conserve ici un sens étymologique de «folie« : à OEnone qui lui demande si elle aime, Phèdre répond «De l'amour j'ai toutes les fureurs«.

 

Le théâtre racinien est celui où, poussé peu à peu à bout, le désir révèle sa véritable nature, qui est une folie du Moi, et ce Moi est entièrement extérieur à tout ce qui n'est pas précisément sa passion.

 

répond pas à son désir ; Néron contraint Junie à rompre avec Britannicus sous peine de faire assassiner ce dernier ; Phèdre fait des avances à son beau-fils aussitôt connue la mort de son mari.

 

La tragédie de Racine met en lumière cet aspect du conflit des passions en représentant sous de multiples formes l'amour insatisfait.

 

Le schéma est encore valide pour d'autres pièces, comme Iphigénie, Mithridate et même Bérénice.

 

La dernière question que pose ainsi la passion porte donc sur l'intention de la transgression qui anime le personnage racinien.

 

Cette aristocratie qui avait donné sa loi à la tragédie cornélienne et qui, en hiérarchisant par la volonté les passions, avait permis une construction positive du Sujet, plie sous te joug royal qui la dépouille, par le biais de son administration, de ses prérogatives dans les provinces et qui l'attire autour de Louis XIV, «roi des abeilles« comme le surnomme Saint-Simon.

 

« Esthétiques de la passion Et toujours en état de disposer de moi / Donner quand il me plaîï et retirer ma foi.

» Aussi, Alidor se trouvera bien de voir Angélique enfermée dans un couvent qui le mettra à l'abri de sa propre passion.

Cette foi dans la possibilité de dompter la passion est une constante du théâtre cornélien de la maturité.

Rodrigue, dans Le Cid, ne sera pas le jouet de son amour pour Chimène, qui prend, dans la scène des célèbres stances, la seconde place après le devoir filial.

Il en va de même pour Horace et Polyeucte dans les tragédies éponymes.

Comme l'écrit J.

Starobinski à propos du théâtre cornélien (L 'Œil Vivant, 1961) : « La maîtrise de soi est une activité réfléchie, qui suppose le dédoublement de l'être entre une puissance qui commande et une nature réduite à obéir [ ...

] Cette force hégémonique n'est pas tout l'être; pour qu'elle règne, il faut qu'elle réduise au silence d'autres forces, ou du moins qu'elle les cache aux regards du dehors.

Ce qui fait la grandeur osten­ tatoire du héros est aussi ce qui l'engage à dissimuler l'appétit inférieur qu'il refrène en lui-même.

» Cette maîtrise de la passion ne procède pas du seul regard de Corneille.

Cette domination possible exercée sur la passion amoureuse, que ce soit au profit du devoir filial dans Le Cid, du devoir patriotique dans Horace ou de la foi chrétienne dans Polyeucte, trahit une esthétique aristocratique qui double sur la scène la théorisation cartésienne des passions.

Le premier XVII" siècle est l'âge des Grands, de cette noblesse qui, réunie à Paris mais pas encore à la cour exclusive du Roi, éparpillée dans les hôtels aristocratiques, affirme sa capacité à se déterminer elle-même, selon ses propres lois, selon le code de l'honneur chevale­ resque.

C'est au sein de cette aristocratie que se forge la résistance à la transformation du royaume en monarchie absolue que Richelieu mène patiemment durant tout le règne de Louis XIII.

Le héros cornélien des grandes pièces classiques choisit comme moteur une règle qui relève de l'univers aristocratique : le mobile de son action, devoir filial, patriotique ou foi chrétienne, le grandit à ses propres yeux et aux yeux des autres et renvoie ainsi à cette nécessité aristocratique de la gloire.

La dramatique de l'admiration qui tisse le héros cornélien est du ressort de cette morale sociale.

L'on pourrait penser que c'est donc une passion qui en domine une autre, le sentiment de l'honneur l'emportant sur le désir amoureux tout en relevant en réalité du même ordre, et ce d'autant plus que le Traité des passions de Descartes place effectivement l' « admiration » en tête des passions positives.

Mais le sens donné à ce terme dans la théori­ sation cartésienne renvoie essentiellement à l'attention portée aux choses, la curiosité intellectuelle, et non au sentiment engendré par les actions d'éclat.

Au-delà de ce simple rapprochement, l'analyse de la gloire comme passion n'est pas exacte dans le premier XVII" siècle.

L'éthique du héros relève des normes de l'aristocratie et de ses codes - 129 -. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles