La découverte de l'inconscient rend-elle vaine toute prétention de l'homme à se reconnaître ?
Publié le 07/03/2005
Extrait du document
La découverte de l’inconscient fait exploser l’unité du moi : une partie de celui-ci nous échappe. Reste cependant la partie consciente du moi sur laquelle nous avons toujours une prise, d’où notre première question :
I – La conscience peut-elle prendre l’inconscient pour objet ?
En admettant que cela soit possible, cette reconnaissance qui tenterait d’envisager en nous aussi bien la dimension consciente que la dimension inconsciente n’est-elle pas directement biaisée par le fait que l’opération de reconnaissance puisse être dirigée par l’inconscient lui-même ? Par exemple, est-il possible de reconnaître ses défauts si le défaut lui-même empêche sa propre reconnaissance ? Nous proposons de synthétiser ces problèmes en une unique question :
II – Qui reconnaît ?
«
Reconnaître son « moi », en un sens, le reconstituer, commence donc par une reconnaissance de l'inconscient lui-même.
Comment cela est-il possible ? En reconnaissant comme inconscient tout ce qui n'est pas conscient.
Puisquenous sommes obligés de prendre pour point de départ de la reconnaissance la conscience elle-même, ce n'est quenégativement que notre part d'inconscient peut-être reconnue.
II – Qui reconnaît ?
Il demeure pourtant un présupposé : nous avons dit que le point de départ de la reconnaissance était la conscienceelle-même.
Mais comment être certain que l'inconscient n'agit pas déjà sur la conscience, autrement dit, que cen'est pas l'inconscient qui reconnaît ?
Référence : Freud, Essais de psychanalyse appliquée
« La psychanalyse entreprend d'élucider ces cas morbides inquiétants, elleorganise de longues et minutieuses recherches, elle se forge des notions desecours et des constructions scientifiques, et, finalement, peut dire au moi :
« Il n'y a rien d'étranger qui se soit introduit en toi, c'est une part de tapropre vie psychique qui s'est soustraite à ta connaissance et à la maîtrise deton vouloir.
C'est d'ailleurs pourquoi tu es si faible dans ta défense; tu luttesavec une partie de ta force contre l'autre partie, tu ne peux pas rassemblertoute ta force ainsi que tu le ferais contre un ennemi extérieur.
(...) La faute,je dois le dire, en revient à toi.
Tu as trop présumé de ta force lorsque tu ascru pouvoir disposer à ton gré de tes instincts sexuels et n'être pas obligé detenir compte le moins du monde de leurs aspirations.
Ils se sont alors révoltéset ont suivi leurs propres voies obscures afin de se soustraire à la répression,ils ont conquis leur droit d'une manière qui ne pouvait plus te convenir.(...) Lepsychique ne coïncide pas en toi avec le conscient : qu'une chose se passedans ton âme ou que tu en sois de plus averti, voilà qui n'est pas la mêmechose(...).»C'est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi.
Mais lesdeux clartés qu'elle nous apporte : savoir, que la vie instinctive de lasexualité ne saurait être complètement domptée en nous et que les processus psychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles et subordonnés au moi que par uneperception incomplète et incertaine, équivalent à affirmer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison.
»
Freud tranche radicalement la question : « le moi n'est pas maître dans sa propre maison.
» conclut-il.
Si donc lapsychanalyse ouvre les portes de l'inconscient, celui-ci pourtant reste le maître en sa demeure.
Le moi reste doncdéfinitivement éclaté, contraint de partager son espace conscient avec l'inconscient.
Se reconnaître, ce n'est donc pas éliminer en soi toute part d'inconscient, mais d'abord admettre que celui-ci doitdemeurer et dominer.
La prétention à se reconnaître n'est pas vaine, pour autant qu'on ne confonde pas lareconnaissance avec la connaissance.
Se connaître entièrement reviendrait en effet à être intégralement conscientde soi ce qui, dans une perspective freudienne, est absurde.
Transition :
L'analyse freudienne retrouve finalement l'unité du moi : la reconnaissance est réconciliation de la conscience avecl'inconscient.
Cette unité mérite d'être à nouveau interrogée : en effet, elle ne rend compte que de la consciencede soi.
La réconciliation n'est possible qu'à condition d'une plongée en soi-même (cf.
le premier texte).
Mais laconscience n'est pas que conscience du sujet enfermé en lui-même, elle est également et avant tout conscience dumonde.
A quoi bon alors se reconnaître si je ne me reconnais pas comme dans le monde mais seulement en moi-même ?
III – Heidegger et la reconnaissance de soi comme être-au-monde..
»
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