La force et le droit s'opposent-ils nécessairement ?
Publié le 16/04/2009
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Nous connaissons tous dans notre vie quotidienne une forme de droit. Étymologiquement, le terme droit vient du latin directus qui signifie "sans courbure". Le substantif « droit « trouve aussi son origine dans un ensemble géométrique et renvoie à la norme. Le droit désigne ce qui est conforme à une règle. Le droit est alors le légitime. Il s’incarne ainsi dans les lois qui gouvernent notre société et ceux qui font des études de droit étudient en définitive le système juridique et les lois. Il existe en effet un lien indissoluble entre le droit et la loi. Alain définit ainsi dans Les arts et les Dieux le droit : « le droit est un système de contrainte générale et réciproque, fondé sur la coutume et sur le jugement des arbitres, et qui a pour fin d’accorder l’idéal de justice avec les nécessités de la situation humaine. « On reconnaît généralement que le droit est né de la nécessité de régler les relations entre les hommes. Le droit dès lors ne semble avoir de sens que dans une communauté d'hommes, dans une société. On pourrait donc dire que le droit s'incarne dans la justice d'un pays et qu'avoir le droit, c'est faire ce qui autorisé par les lois. Il semble justement que le droit se soit institué pour interrompre le règne de la force et de la violence qui semblait être la normale dans l’état de nature, avant toute société. La force désigne avant tout un pouvoir d’agir, une énergie qui meut les corps. Elle modifie l'état de mouvement ou de repos d'un corps. Ainsi, la force de gravité désigne ainsi les lois qui soumettent un corps à la pesanteur et à un mouvement particulier. Mais il s’agit plutôt ici d’une troisième signification que l’on utilise de manière générale, par exemple quand on dit que quelqu’un a acquis quelque chose par la force. La force est aussi une contrainte ou pouvoir de contrainte. Si on utilise la force, c’est que nous ne sommes pas dans notre droit et que nous ne pouvons pas acquérir quelque chose de manière légale. Il semble donc dans un premier temps que le droit et la force ne soient pas compatibles. Le terme « opposer « marque effectivement une différence complète et marque généralement une notion d’obstacle. Or, le droit s’oppose à la loi parce qu’il l’enfreint. Mais ne peut-on pas penser que le droit lui-même est une force, dans le sens où il nous oblige, qu’il nous contraint à agir d’une telle manière ? De plus, la loi n’est-elle pas simplement respectée par la punition, c’est-à-dire par une force de répression ? Le droit peut-il tenir sans la force ? Mais une loi respectée par la force est-elle juste ? Ne faut-il pas essayer de concevoir une loi sans force ?
Problème classique : y a-t-il un droit du plus fort ? Non, montre Rousseau (Du Contrat social, début). Il n'y a qu'une domination temporaire de fait (jusqu'à ce qu' une force plus grande prenne la place) et non une contrainte légitime. Toutefois, sans la force, le droit n'est rien (cf. Pascal). Car il faut une force constituée légitimement pour faire appliquer le droit. On définit d'ailleurs la règle de droit comme une règle coercitive, c'est-à-dire qui contraint.
«
enfreindre la loi de la gravitation.
Confondre le droit et la force, c'est confondre la contrainte physique et l'obligationmorale.
L'obligation morale suppose ma liberté alors que la force la supprime.
Je suis moralement obligé, et noncontraint, lorsque j'éprouve en conscience l'exigence d'un devoir auquel je puis me soustraire physiquement.
Il n'y ad'obligation morale que si je suis libre d'obéir ou désobéir physiquement.
Ainsi, le fort a toujours raison et le droit ne rajoute rien à ce terme.
3.
Le droit du plus fort changerait sans cesse
Rousseau demande dans le même chapitre : « qu'est-ce qu'un droit qui périt quand la force cesse ? » Donner audroit un fondement purement empirique, c'est lui enlever tout caractère universel.
S'il suffit que le vainqueur d'hierdevienne le vaincu d'aujourd'hui pour que change complètement le système de droits et des lois, la justice perdtoute stabilité, toute solidité.
Les préceptes moraux et judiciaires n'auraient rien avoir avec ce qui est justeuniversellement et éternellement.
Pour Rousseau, tandis que le rapport de forces change sans cesse, au gré desbatailles et trahisons, les exigences de la morale ont un caractère universel et absolu.
II Le droit est issu de la force et ne peut s'appuyer que sur elle pour être suivi
1.
Le droit est l'expression de la force
Pour certains philosophes, au contraire, raillant la naïveté de Rousseau, pensent que le droit n'est que l'expressionde la force.
Thomas Hobbes développe cette thèse dans le Léviathan .
Nous l'avons déjà évoqué, pour lui, dans l'état de nature, le droit de chacun est mesuré par sa puissance réelle, par sa force.
Spinoza dira de même : lespoissons ont le droit de nager et les gros poissons ont le droit de manger les plus petits.
Tout ce qui est possibleest permis.
Mais comme cet état de nature est pour tous un état d'insécurité et d'angoisse, les hommes vontchercher la paix et la sécurité.
Or pour Hobbes, il n'est possible que si chacun abdique ces droits naturels absolussur les choses et les remet entre les mains d'un souverain qui, détenant les droits de tous, possède la puissance etla force absolue.
Ce souverain devient alors une sorte de Léviathan, monstre marin colossal évoqué dans la bible.Son droit n'a alors de limite que sa force.
Pour Hobbes, dans l'état de nature comme dans l'état de société, la forceest la seule mesure du droit mais dans la société, le monopole de la force appartient au souverain.
Si un sujet tentealors de s'emparer du pouvoir et échoue, il commet un crime.
Mais s'il réussit il devient le maître absolu et fait ledroit à son bon vouloir.
Pour Marx, le droit exprime la force en ce qu'il est le produit de la lutte des classes.
Il n'est alors l'expression que dela force de la classe dominante et le droit traduit ses volontés et est fondé sur ses avantages.
Le droit bourgeoisconstitue selon lui le travestissement de l'exploitation dont est victime le salarié.
2.
Le droit est issu de la force et ne tente que de la masquer
Pour Hume, il est vain de prétendre que les régimes et le droit se sont constitués sur la base d'un consentementpopulaire.
Il affirme ainsi dans Essais politiques que c'est très souvent voire tout le temps la force qui fonde le droit. Il écrit ainsi que « c'est la conquête ou l'usurpation – pour parler clair, la force – qui constitue l'origine de presquetous les nouveaux régimes jamais établis dans le monde.
» Le droit est donc directement issu de la force.
Remarquons d'ailleurs que même les vainqueurs brutaux et illégitimes parlent de droit.
Les nazis ont ainsi déguiséleurs actes sous la notion de droit.
Ils montraient ainsi que la force brutale cherche toujours à se masquer sous desprétextes honorables.
La force doit pour régner se faire passer pour le droit.
Sartre reprend cette analyse à sa manière.
Constatant que le droit est toujours lié à des rapports de force parcequ'il est fait pour régler des conflits, il affirme que c'est le plus fort qui impose sa loi.
Mais ce dernier ne pouvantsupporter que sa victoire soit un « pur fait », il désire la justifier.
Le droit est donc issu de la force mais il est autrechose que la force car « il est la justification par après ».
Le vainqueur reconnaît le vaincu comme son égal etcomme un être libre afin que sa propre loi puisse être acceptée comme juste.
2.
Le droit est une contrainte pour l'individu
De plus, si on considère que la force possède une notion de contrainte et de puissance, le droit semble s'imposer àl'individu comme une contrainte, une force de soumission.
En effet, il m'empêche de faire ce que je veux.
Ainsi le feurouge s'oppose à mon désir d'aller plus vite et de traverser le carrefour.
Le droit possède alors la force de mecontraindre.
On peut aussi se demander si le droit, non accompagné d'une force, serait respecté.
Si je n'encouraisaucun risque pour moi, pourquoi respecterais-je le droit ? La force du droit se situe donc dans le pouvoir de punition.Même si ce dernier a été adouci, il garde la possibilité de m'enlever toute liberté.
Ainsi, dans Surveiller et punir Michel Foucault met en évidence que le droit, les lois ont toujours été accompagnées de la force.
Auparavant, lessupplices corporels, les exécutions faisaient effectivement appel à une dissymétrie dans les rapports entre l'état quipunit et les criminels.
La force se trouve du côté de l'état qui fonde le droit.
Même si le droit est injuste, je ne peutl'enfreindre au risque d'être rappeler à l'ordre.
Machiavel montre dans le Prince la difficulté de gouverner un pays sans l'aide de l'armée.
Sans elle, vous n'avez plus la force la plus puissante et le peuple ne vous écoute plus.Hobbes écrit ainsi « les conventions sans le glaive ne sont que paroles ».
On peut alors souligner le lien entre la violence et le droit : dans une société harmonieuse de part en part, sans.
»
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