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La croyance est-elle une entrave à la liberté ?

Publié le 25/09/2005

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Comment être libre quand quelque chose se joue en nous, des mécanisme affectifs devant lesquels la philosophie est peu bavarde? Ce que nous sommes, ce que nous ressentons, ne trouve son sens qu'en dehors d'une philosophie pétrie d'orgueil et qui ne jure que par la raison: à savoir, dans la sphère religieuse qui traite de ce qui nous préoccupe Commençons, par nous concentrer sur ce qui nous préoccupe tous sans forcément que nous en ayons tout à fait conscience. Pascal nous demande: pouvons-nous rester seul dans notre chambre, face à nous-même? N'y a-t-il pas la quelque chose de l'ordre de l'insupportable? Pourquoi? Que fuyons-nous sans cesse en nous même? Qu'est-ce qui nous inquiète, nous préoccupe et nous force sans cesse à nous affairer à milles affaires pour ne point y penser? Comment nous prétendre libre alors que nous avons peur et que nous fuyons sans cesse? En fait, il y a ici quelque chose de l'ordre de la contradiction qui se joue ici en l'homme. Les hommes n'aspirent au repos que par l'agitation, une agitation qui les en sépare irrémédiablement: c'est ce que Pascal appelle le divertissement.

Le sujet vous demande d'analyser le rapport entre la croyance religieuse et la liberté. La croyance se définit pas une adhésion à certaines thèses, adhésion non motivée par un raisonnement permettant de fonder la vérité de ces dernières. L'opinion est ainsi un type de croyance puisqu'elle consiste à considérer comme vraie une proposition sans l'avoir prouvée ou sans avoir connaissance de sa preuve.

 Un des points fondamentaux de toute religion consiste justement dans le fait qu'elle relève de la croyance. Cette croyance se porte ici sur un certain nombre de dogmes particuliers, spécifiques à chaque religion, délivrant un sens global sur la destiné humaine, mais également sur des lois, des commandements que l'homme religieux doit respecter. Les thèses que délivre et transmet la religion portent enfin sur une entité suprasensible qui sous-tend toute notre existence et en pourvoie le sens.

 Toute croyance peut-être considérée comme une entrave à la liberté humaine dans la mesure où elle repose sur une adhésion « aveugle «, motivée par des raisons non rationnelles telles que l'autorité des personnes qui proclament des thèses. Cependant, la croyance religieuse peut paraître comme d'autant plus dangereuse pour la liberté humaine qu'elle porte sur des points fondamentaux de l'existence. En nous délivrant des thèses rassurantes sur cette dernière, la croyance religieuse nous réduirait à un double esclavage ; celui de la pensée, qui n'est plus autonome, et celui, social, selon lequel le peuple se soumet aveuglément à un ordre qui fait le jeu d'une société qui l'opprime.

   Bien plus, la croyance religieuse est une adhésion sur des thèses concernant une entité suprasensible (Dieu), qui ne saurait constituer un objet de connaissance rationnelle. Dès lors, la croyance religieuse se porterait sur des thèses qu'il est impossible de confirmer ou d'infirmer. Là où l'opinion peut se reprendre et peut, par la mise en oeuvre de la rationalité, se réformer, la croyance religieuse nous condamne à rester, du fait de son objet même, dans la croyance.

 Pourtant, la croyance religieuse, que l'on nomme également la foi, est-elle réductible à une telle adhésion aveugle et soumise ?

 Il semble que le fait que la foi porte, à la différence de l'opinion, sur une réalité insaisissable par la seule rationalité lui donne un statut particulier. Car toute foi réellement religieuse se comprend elle-même comme une croyance, comme ne pouvant pas se poser en tant que connaissance rationnelle, à la différence de l'opinion qui prétend être un savoir.

 Il est certes vrai que la croyance en Dieu se cristallise souvent sur des dogmes auxquels on adhère par habitude ou du fait de l'autorité traditionnelle. Mais c'est sur ce point qu'il s'agirait de différencier la foi de la simple croyance en Dieu. Car la foi a pour particularité d'être toujours critique d'elle-même. De ce point de vue, il s'agirait d'opérer une critique de certains dogmatismes religieux qui, du fait même de leur dogmatisme, n'assureraient pas la dimension toujours critique que la foi doit manifester pour se distinguer de la simple opinion.

 La foi est enfin une façon pour l'homme de tenter de saisir l'insaisissable, d'appréhender ce que la seule rationalité ne peut prouver.

 La foi, de ce point de vue, n'est pas une entrave à la liberté humaine, mais, bien au contraire, un moyen pour l'homme de se libérer par la pensée de sa condition finie, limitée, tout en restant dans une position critique. En ouvrant l'homme sur la dimension essentielle de son existence, sur la question du sens de cette dernière, elle peut donc apparaître comme libératrice.

  Il semble même qu'il soit nécessaire d'en passer par la foi pour considérer l'homme comme libre. Car devant le déterminisme que met en évidence la rationalité scientifique, comment penser l'homme comme un être libre si ce n'est en faisant acte de foi ? Si la critique de la croyance religieuse est justifiée lorsque cette croyance se pose comme une adhésion dogmatique, elle apparaît pourtant comme contradictoire. Car reprocher à la foi d'entraver la liberté revient justement à affirmer que l'homme peut être libre, affirmation qui semble sous-tendue par une foi en la liberté humaine...

 

« (« Dieu », « l'âme », « moi », « esprit », « libre arbitre » - ou même l'arbitre qui n ‘est « pas libre ») ; rien que deseffets imaginaires (« le péché », « le salut », « la grâce », « l'expiation », « le pardon des péchés »).

Une relationentre des êtres imaginaires (« Dieu », « esprits », « âmes ») ; une imaginaire science naturelle (anthropocentrique ;une absence totale de la notion de cause naturelle) ; une psychologie imaginaire (une complète incompréhension desoi-même, des interprétations de sentiments généraux agréables ou désagréables, tels que les états du grandsympathique , à l'aide du langage figuré des idiosyncrasies religieuses et morales –« le repentir », « la voix de laconscience », « la tentation du diable », « la présence de Dieu ») ; une téléologie imaginaire (« le royaume de Dieu», « le Jugement dernier », « la vie éternelle »).

–Ce pur monde de fiction se distingue très à son désavantage dumonde des rêves, puisque celui-ci reflète la réalité, tandis que l'autre ne fait que la fausser, la déprécier et la nier.Après que le concept « nature » fut inventé, en tant qu'opposition au concept « Dieu », « naturel » devintl'équivalent de « méprisable »- tout ce monde de fictions a sa racine dans la haine contre le naturel (-la réalité !-),elle est l'expression du profond déplaisir que cause la réalité...

Mais ceci explique tout.

Qui donc est seul à avoir desraisons pour sortir de la réalité par un mensonge ? Celui qu'elle fait souffrir.

Mais souffrir de la réalité, dans ce cas-là, signifie être soi-même une réalité manquée...

La prépondérance des sentiments de peine sur les sentiments deplaisir est la cause de cette religion, de cette morale fictives : un tel excès donne la formule pour la décadence...Nietzsche 2) Cependant, la croyance en Dieu, que nous désignons par le terme de foi est différente de la simple opinion dans la mesure où elle secomprend elle-même comme croyance non réductible à une connaissance rationnelle.

L'opinion, elle, prétend être connaissance fondéeen raison.

La foi a donc une dimension critique. Il y a d'ailleurs une différence entre croire et avoir une opinion : parfois, celui qui croit sent qu'il ignore ce qu'il croit,bien qu'il ne doute en rien de la chose qu'il sait ignorer, tant il y croit fermement ; celui qui, en revanche, a uneopinion, estime qu'il sait ce qu'il ne sait pas.

Saint-Augustin 3) Si cette position critique est assumée par le croyant, la foi peut dès lors sembler libératrice puisqu'elle permet à l'homme de penserce qu'il ne peut pas connaître, et qui relève du sens même de son existence.

Elle semble être d'ailleurs ce qui permet à l'homme de sepenser comme libre face au déterminisme que met en évidence la rationalité scientifique. Or, supposons maintenant que cette distinction nécessairement faite par notre Critique entre les choses commeobjets d'expérience et ces mêmes choses comme choses en soi ne fût pas du tout faite, alors, le principe decausalité, et, par conséquent, le mécanisme naturel dans la détermination des choses, devrait s'étendre absolumentà toutes les choses en général considérées comme causes efficientes.

Du même être, par conséquent, par exemplede l'âme humaine, je ne pourrais pas dire que sa volonté est libre et qu'elle est en même temps soumise à lanécessité physique, c'est-à-dire qu'elle n'est pas libre, sans tomber dans une contradiction manifeste, puisque, dansces deux propositions, j'ai pris l'âme dans le même sens, c'est-à-dire comme une chose en général (comme unechose en soi), et que, sans une critique préalable, je ne peux pas la prendre dans un autre sens.

Mais si la Critiquene s'est pas trompée en nous apprenant à prendre l'objet (Object) dans deux sens, c'est-à-dire comme phénomèneet comme chose en soi; si sa déduction des concepts de l'entendement est exacte, si, par conséquent aussi leprincipe de causalité ne s'applique qu'aux choses prises dans le premier sens, c'est-à-dire en tant qu'elles sont desobjets d'expérience, tandis que, dans le second sens, ces choses ne lui sont pas soumises; alors la même volontédans l'ordre des phénomènes (des actions visibles) peut être pensée comme nécessairement soumise aux lois de lanature, et, sous ce rapport, comme n'étant pas libre, - et pourtant, d'autre part, en tant qu'appartenant à unechose en soi, comme échappant à cette loi naturelle, et par conséquent comme libre, sans qu'il y ait icicontradiction.

Or, quoique je ne puisse connaître mon âme, envisagée sous ce dernier point de vue, par la raisonspéculative (encore moins par une observation empirique), ni, par conséquent, la liberté comme la propriété d'unêtre auquel j'attribue des effets dans le monde sensible, parce qu'il me faudrait connaître, d'une manière déterminée,un tel être dans son existence et non cependant dans le temps (ce qui est impossible, parce que je ne puis étayermon concept sur aucune intuition), je puis pourtant penser la liberté, c'est-à-dire que la représentation de cetteliberté ne renferme du moins en moi aucune contradiction, si l'on admet notre distinction critique des deux modes dereprésentation (mode sensible et mode intellectuel) et la limitation qui en découle relativement aux concepts purs del'entendement, par conséquent aussi relativement aux principes qui dérivent de ces concepts.

Or, supposé que lamorale implique nécessairement la liberté (au sens le plus strict), comme une propriété de notre volonté, puisqu'ellepose a priori comme des données de la raison des principes pratiques qui ont leur origine dans cette même raison etqui seraient absolument impossibles sans la supposition de la liberté; mais que la raison spéculative ait démontré quecette liberté ne se laisse nullement concevoir, il faut nécessairement que la première de ces suppositions - lasupposition morale - fasse place à celle dont le contraire renferme une contradiction manifeste; par conséquent, laliberté et, avec elle, la moralité (dont le contraire ne renferme aucune contradiction, quand on ne suppose pas aupréalable la liberté) doivent céder la place au mécanisme de la nature.

Mais, comme, au point de vue de la morale,j'ai seulement besoin que la liberté ne soit pas contradictoire en elle-même, et qu'ainsi, du moins, elle se laisseconcevoir sans qu'il soit nécessaire de l'examiner plus à fond, que, par suite, elle ne mette aucun obstacle aumécanisme naturel du même acte (envisagé sous un autre rapport), ainsi la doctrine de la moralité garde sa positionet la physique aussi la sienne.

Or, cela n'aurait pas lieu, si la Critique ne nous avait pas instruits auparavant denotre inévitable ignorance par rapport aux choses en soi et si elle n'avait pas limité à de simples phénomènes toutce que nous pouvons connaître théoriquement.

La même illustration de l'utilité positive des principes critiques de laraison pure se montrerait si nous envisagions le concept de Dieu et celui de la nature simple de notre âme, mais jen'y insiste pas pour être court.

Je ne peux donc jamais admettre Dieu, la liberté, l'immortalité en faveur de l'usagepratique nécessaire de ma raison, sans enlever en même temps à la raison spéculative ses prétentions injustes àdes vues transcendantes.

Car, pour arriver à ces vues, il faut qu'elle emploie des principes qui ne s'étendent en fait. »

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