La distension de l'âme et la mesure du temps chez SAINT AUGUSTIN
Publié le 09/01/2020
Extrait du document
La tension spirituelle qui se produit lors du triple effort d'attention, de mémorisation et d'anticipation apparaît comme la mesure originaire du temps, fondement de toute mesure objective.
C’est en toi, mon esprit, que je mesure le temps. Ne me fais pas d’objection : c’est un fait. Ne m’objecte pas le flot désordonné de tes impressions. C’est en toi, dis-je, que je mesure le temps. L’impression que produisent en toi les choses qui passent persiste quand elles ont passé : c’est elle que je mesure, elle qui est présente, et non les choses qui l’ont produite et qui ont passé. C’est elle que je mesure quand je mesure le temps. Donc ou bien le temps est cela même, ou bien je ne mesure pas le temps.
[...] Sans le secours de la voix ni des lèvres, nous nous débitons en pensée des poèmes, des vers, des discours, et nous évaluons l’étendue de leur déroulement, de leur durée, les uns par rapport aux autres, exactement comme si nous les récitions à haute voix. Si quelqu’un veut prononcer un son prolongé et en déterminer à l’avance, dans son esprit, la longueur, il prend en silence la mesure de cette durée, et la confiant à sa mémoire, il commence à proférer ce son qui retentit jusqu’à ce qu’il atteigne le terme fixé. Que dis-je, il retentit ? Il a retenti et il retentira : car ce qui de ce son s’est écoulé a retenti ; ce qui reste retentira, de la sorte il s’accomplit, l’attention présente faisant passer l’avenir dans le passé, et le passé s’enrichissant de ce que perd l’avenir, jusqu’à ce que par l’épuisement de l’avenir, tout ne soit plus que passé.
Saint Augustin, Confessions, Livre XI, Chap. XXVII, pp. 277-278.
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On remarquera que la distension de l'âme conjugue à la
fois une passivité et une activité psychiques.
L'impres
sion laissée par les choses passées suppose une passivité
de l'âme, qui se laisse graver comme une cire vierge.
Cependant, en se laissant impressionner, l'âme n'en est
pas moins active puisqu'elle se tend.
Il convient donc de
penser comme un seul et même phénomène la passivité
de l'impression et l'acte de la tension.
On notera également un autre trait frappant de l'analyse
augustinienne : si le temps qui passe est antérieur aux
traces qu'il laisse dans l'esprit, ce sont pourtant ces traces
qui permettent après-coup de conférer une unité origi
naire aux trois moments du temps en les unifiant dans la
durée..
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