La foi religieuse exclut-elle tout recours à la raison ?
Publié le 09/04/2005
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La foi objective, c'est comme si le christianisme était annoncé comme un petit système, pas si bon naturellement que celui de Hegel, c'est comme si le Christ [...] avait été professeur et que les Apôtres aient constitué une petite société savante. « C'est sur le terrain de la raison que la raison a raison et, s'il n'y a rien en dehors d'elle, elle est réponse à tout (« Tout le réel est rationnel et tout le rationnel est réel «). A tel point qu'elle ne pourrait tenter de se nier qu'en s'affirmant. Mais peut-elle rendre raison d'elle-même ? Le croire serait s'engager dans un processus de régression à l'infini, dont on ne peut sortir que par un saut hors de la raison... un acte de foi dans la raison... tout à fait irrationnel. Il n'y a pas de raison de la raison. Et si la raison trouve sa limite dans une réflexion sur son fondement, elle en rencontre une autre en se heurtant à l'existence.
Kierkegaard (philosophe danois) pense que c’est la foi, plus que la raison, qui est essentielle. Pascal lui ne voyait d’entrée en religion que par une humiliation de la raison : « c’est le cœur qui sent Dieu et non la raison «. On connaît aussi la formule de Kant dans la Critique de la raison pure : « j’ai du abolir le savoir pour lui substituer la croyance «. Mais faut-il nécessairement paralyser la raison pour justifier la démarche de la foi religieuse ? Nier la raison, c’est justifier aussi le fanatisme, ce qui est socialement impossible. Il n’est pas nécessaire de concevoir une opposition aussi radicale entre raison et religion. Personne ne peut accepter de remettre son esprit à l’arbitraire. Il faut bien que l’intelligence ait part à l’acte de la foi et que la religion garde un sens aux yeux de la raison. De ce point de vue, la foi religieuse exclut-elle tout recours à la raison ?
«
« Si de cela seul que je puis tirer de ma pensée l'idée de quelque chose, ils'ensuit que tout ce que je reconnais clairement et distinctement appartenir àcette chose, lui appartient en effet, ne puis-je pas tirer de ceci un argumentet une preuve démonstrative de l'existence de Dieu ? Il est certain que je ne trouve pas moins en moi son idée, cad l'idée d'un être souverainement parfait,que celle de quelque figure ou de quelque nombre que ce soit.
Et je neconnais pas moins clairement et distinctement qu'une actuelle et éternelleexistence appartient à sa nature, que je connais que tout ce que je puisdémontrer de quelque figure ou de quelque nombre, appartient véritablementà la nature de cette figure ou de ce nombre.
Et partant, encore que tout ceque j'ai conclu dans les Méditations précédentes ne se trouvât pointvéritable, l'existence de Dieu doit passer en mon esprit au moins pour aussi certaine, que j'ai estimé jusques ici toutes les vérités des mathématiques, quine regardent que les nombres et les figures : bien qu'à la vérités cela neparaisse pas d'abord entièrement manifeste, mais semble avoir quelqueapparence de sophisme.
Car ayant accoutumé dans toutes les autres chosesde faire distinction entre l'existence et l'essence, je me persuade aisémentque l'existence peut être séparée de l'essence de Dieu , et qu'ainsi on peut concevoir Dieu comme n'étant pas actuellement.
Mais néanmoins, lorsque j'y pense avec plus d'attention, je trouve manifestement que l'existence ne peutnon plus être séparée de l'essence de Dieu , que de l'essence d'un triangle rectiligne la grandeur de ses trois angles égaux à deux droits, ou bien de l'idée d'une montagne l'idée d'une vallée ; en sorte qu'il n'y a pas moins de répugnance de concevoir un Dieu (cad un être souverainement parfait) auquel manque l'existence (cad auquel manque quelque perfection), que de concevoir unemontagne qui n'ait point de vallée.
[...]
De cela seul que je ne puis concevoir Dieu sans existence, il s'ensuit que l'existence est inséparable de lui, et partant qu'il existe véritablement : non pas que ma pensée puisse faire que cela soit de la sorte, et qu'elle impose aux choses aucune nécessité ; mais, au contraire, parce que lanécessité de la chose même, à savoir de l'existence de Dieu , détermine ma pensée à le concevoir de cette façon.
Car il n'est pas en ma liberté de concevoir un Dieu sans existence (cad un être souverainement parfait sans une souveraine perfection), comme il m'est libre d'imaginer un cheval sans ailes ou avec des ailes.
»
Descartes , « Méditations métaphysiques ».
Descartes avait tout d'abord, dans son « Discours de la méthode », montré que les idées que nous concevons clairement et distinctement, qui s'imposent donc à nous avec évidence, sont innées (antérieures à notrepropre naissance) et vraies (auxquelles par conséquent nous pouvons nous fier).
Par la suite, dans les« Méditations métaphysiques », l'auteur avait avancé un argument a posteriori de l'existence de Dieu : j'ai en moi l'idée (claire et distincte) de parfait ; moi qui suis un être imparfait, je ne peux l'avoir posée en moi-même ; seul unêtre parfait peut donc être la cause de la présence en moi de cette idée de parfait (« Méditation troisième »).
Dans le présent texte (« Méditation cinquième ») , Descartes double cet argument a posteriori d'un argument ontologique, purement conceptuel.
Parmi les idées innées, se trouvent les nombres et figuresmathématiques, mais aussi l'idée de Dieu , que l'auteur définit comme « un être souverainement parfait et infini ».
A partir de cette définition, Descartes développe sa version de l'argument ontologique : il déduit l'existence de Dieu de son essence même.
En effet, Dieu est par définition doté de toutes les perfections ; or l'existence est une perfection : l'existence en tant que perfection fait partie de sa définition.
Dieu ne peut donc pas ne pas exister. La distinction entre essence et existence ne convient pas au sujet de Dieu .
Descartes associe ces deux arguments, l'un qui remonte de l'effet à la cause, l'autre qui déduit l'existence de l'essence, pour démontrer l'existence de Dieu , « être parfait ».
Pour Descartes , la première vérité est l'existence de ma conscience.
C'est donc à l'intérieur même de la pensée qu'il faut rechercher l'effet qui postule Dieu comme cause.
La première preuve avancée par Descartes est la suivante : Dieu possède toutes les perfections, or l'existence est une perfection, car un être sans existence est nécessairement imparfait.
Donc nous devons aussi compter parmi les perfections de Dieu donc il faut que Dieu existe (« Discours de la méthode », IV et « Méditations métaphysiques », III).
Sans doute tous les philosophes n'ont-ils pas eu cette attitude, mais ces trois cas suffisent à indiquer qu'on a puconcevoir une complémentarité entre raison et croyance.
L'une n'excluant pas forcément l'autre et vice versa.
De telles tentatives ont été fortement critiquées.
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