La folie maîtrisée par la raison de M. FOUCAULT
Publié le 06/01/2020
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Foucault enquête sur le statut de la folie et sur l'internement des fous à l'âge classique. Il fait apparaître un paradoxe : la déraison elle-même a un contenu rationnel, que la raison s'efforce de marginaliser, craignant d'avoir à assumer cette ressemblance qui la dérange.
Dans un même mouvement qui caractérise la perception de la folie à l’âge classique, la raison reconnaît immédiatement la négativité du fou dans le déraisonnable, mais se reconnaît elle-même dans le contenu rationnel de toute folie. Elle se reconnaît comme contenu, comme nature, comme discours, comme raison finalement de la folie, tout en mesurant l’infranchissable distance de la raison à la raison du fou. En ce sens, le fou peut être investi entièrement par la raison, maîtrisé par elle puisque c’est elle qui secrètement l’habite ; mais elle le maintient toujours hors d’elle ; si elle a prise sur lui, c’est de l’extérieur, comme un objet. Ce statut d’objet, qui fondera plus tard la science positive de la folie, il est inscrit dès cette structure perceptive que nous analysons pour l’instant : reconnaissance de la rationalité du contenu, dans le mouvement même par lequel se dénonce ce qu’il y a de déraisonnable dans sa manifestation.
C’est bien cela le premier et le plus apparent des paradoxes de la déraison : une immédiate opposition à la raison qui ne saurait avoir pour contenu que la raison elle-même.
M. Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique, © Éd. Gallimard, 1972, p. 203.
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POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE
Foucault expose ici un paradoxe de la déraison.
La raison
prétend exclure la déraison, mais, pour ce taire, elle la
détermine de l'intérieur, elle l'investit.
D'une part, la folie
est rejetée en deçà des normes de la pensée ration
nelle.
C'est ce que Foucault nomme ici la négativité du
fou, caractérisée par le déraisonnable, c'est-à-dire par
l'écart par rapport à la norme sociale : « Nous appelons
folie, écrit Voltaire, cette maladie des organes du cerveau
qui empêche un homme nécessairement de penser et
d'agir comme les autres » (cité p.
199).
Mais la folie n'en
reste pas moins investie par la raison.
Car c'est la raison
qui détermine la folie: c'est elle qui fixe le bon et le mau
vais usage de la raison:« Le fou s'écarte de la raison, mais
en mettant en jeu des images, des croyances, des raison
nements que l'on retrouve tels quels chez l'homme de rai
son.
Le fou ne peut donc pas être fou pour lui-même.
mais
seulement aux yeux d'un tiers qui seul peut distinguer la
raison elle-même de l'exercice de la raison »(p.
202).
La raison prétend réduire la folie à un corps étranger.
Mais elle ne peut l'expulser qu'en l'expliquant selon ses
critères propres.
Tout se passe comme si la raison, décou
vrant une ressemblance avec son négatif, voulait à tout prix
refouler, voire exorciser, l'image de cet alter ego.
Au
contraire, la véritable dignité de la raison consisterait à ne
jamais traiter autrui, quel que soit son état de déficience ou
de faiblesse, comme un simple objet utilisable, rentable,
jetable, ou encore comme un sujet d'expérimentation.
Rien ne peut autoriser l'affirmation suivant laquelle la vie
d'un fou est« indigne d'être vécue ».La raison a beau être
l'instrument qui nous permet de définir l'homme comme
animal capable de raison, elle n'a pas pour autant le mono
pole de l'humanité..
»
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