Devoir de Philosophie

La diffusion croissante des résultats scientifiques et techniques a-t-elle permis aux êtres humains

Publié le 12/02/2005

Extrait du document

Plutôt que de progrès, il faudrait alors parler d'après lui de décadence. -          Dans la note IX du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Rousseau écrit : « ce n'est pas sans peine que nous sommes parvenus à nous rendre si malheureux. Quand d'un côté l'on considère les immenses travaux des hommes, tant de sciences approfondies, tant d'arts inventés, tant de forces employées (...) et que de l'autre on recherche avec un peu de méditation les vrais avantages qui ont résulté de tout cela pour le bonheur de l'espèce humaine, on ne peut qu'être frappé de l'étonnante disproportion qui règne entre ces choses, et déplorer l'aveuglement de l'homme qui, pour nourrir son fol orgueil et je ne sais quelle vaine admiration de lui-même, le fait courir après toutes les misères dont il est susceptible et que la bienfaisante nature avait pris soin d'écarter de lui. » -          Effectivement, à l'état de nature, l'homme connaît d'après Rousseau la liberté, le bonheur et la justice. La liberté et le bonheur à l'état de nature ne font qu'un, car l'homme écoute alors les impulsions de son coeur et c'est en toute bonne volonté qu'il suit ses conseils. Il est forcément juste, car dans son coeur parle sa conscience, cet « instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rend l'homme semblable à Dieu » ainsi qu'il l'écrit dans le livre IV de l'Emile. -          Par contre, les sciences et les techniques font apparaître de nouveaux besoins. L'homme ne se contente plus des désirs naturels, car les sciences et les techniques repoussent ses besoins au-delà de ses capacités naturelles. Ainsi, alors qu'à l'état de nature il pouvait facilement satisfaire ses désirs (ceux-ci n'étant constitués que de « la nourriture, une femelle et le repos » comme il l'écrit dans la première partie du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes), par l'effet du progrès, ses désirs se complexifient, et ils deviennent de plus en plus difficiles à assouvir.

« La nature ne se contemple plus, elle se domine.

Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ». Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, celle de la technique.

Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'est qu'elle peut s'appliquer dans une technique.

La technique n'est plus un art, unsavoir-faire, une routine, elle devient une science appliquée. D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nos artisans ».

Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».

Il n'est pas indifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.

On connaît comme on agit ou on transforme, et dans un même but.

La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert àl'action de l'homme, dans son propre intérêt.

Connaître et fabriquer vont de pair. D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit la nature.

La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement, artificiellement la nature. Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement une nature désenchantée est encore le nôtre. Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur de la nature ».

« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.

Cependant, l'homme est ici décrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui luiappartient (« possesseur »), et qui peut en faire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »). Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiter l'action de l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.

C'est ce qu'a fait la métaphysique cartésienne, en établissant une différence radicale de natureentre corps & esprit.

Ce qui relève du corps n'est qu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.

De même en assimilant les animaux à desmachines, Descartes vide la notion de vie de tout contenu.

Précisons enfin que l'époque de Descartes est celle où Harvey découvre la circulation sanguine, où le corps commence à être désacralisé, et les tabous touchant la dissection, à tomber. Car ce qu'il y a de tout à fait remarquable dans le texte, c'est que le projet de domination technicienne de la nature ne concerne pas que la nature extérieure et l'exploitation des ressources naturelles.

La « philosophie pratique » est utile « principalement aussi pour la conservation de la santé ».

Le corps humain lui aussi, dans ce qu'il a de naturel, est objet de science, et même objet principal de la science.

« S'il est possible de trouver quelque moyen qui rende les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, je crois que c'est dans la médecine qu'on doit lechercher. »La véritable libération des hommes ne viendrait pas selon Descartes de la politique, mais de la technique et de la médecine.

Nous deviendrons « plus sages & plus habiles », nous vivrons mieux, en nous rendant « comme maîtres & possesseurs de la nature ».

La science n'a pas d'autre but. - Ainsi l'être humain ne serait plus esclave d'un monde qui le broierait, mais il deviendrait capable de se libérer des fatalités que lui impose la nature.

Les sciences engendreraient denouvelles techniques qui permettraient aux hommes de mieux vivre : elles conduiraient àl'adoucissement du travail, accroîtraient les richesses, rendraient les échanges plus rapides et plussûrs... - Plus que le reste, les sciences et les techniques viseraient la « conservation et la santé », objectif qui a été pour Descartes « de tout temps le principal but de mes études » (Lettre aumarquis de Newcastle) ainsi qu'il l'a écrit.

C'est donc la médecine qui viendrait couronner cettediffusion des sciences et des techniques.

D'ailleurs, qui pourrait nier sans honte que nous devonsbeaucoup à la médecine, elle grâce à qui nous sommes dispensés de mourir dans d'atrocessouffrances d'une crise d'appendicite ? - Au regard des aspirations formulées par Descartes, nous pourrions considérer que la diffusion des sciences et des techniques permet aux êtres humains de mieux vivre.

En effet, l'espérance devie augmente et le confort de cette vie également. La rupture avec l'état de nature compromet l'harmonie de l'homme et de la nature.

2. - En souhaitant rendre les hommes « comme maîtres et possesseurs de la nature », Descartes rompt avec une longue tradition philosophique, notamment la philosophie stoïcienne, selon laquellel'être humain ne doit pas espérer changer le monde, mais doit apprendre à vivre en harmonie avecla nature. - Rousseau, dans cette perspective, se fera l'un des principaux adversaires du mythe du progrès.

Selon lui, en développant les sciences et les techniques, l'être humain est sorti de laplace que la nature lui avait attribuée et il a rompu l'ordre naturel.

Plutôt que de progrès, ilfaudrait alors parler d'après lui de décadence. - Dans la note IX du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Rousseau écrit : « ce n'est pas sans peine que nous sommes parvenus à nous rendre si malheureux.

Quand d'un côté l'on considère les immenses travaux des hommes, tant de sciencesapprofondies, tant d'arts inventés, tant de forces employées (...) et que de l'autre on rechercheavec un peu de méditation les vrais avantages qui ont résulté de tout cela pour le bonheur del'espèce humaine, on ne peut qu'être frappé de l'étonnante disproportion qui règne entre ceschoses, et déplorer l'aveuglement de l'homme qui, pour nourrir son fol orgueil et je ne sais quellevaine admiration de lui-même, le fait courir après toutes les misères dont il est susceptible et quela bienfaisante nature avait pris soin d'écarter de lui.

» - Effectivement, à l'état de nature, l'homme connaît d'après Rousseau la liberté, le bonheur et la justice.

La liberté et le bonheur à l'état de nature ne font qu'un, car l'homme écoute alors lesimpulsions de son coeur et c'est en toute bonne volonté qu'il suit ses conseils.

Il est forcémentjuste, car dans son coeur parle sa conscience, cet « instinct divin, immortelle et céleste voix ;. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles