La culture est-elle nécessairement un facteur de progrès ?
Publié le 26/09/2005
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Les sens de la culture sont extrêmement variés.
- Les termes latins cultura ou cultus évoquent des pratiques liées à la nature physique, et renvoient au travail de la terre, à l'agriculture, au fait de cultiver.
- Mais la culture c'est aussi se cultiver, et la culture désigne alors une activité humaine qui semble bien différente de l'agriculture – bien qu'il s'agisse ici et là de développer des potentialités.
- La culture c'est aussi plus généralement l'ensemble des activités culturelles humaines ; on pense à l'art immédiatement, mais la culture c'est aussi le langage, les valeurs, les institutions.
- Dans son sens le plus large, la culture caractérise ce qui nous distingue du reste de la nature, et nous oppose à elle.
Le terme « culture « peut ainsi regrouper l'ensemble des productions d'une société.
(parfois aussi le mot semble se vider de sa substance ; on le retrouve partout : on parle de « culture d'entreprise «, de « culture jeune «, de « culture populaire «, du « respect des cultures «, etc. Il y a également un ministère de la « culture «)
Présente tout autour de nous, la « culture « semble concerner toutes les activités de l'homme en société. A ce titre elle parait incontournable. Que représente cependant cette omniprésence de la culture ? Est-elle corrélative d'une progression de la société ? Le fait de se cultiver a une connotation incontestablement positive ; à l'image de la culture d'une plante, quelque chose est développé, il y a une progression par rapport à un état initial. Est-ce nécessairement le cas pour toutes les sortes de cultures ? Toute la culture, toutes les cultures, marquent-elles d'une manière ou d'une autre un progrès ?
Il faut évidemment se demander également à quel niveau le progrès se situerait-il. Qu'est-ce qui progresse avec la culture ? Concernant un individu qui se cultive, son savoir, ses connaissances progressent. Mais pourrait-on dire qu'il s'agit nécessairement d'un progrès moral, par exemple ? On a précisé que la culture pouvait caractériser ce qui distingue l'homme de la nature. Les menaces écologiques qui pèsent aujourd'hui sur la nature ne sont-elles pas justement le fait de la culture ? Derrière tous les progrès du monde culturel, par opposition au monde naturel, n'y a-t-il pas des conséquences qui peuvent nous conduire à refuser l'idée selon laquelle toute culture est une marque de progrès ?
En définitive, il s'agit de s'interroger à propos du potentiel progrès qu'entraîne la culture. Il faut prendre soin d'élargir le sens de la culture, mais aussi de varier les points de vue à partir desquels on peut parler ou non de progrès.
En première partie, on montrera que la culture est semble-t-il un progrès par rapport à l'absence de culture (l'état de nature). Si la culture est effectivement le signe de la perfectibilité de l'homme, on se demandera si toutefois cette perfectibilité ne se retourne pas au final contre la nature humaine, voire la nature en général.
Enfin, en troisième partie, on rappellera quelles ont les exigences liées à l'idée de culture.
«
PREMIÈRE PARTIE : Nature et culture.
Dans cette première partie, on interrogera la culture au sens le plus général, dans son opposition avec la nature.
L'homme n'appartient plus au seul règne de la nature.
Le langage, la règle, la société : autant de critère quidistingue la culture de la nature.
Cette culture est-elle un progrès ?
- Les progrès apportés par la culture :
Le monde de la culture, par rapport au règne de la nature, c'est aussi la possibilité de décider quelles seront lesrègles qui organiseront la vie en société.
Sortir de l'état de nature, c'est entrer dans le règne de la culture, c'est d'abord la possibilité de constituer unesociété.
La culture apporte premièrement un progrès des conditions de vie par rapport à l'état de nature.
Hegel, Propédeutique philosophique , Ed.
de minuit, 1963, p.
55.
« L'état de nature est l'état de rudesse, de violence et d'injustice.
Il faut que les hommes sortent de cet état pour constituer une société qui soit État, car c'est là seulement que la relation de droit possède une effectiveréalité.
»
- L'homme est perfectible :
En cherchant le critère qui distingue l'homme de l'animal, Rousseau en vient à décrire des qualités proprementhumaines.
Si la liberté semble le critère distinctif le plus général, il en existe un autre : l'homme est perfectible.L'homme progresse, tandis que l'animal reste limité par ce que lui imposent ses instincts.
On peut étendre cette distinction à l'opposition entre la nature et la culture : la nature ne reste-t-elle pasnécessairement identique à elle-même, soumise aux même lois naturelles, tandis que l'homme et la culture peuventse perfectionner ?
La culture n'est-elle pas, alors, une marque nécessaire de progrès ?
La conclusion de Rousseau est plus nuancée.
Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes , GF
« Il y a une qualité très spécifique qui distingue l'homme et l'animal , et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation, c'est la faculté de se perfectionner ; faculté qui, à l'aide des circonstances, développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous tant dans l'espèce que dans l'individu, au lieu qu'un animalest, au bout de quelques mois, ce qu'il sera toute sa vie, et son espèce, au bout de mille ans, ce qu'elle était lapremière année de ces mille ans.
Pourquoi l'homme seul est-il sujet à devenir imbécile ? N'est-ce point qu'il retourneainsi dans son état primitif, et que, tandis que la bête, qui n'a rien acquis et qui n'a rien non plus à perdre, restetoujours avec son instinct, l'homme reperdant par la vieillesse ou d'autres accidents tout ce que sa perfectibilité lui avait fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la bêtise même ? Il serait triste pour nous d'être forcés de convenir,que cette faculté distinctive, et presque illimitée, est source de tous les malheurs de l'homme ; c'est elle qui le tire, à force de temps, de cette condition originaire, dans laquelle il coulerait des jours tranquilles et innocents ; quec'est elle, qui faisant éclore avec les siècles ses lumières et ses erreurs, son vice et ses vertus, le rend à la longue le tyran de lui-même et de la nature .
»
TRANSITION : La conclusion de Rousseau est déroutante : la perfectibilité est aussi un critère de possible régression.
En quoi est-elle la « source de tous les malheurs de l'homme » ? En quoi l'homme devient-il « le tyran delui-même et de la nature » ? On a vu que la culture marque initialement un progrès des conditions de vie.
Le continuel progrès de la culture est-il parallèlement un progrès des conditions de vie ? La conclusion de Rousseaunous conduit d'abord à nous demander si la culture, aussi perfectible soit-elle, ne conduit pas à une régression quiconsiste à se retourner contre la nature
DEUXIÈME PARTIE : La culture se retourne contre la nature.
- La nature humaine.
A en croire Rousseau, la culture a rendu la nature de l'homme méconnaissable.
Ce qu'est la nature de l'homme a,selon Rousseau, été recouvert par les « progrès » de la culture.
La culture a éloigné l'homme de ce qu'il estinitialement, et fondamentalement.
Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes , GF Flammarion, p.158..
»
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