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La dialectique pascalienne : l’Entretien avec Monsieur de Sacy sur Épictète et Montaigne de Blaise PASCAL

Publié le 16/01/2020

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montaigne

Le texte de cet entretien (qui dut avoir lieu en 1655) a été mis au net par Fontaine, le secrétaire de M. de Sacy. Pour ce faire, ce dernier utilisa sans doute les notes, soit préparées par les deux interlocuteurs avant leur rencontre, soit prises au cours des différentes discussions qu’ils eurent ensemble sur le sujet.

H illustre parfaitement la « dialectique » pascalienne qui n’est que la conquête du « point haut » par quoi, dépassant les termes en présence et apparemment contradictoires, on découvre ce qui fait leur vérité et leur fausseté. Car, les Pensées le disent fort bien, « tous errent d’autant plus dangereusement, qu’ils suivent chacun une vérité; leur faute n’est pas de suivre une fausseté mais de ne pas suivre une autre vérité » (Lafuma 443). Ainsi l’exclusion seule est cause de l’hérésie (Lafuma 733) qui par abus « cartésien » d’une logique linéaire croit pouvoir faire fond sur tous les principes alors qu’elle n’en possède que quelques-uns, tous vrais pris séparément mais dont « les conclusions sont fausses, parce que les principes opposés sont vrais aussi » (Lafuma 619). C’est pourquoi « quand on veut reprendre avec utilité et montrer à un autre qu’il se trompe, il faut observer par quel côté il envisage la chose, car elle est vraie ordinairement de ce côté-là, et lui avouer cette vérité, mais lui découvrir le côté par où elle est fausse » (Lafuma 701). On comprend dès lors que le moi soit d’autant plus haïssable qu’il se veut faire « centre de tout » (Lafuma 597).

Ainsi, il nous paraît que le mouvement , que désignerait là le terme de dialectique mérite d’être analysé à la lumière du modèle projectif. Certes la dialectique y unit les contraires dans leur dépassement, mais ce dernier doit s’entendre comme restitution d’un site perspectif, détermination du point haut : là où il convient de se porter pour bien envisager les choses et sous leur vrai jour. L’entretien en donne un excellent exemple. Pour autant que Montaigne et Epictète dissertent d’un même objet, leur point de vue respectif pourra être en même temps compris et dépassé, c’est-à-dire saisi dans son essentielle relativité, son insuffisance, son unilatéralité, par celui qui aura pu assigner le véritable site. Car, comme le texte le rappelle fort bien : « ils ne peuvent subsister seuls à cause de leurs défauts, ni s’unir à cause de leur opposition, et ainsi ils se brisent et s’anéantissent pour faire place à la vérité de l’Évan-

montaigne

« gile.

C'est elle qui accorde les contrariétés par un art tout divin, et unissant tout ce qui est vrai et chassant tout ce qui est faux, elle en fait une sagesse véritablement céleste où s'accordent ces oppbsés qui étaient incompatibles dans les doctrines humai­ nes ».

Et de même en va-t-il ailleurs entre les Pélagiens et les Luthériens, les Jésuites et les Jansénistes, les Pyrrhoniens et les Dogmatiques ...

Si l'on veut accéder à la vérité, il faut, là comme ailleurs, se hausser jusqu'au point haut, ainsi qu'y invite la géométrie du cône, modèle admirable de ce que Pierre Magnard (1) appelle fort justement « une machine à vaincre la diversité des opinions ".

Dans ce texte, parfait exemple de la dialectique pascalienne, prend forme aussi le projet d'une apologie de la religion chrétienne dont les Pensées seront les notes préparatoires, projet non d'un théologien parlant à des théologiens, mais d'un laïc s'adressant, à des laïcs formés à la culture profane dont Montaigne et Epictète deviennent ici la parfaite illustration; Montaigne qui a bien vu ce qu'est l'homme en sa faiblesse, Épictète qui a parfaitement distingué ce qu'il doit être tout en ignorant « orgueilleusement " qu'il est, par ses seules forces, incapable de le devenir.

C'est pourquoi l'expérience de Pascal qui conduit du profane au sacré, de la philosophie à la théologie, lui permet de servir le Christianisme de façon originale et dans un milieu que ne pouvaient atteindre ni le langage, ni la manière des théologiens de Port-Royal, parlant en croyants et déjà remplis des " vérités » de la foi.

On trouvera ci-dessous le texte tel qu'il fut publié pour la première fois par le Père Desmolets en 1728, dans sa Continua­ tion des Mémoires de Littérature et d'Histoire (tome V), que nous nous permettons de préférer à quelques autres versions de la restitution de cet entretien.

1.

Pierre Magnard : Nature et Histoire dans l'Apologétique de Pascal, page 221.

43. »

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