La fuite du temps est-elle nécessairement un malheur ?
Publié le 02/03/2004
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Définition des termes : Le temps est irréversible, il est un flux continu, un écoulement sans interruption. Il ne peut donc être arrêté d’aucune manière et c’est pourquoi le terme de fuite est approprié. En effet la fuite peut être comprise comme indiquant une absence de maîtrise, ce qui échappe à tout contrôle (la fuite d’un criminel). D’autre part la fuite peut-être comprise comme ce qui s’écoule indéfiniment (fuite d’eau). Dans quelle mesure la fuite du temps pourrait-elle devenir pour l’homme synonyme de malheur ? Cela s’explique de différentes manières. L’homme n’est pas maître du temps mais en est l’esclave. L’acceptation de cette servitude n’est pas sans difficultés. Cette servitude permet d’associer la fuite du temps à la misère de l’homme. Une autre manière d’expliquer pourquoi la fuite du temps peut être comparée à une épreuve est le fait qu’elle rappelle la finitude de l’homme. Le malheur peut être identifié dans ce cas à la fatalité. Plus le temps passe et plus l’homme s’approche de sa mort. Enfin il y a malheur quand la fuite du temps rend toutes les actions humaines vaines parce qu’elles tombent irrémédiablement dans l’oubli dans ce flux, ce changement continuel. Problématique : Si la fuite du temps est un malheur, c’est-à-dire un flux continuel n’offrant à l’homme aucune prise et lui rappelant sans cesse sa finitude, alors le caractère irréversible du temps paralyse l’individu. Face à cette infortune l’homme peut prendre la fuite du temps comme un prétexte lui permettant alors de se désengager et de vivre dans l’instant. Mais là encore cette libération est un leurre puisque l’homme reste esclave du temps et ne fait que suspendre une réalité qu’il n’ose affronter.

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Dans L'essai sur les données immédiates de la conscience Bergson distingue la durée, qui est le seul temps véritable, de l'espace, en ce que la première est une multiplicité qualitative ethétérogène tandis que le second est une multiplicité quantitative et homogène.Le premier couple signifie que les moments de la durée sont toujours autres lesuns par rapport aux autres, le second signifie qu'à l'inverse les parties del'espace sont toutes équivalentes.
Autrement dit ce n'est que par un geste trèsabstrait, en traitant la durée comme un objet de l'espace, que l'on peuts'autoriser, à tort, de voir le temps comme un objet physique.
En réalité letemps se définit par la qualité de ses moments et non par leur longueur.
La conception bergsonienne du temps permet de se défaire du modèlevéhiculé par le sens commun et selon lequel le temps n'est au fond qu'un lieu deparcours, comprenant telle et telle étape à accomplir.
D'après une tellereprésentation, vivre dans le temps c'est donc le perdre, le consumer ;représentation que l'on annule en comprenant que le temps est une successionde qualités et non une addition de quantités.
Si l'on adopte la visionbergsonienne on voit que vivre dans le temps c'est faire l'épreuve de lanouveauté et de l'inattendu, en tant qu'il ne peut être confondu avec l'espace,le temps réel ne saurait se laisser prévoir, vivre dans le temps ce n'est plus dèslors perdre quelque chose.
Cela exige un effort de la part du sujet, par exemplela capacité de se rapporter à l'avenir sans avoir l'impression que tout est écritd'avance et qu'il ne s'agit plus que de parcourir des étapes prédéfinies.
Conclusion :
Moins qu'à la recherche d'avantages procédant de la fuite du temps c'est à la critique de la représentation d'un temps spatialisé qu'il faut s'adonner.
Le temps n'est perdu que pour celui qui ne voit dans le temps qu'un capitalmesurable, et qui comprend le passage du temps comme une fuite.
Or, si l'on voit que le passage du temps est unesuccession de qualités toujours nouvelles, on comprend que le passage du temps correspond bien plutôt à laproduction de créations qu'à la nécessité d'une perte.
Le temps des horloges est un temps spatialisé, marqué par lesouci d'organiser et d'épargner le temps, il ne traduit pas la relativité du temps réel, c'est-à-dire l'hétérogénéité deses moments.
Dès lors que l'on ne se représente plus le temps comme un objet il ne peut être l'objet d'une perte..
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