La fonction du poète et de la poésie

« lointaine, et calme ».

De plus il représente également le personnage qui séduit par son grain de folie.

Folie quis'exprime par son style, par les images surprenantes qu'il invente pour sa bien aimée, comme dans le poème deDesnos, qui dans « J'ai tant rêvé de toi » réalise une véritable déclaration d'amour des plus originales : « j'ai tantrêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme qu'il ne me reste plus peut-être, et pourtant, qu'à êtrefantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois que l'ombre qui se promène et se promènera allègrement sur lecadran solaire de ta vie ».

Le poète est aussi un être irrationnel : le poète fait appel non pas à la réalité, la raisonou la logique, mais à la passion amoureuse, qui est elle aussi irrationnelle, incompréhensible : c'est ce que développeDesnos avec le vers « j'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité » ou encore Eluard dans « La dame de carreau »en évoquant ce rêve de femmes entre réalité et fiction. Le poète est donc le personnage qui peut le mieux célébrer l'amour puisqu'il dispose d'un instrument parfait :le langage poétique.

En effet la poésie est propre à l'expression sentiments tels que l'amour car le poète exprime sonmoi intérieur.

C'est le cas de Nerval dans « El Desdichado » où le poète se livre à une introspection pour exprimerson amour perdu « ma seule étoile est morte et mon luth constellé porte le soleil noir de la mélancolie ».

Ici le poètesuggère plus qu'il ne l'exprime, comme l'amour qui prend souvent un certain nombre de détours pour s'exprimer : cesont par les images poétiques que l'auteur arrive le plus à suggérer sa déclaration : « Tout jeune, j'ai ouvert mesbras à la pureté.

Ce ne fut qu'un battement d'ailes au ciel de mon éternité, qu'un battement de cœur amoureux quibat dans les poitrines conquises » (« La dame de carreau », Eluard).

Pour cela le poète dispose du vocabulaireaffectif, des hyperboles pour l'accentuer : « j'ai tant rêvé de toi, tant marché… » (« J'ai tant rêvé de toi », Desnos).

Il peut aussi avoir recours à des formes particulières pour exprimer son amour : le sonnet, la forme parexcellence, semble être la plus représentative pour exprimer ce sentiment noble, comme dans « Mon rêve familier »de Verlaine, mais on peut aussi trouver des formes plus déconstruites où la syntaxe serait bouleverser pour faireressortir toutes les contradictions et toutes les surprises que l'on trouve dans l'amour, comme dans le texte deDesnos « J'ai tant rêvé de toi », ou encore dans « La Dame de carreau » de Eluard. Ainsi poésie et amour semblent donc liées depuis toujours pour former un topos littéraire qui se décline soustoutes ses formes : la déclaration d'amour, l'amour malheureux, l'amour impossible….Le poète est le mieux placé pourcélébrer l'amour puisque, par son statut même, il symbolise la sensibilité, la folie, le rêve, nécessaire pour louerl'amour, et parce qu'il dispose d'un outil parfait pour chanter la passion amoureuse : les mots et le langage.

Mais cesoutils, ces instruments du poète ne servent-ils que pour louer l'amour ? Ne sont-ils utilisés que pour le sentimentamoureux ? La vocation du poète n'est-elle que de célébrer ? Ne peut-il pas utiliser son art pour critiquer ?Dénoncer ? Le poète n'a-t-il donc pas d'autres fonctions que celle de célébrer l'amour ? Le poète, grâce à sa personnalité et son instrument, le langage poétique, peut tout d'abord célébrer l'amourau sens large, comme l'amour pour sa patrie, pour l'humanité.

Il peut également célébrer, avec ses mêmes outils, lesautres sentiments comme la jalousie, la tristesse, la mélancolie comme dans le sonnet de Nerval « El Desdichado »,qui signifie le déshérité.

Tout au long des siècles, les poètes ont donc célébré différents sentiments, mais égalementdifférentes situations ; comme dans les textes du corpus, où est célébré le rêve de la femme aimée.

Déjà au XVIèmesiècle, Du Bellay célébrait la gloire du poète dans Les Antiquités de Rome, « …que je n'ay celle amphionienne/ Pour animer d'un accord plus heureux/ De ces vieux murs les ossements pierreux/ Et restaurer la gloire ausonienne.

» Si le poète peut louer différentes situations, il n'est donc pas seulement voué non plus à célébrer : ilspeuvent également chanter, rendre hommage, critiquer, dénoncer… La poésie n'est pas seulement ainsi unecélébration, mais un art que l'auteur utilise pour défendre ses idées.

En effet, depuis l'antiquité, le poète a toujoursmis son art au service des Hommes pour les faire réfléchir, progresser.

Par exemple, c'est le cas d'Ovide qui, àtravers le récit de ces mythes moralistes, dans les Métamorphoses , chercher à indiquer implicitement au lecteur les comportements à suivre ou à ne pas suivre.

On retrouve cette vocation d'instruire également dans Les Fables de LaFontaine, où chaque récit débute ou se termine par une moralité.

Au XXème siècle, on retrouve cet engagementdu poète, qui par vocation, met son art au service de la nation : en effet lors de la seconde guerre mondiale, lespoètes tels que Desnos, Eluard, ou encore Aragon ont appeler les français à la résistance.

Cette période a donnénaissance à une production de textes poétiques engagés.

La vocation du poète est donc assez complexe etmultiple : elle est liée à sa maturité, au contexte dans lequel vit l'auteur, à ses envies, à son inspiration. De plus si le poète est un personnage complexe qui dispose de qualités particulières, il peut ainsi proposer aulecteur la vision d'un monde, sa vision personnelle du monde qui l'entoure.

En effet l'auteur de poésie en s'appuyantsur les sensations propose au lecteur un regard nouveau sur le monde qui l'entoure : comme le fait Baudelaire dans« Parfum exotique ».

C'est aussi ce que cherche Rimbaud, lorsqu'il écrit « Alchimie du verbe » : il veut ainsi créer unmonde qui n'existait pas, où les voyelles prendraient de nouvelles couleurs, ses couleurs « J'inventai la couleur desvoyelles….

Je me flattai d'inventai un verbe poétique accessible, un jour ou l'autre, à tous les sens .» Mais cette tradition de dépeindre le monde qui les entoure n'est pas propre à Rimbaud : il s'agit également d'une traditionlittéraire et plus particulièrement poétique, comme on peut le voir dans le poème épique d'Agrippa d'Aubigné, issudes Tragiques, « je veux peindre la France (en) une mère affligée… », où celui-ci dénonce la situation de notre pays, déchiré à ce moment là par les guerres de religion entre catholiques et protestants.

Le poète a donc aussipour vocation de peindre le monde tel qu'il le voit afin de montrer au lecteur une autre vision du monde, une vision. »