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La fortune est femme. Machiavel

Publié le 19/03/2020

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«Et si vous considérez l’Italie, qui est le siège de ces changements et qui leur à donné le branlé, vous verrez qu’elle est une campagne sans levées et sans aucune digue. Que si elle se fut donné un rempart d’une force suffisante comme l’Allemagne, l’Espagne ou la France, ou cette crue n’aurait pas fait les grands changements qu’elle a fait, ou elle ne se serait pas produite. »

« Je n’ignore pas que beaucoup ont été et sont dans l’opinion que les choses du monde soient de telle sorte gouvernées par la fortune et par Dieu, que les hommes avec leur sagesse ne puissent les corriger [...] Cette opinion a été plus en crédit de notre temps à cause des grands changements qu’on a vus et voit chaque jour dans les choses, en dehors de toute conjecture humaine. »

« Et l’on voit aussi, de deux circonspects, l’un parvenir à ses fins, l’autre non, et de même deux prospérer également par deux manières de faire différentes, étant l’un circonspect, l’autre impétueux : ce qui ne vient de rien d’autre que du caractère des temps, qui se conforment ou non avec leurs procédés. »

« La fortune est femme, et il est nécessaire à qui veut la soumettre de la battre et la rudoyer [...] en tant que femme elle est l’amie des jeunes, parce qu’ils sont moins circonspects, plus hardis, et avec plus d’audace la commandent. »

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« 216 / Fortune ruinerait toute la tentative machiavélienne, et plus radi­ calement tout essai de penser l'action politique et ses conditions.

Ce chapitre s'inscrit donc au coeur de deux préoccupa­ tions-propres à Machiavel.

D'une part, il s'agit comme dans tout le Prince de proposer les conditions d'une action politique efficace, et d'une stabilité politique qui fait cruellement défaut à l'Italie.

D'autre part, Machia­ vel balaye toute différence entre histoire sacrée et his­ toire profane : ainsi comme il avait précédemment éliminé toute différence essentielle entre un législateur sacré comme Moïse et un législateur profane, comme Thésée ou Lycurgue, Machiavel place-t-il ici la Provi­ çlence et la Fortune sur le même plan.

La formule : « Car la fortune est femme, et il est néces­ saire à qui veut la soumettre de la battre et la rudoyer» éclaire le double projet de Machiavel dans notre passage.

Il s'agit tout d'abord de récuser la notion de hasard pour restam:er les droits de l'action politique efficace.

Ainsi lit-on quel 'on peut soumettre la fortune, qui n'est donc qu'une puissance imaginaire.

Elle n'est pas une puissance impossible à maîtriser qui s'imposerait à nous malgré nos actes et nos volontés, un destin, mais quelque chose que nous pouvons diriger.

Mais d'autre part, l'idée de l'audace nécessaire à l'action politique, les notions de lutte et de violence ten­ dent à montrer qu'il n'y a pas de modèle précis de l'action politique, que celle-ci contient toujours une · part irréductible d'aventure, de risque.

Aussi Machiavel se bat-il sur deux fronts: contre l'idée irrationnelle de fortune ou de destin qui pousse au · désespoir, et contre l'illusion inverse d'une possibilité de totale maîtrise de l'action.. »

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