La croyance religieuse est-elle une entrave à la liberté ?
Publié le 25/09/2005
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La religion, du latin religare, est de l'ordre de ce qui relie deux entités ontologiquement distinctes et inégales. Elle affirme par ce lien une dépendance entre d'une part une créature, imparfaite et contingente, et de l'autre un créateur, parfait et nécessaire. Quel est la nature même de ce lien? La causalité: Dieu est cause de ses créatures, tout en étant cause de lui-même. On saisit donc que la religion renvoie à cette cause de toute chose qui fut responsable de l'origine et souligne cet étroit rapport de dépendance. Mais dans un même geste, elle rappelle la fragilité du statut de la créature qui n'aurait pu exister sans ce geste divin, elle l'insère dans un rapport comparatif qui incite une certaine redevance et soumission à l'égard de cet être parfait à qui elle doit son existence et celle du monde. La religion thématise donc l'aspect incomplet du sensible immanent, la nécessité d'un renvoie vers la transcendance, vers autre chose que ce qui se passe ici bas. Le sensible est incomplet du point de vue de son être pour commencer (il est imparfait et a sa cause en autre chose que lui-même), mais aussi de son sens. En effet, le sens de ce qui se déroule ici bas à sa raison d'être dans un entendement supérieur plus ou moins perméable aux tentatives humaines qui essaient d'en percer le mystère. Il y a un grand plan cosmique résidant dans l'esprit omniscient et omnipotent de l'Être suprême. Et parce qu'il sait tout, on se demande quelle marge de manoeuvre nous est ainsi alouée: si Dieu sait c'est qu'il prévoit, c'est que nos actes sont écrit à l'avance par celui qui narre la grande histoire passée, présente et à venir de l'univers. Alors nous sommes tentés de nous livrer à ce que les théologiens appellent eux-mêmes l'argument paresseux: inutile de se presser à résoudre nos affaires, les choses se feront de toute façon comme Dieu le veut. De liberté, nous n'en avons aucune à partir du moment où nos gestes s'accomplissent selon la volonté d'un autre être: et la religion n'est qu'une célébration à cette aliénation originelle. Nous sommes dépendant du créateur du point de vue de l'origine, et ne faisons que marcher sur le chemin prétracé menant à la fin qu'il nous a prédestiné.
«
(« Dieu », « l'âme », « moi », « esprit », « libre arbitre » - ou même l'arbitre qui n ‘est « pas libre ») ; rien que deseffets imaginaires (« le péché », « le salut », « la grâce », « l'expiation », « le pardon des péchés »).
Une relationentre des êtres imaginaires (« Dieu », « esprits », « âmes ») ; une imaginaire science naturelle (anthropocentrique ;une absence totale de la notion de cause naturelle) ; une psychologie imaginaire (une complète incompréhension desoi-même, des interprétations de sentiments généraux agréables ou désagréables, tels que les états du grandsympathique , à l'aide du langage figuré des idiosyncrasies religieuses et morales –« le repentir », « la voix de laconscience », « la tentation du diable », « la présence de Dieu ») ; une téléologie imaginaire (« le royaume de Dieu», « le Jugement dernier », « la vie éternelle »).
–Ce pur monde de fiction se distingue très à son désavantage dumonde des rêves, puisque celui-ci reflète la réalité, tandis que l'autre ne fait que la fausser, la déprécier et la nier.Après que le concept « nature » fut inventé, en tant qu'opposition au concept « Dieu », « naturel » devintl'équivalent de « méprisable »- tout ce monde de fictions a sa racine dans la haine contre le naturel (-la réalité !-),elle est l'expression du profond déplaisir que cause la réalité...
Mais ceci explique tout.
Qui donc est seul à avoir desraisons pour sortir de la réalité par un mensonge ? Celui qu'elle fait souffrir.
Mais souffrir de la réalité, dans ce cas-là, signifie être soi-même une réalité manquée...
La prépondérance des sentiments de peine sur les sentiments deplaisir est la cause de cette religion, de cette morale fictives : un tel excès donne la formule pour la décadence...Nietzsche 2) Cependant, la croyance en Dieu, que nous désignons par le terme de foi est différente de la simple opinion dans la mesure où elle secomprend elle-même comme croyance non réductible à une connaissance rationnelle.
L'opinion, elle, prétend être connaissance fondéeen raison.
La foi a donc une dimension critique. Il y a d'ailleurs une différence entre croire et avoir une opinion : parfois, celui qui croit sent qu'il ignore ce qu'il croit,bien qu'il ne doute en rien de la chose qu'il sait ignorer, tant il y croit fermement ; celui qui, en revanche, a uneopinion, estime qu'il sait ce qu'il ne sait pas.
Saint-Augustin 3) Si cette position critique est assumée par le croyant, la foi peut dès lors sembler libératrice puisqu'elle permet à l'homme de penserce qu'il ne peut pas connaître, et qui relève du sens même de son existence.
Elle semble être d'ailleurs ce qui permet à l'homme de sepenser comme libre face au déterminisme que met en évidence la rationalité scientifique. Or, supposons maintenant que cette distinction nécessairement faite par notre Critique entre les choses commeobjets d'expérience et ces mêmes choses comme choses en soi ne fût pas du tout faite, alors, le principe decausalité, et, par conséquent, le mécanisme naturel dans la détermination des choses, devrait s'étendre absolumentà toutes les choses en général considérées comme causes efficientes.
Du même être, par conséquent, par exemplede l'âme humaine, je ne pourrais pas dire que sa volonté est libre et qu'elle est en même temps soumise à lanécessité physique, c'est-à-dire qu'elle n'est pas libre, sans tomber dans une contradiction manifeste, puisque, dansces deux propositions, j'ai pris l'âme dans le même sens, c'est-à-dire comme une chose en général (comme unechose en soi), et que, sans une critique préalable, je ne peux pas la prendre dans un autre sens.
Mais si la Critiquene s'est pas trompée en nous apprenant à prendre l'objet (Object) dans deux sens, c'est-à-dire comme phénomèneet comme chose en soi; si sa déduction des concepts de l'entendement est exacte, si, par conséquent aussi leprincipe de causalité ne s'applique qu'aux choses prises dans le premier sens, c'est-à-dire en tant qu'elles sont desobjets d'expérience, tandis que, dans le second sens, ces choses ne lui sont pas soumises; alors la même volontédans l'ordre des phénomènes (des actions visibles) peut être pensée comme nécessairement soumise aux lois de lanature, et, sous ce rapport, comme n'étant pas libre, - et pourtant, d'autre part, en tant qu'appartenant à unechose en soi, comme échappant à cette loi naturelle, et par conséquent comme libre, sans qu'il y ait icicontradiction.
Or, quoique je ne puisse connaître mon âme, envisagée sous ce dernier point de vue, par la raisonspéculative (encore moins par une observation empirique), ni, par conséquent, la liberté comme la propriété d'unêtre auquel j'attribue des effets dans le monde sensible, parce qu'il me faudrait connaître, d'une manière déterminée,un tel être dans son existence et non cependant dans le temps (ce qui est impossible, parce que je ne puis étayermon concept sur aucune intuition), je puis pourtant penser la liberté, c'est-à-dire que la représentation de cetteliberté ne renferme du moins en moi aucune contradiction, si l'on admet notre distinction critique des deux modes dereprésentation (mode sensible et mode intellectuel) et la limitation qui en découle relativement aux concepts purs del'entendement, par conséquent aussi relativement aux principes qui dérivent de ces concepts.
Or, supposé que lamorale implique nécessairement la liberté (au sens le plus strict), comme une propriété de notre volonté, puisqu'ellepose a priori comme des données de la raison des principes pratiques qui ont leur origine dans cette même raison etqui seraient absolument impossibles sans la supposition de la liberté; mais que la raison spéculative ait démontré quecette liberté ne se laisse nullement concevoir, il faut nécessairement que la première de ces suppositions - lasupposition morale - fasse place à celle dont le contraire renferme une contradiction manifeste; par conséquent, laliberté et, avec elle, la moralité (dont le contraire ne renferme aucune contradiction, quand on ne suppose pas aupréalable la liberté) doivent céder la place au mécanisme de la nature.
Mais, comme, au point de vue de la morale,j'ai seulement besoin que la liberté ne soit pas contradictoire en elle-même, et qu'ainsi, du moins, elle se laisseconcevoir sans qu'il soit nécessaire de l'examiner plus à fond, que, par suite, elle ne mette aucun obstacle aumécanisme naturel du même acte (envisagé sous un autre rapport), ainsi la doctrine de la moralité garde sa positionet la physique aussi la sienne.
Or, cela n'aurait pas lieu, si la Critique ne nous avait pas instruits auparavant denotre inévitable ignorance par rapport aux choses en soi et si elle n'avait pas limité à de simples phénomènes toutce que nous pouvons connaître théoriquement.
La même illustration de l'utilité positive des principes critiques de laraison pure se montrerait si nous envisagions le concept de Dieu et celui de la nature simple de notre âme, mais jen'y insiste pas pour être court.
Je ne peux donc jamais admettre Dieu, la liberté, l'immortalité en faveur de l'usagepratique nécessaire de ma raison, sans enlever en même temps à la raison spéculative ses prétentions injustes àdes vues transcendantes.
Car, pour arriver à ces vues, il faut qu'elle emploie des principes qui ne s'étendent en fait.
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