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LA CRITIQUE DU LIBRE-ARBITRE

Publié le 24/03/2015

Extrait du document

libre arbitre

TEXTE

... Pour ma part, je qualifie de libre une chose qui existe et agit par la seule nécessité de sa nature ; j'appelle contrainte celle qui est déterminée par une autre à exister et à agir selon une loi précise et déterminée. Dieu par exemple, existe librement (quoique nécessairement) parce qu'il existe par la seule nécessité de sa nature... Vous voyez donc que je place la liberté non dans un libre décret mais dans une libre nécessité.

Mais descendons au niveau des choses créées qui toutes sont déterminées à exister et à agir selon une loi précise et déter-minée. Pour que ce soit bien clair, prenons un exemple très simple : une pierre reçoit d'une cause extérieure qui la pousse, une certaine quantité de mouvement, par laquelle lorsque cesse l'impulsion de la cause extérieure, elle continue nécessairement de se mouvoir. La persistance du mouvement de cette pierre est une contrainte, non parce qu'elle est nécessaire, mais parce qu'elle doit être définie par l'impulsion d'une cause extérieure ; et ce que je dis ici d'une pierre, doit être dit de n'importe quelle chose singulière.

Or imaginez à présent, s'il vous plaît, que la pierre, tandis qu'elle continue à se mouvoir pense et sache qu'elle-même, autant qu'elle peut, fait effort pour continuer à se mouvoir.

 

Cette pierre, assurément, puisqu'elle est consciente seulement de son effort, croira qu'elle est souverainement libre et qu'elle persévère dans son mouvement pour une seule cause, à savoir parce qu'elle le veut ainsi.

Or telle est cette fameuse liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste seulement en ceci, que les hommes sont conscients de leurs désirs mais ignorants des causes qui

déterminent ces désirs... L'homme ivre croit dire par une libre décision de son esprit ce qu'il voudrait ensuite avoir tu. De

même un fou, un bavard et tant d'autres du même genre croient agir par une libre décision de leur esprit et non être déterminés par une impulsion.

... (Votre ami) dit avec Descartes qu'est libre celui qui n'est contraint par aucune cause extérieure ; si par « homme contraint « il entend celui qui agit contre son gré, j'accorde qu'en cer¬taines occasions nous ne sommes pas contraints et qu'en ce sens

nous possédons un libre-arbitre. Mais si par contraint il entend celui qui, quoique de son propre gré, agit pourtant nécessai 

rement (comme je l'ai expliqué plus haut) je dis que nous ne

sommes jamais libres...

Il dit ensuite que les causes pour lesquelles il a appliqué son

esprit à l'acte d'écrire l'ont assurément poussé à écrire mais ne l'ont pas contraint... Mais cette remarque ne peut signifier que ceci. Des causes qui, dans d'autres situations, ne l'auraient pas contraint d'écrire, l'ont contraint cette fois-ci non certes à écrire contre son gré mais à avoir nécessairement le désir d'écrire.

(Spinoza, Lettre à G.H. Schuller,

fin 1674. Lettre LV I I I.)

Conclusion

Les thèmes essentiels du texte sont donc :

la critique de la « preuve « psychologique de la liberté : le sentiment de liberté est une illusion qui vient de l'ignorance des motifs qui nous déterminent ;

la distinction entre la contrainte (être déterminé par des causes extérieures) et la liberté (être déterminé par sa propre nature). On voit que la liberté qui est détermination intérieure n'exclut pas la nécessité ;

 

 

— la différence entre liberté humaine (qui laisse toujours sub¬sister la détermination « verticale « de notre essence par Dieu) et la liberté de Dieu que rien d'extérieur ni d'antérieur ne pré¬détermine;

— l'affirmation que Dieu lui-même n'a pas de liberté absolue puisque son existence même et ses productions sont déter¬minées par son essence. Dieu n'est pas une Existence qui s'inventerait n'importe quelle essence, mais «l'existence de Dieu et son essence sont une seule et même chose « (Ethique I, 20). Ce qui est premier c'est toujours l'essence, la nature. Dieu est cause de soi, mais en ce sens que son essence détermine son existence. Dieu ne s'explique que par soi et puisqu'il est l'infini rien ne peut agir sur lui de l'extérieur. Mais s'il n'est pas nécessité il est la nécessité. Lui accorder une puissance arbiraire de liberté serait une «futilité «.

libre arbitre

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Or telle est cette fameuse liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste seulement en ceci, que les hommes sont conscients de leurs désirs mais ignorants des causes qui déterminent ces désirs ...

L'homme ivre croit dire par une libre décision de son esprit ce qu'il voudrait ensuite avoir tu.

De même un fou, un bavard et tant d'autres du même genre croient agir par une libre décision de leur esprit et non être déterminés par une impulsion.

.

..

(Votre ami) dit avec Descartes qu'est libre celui qui n'est contraint par aucune cause extérieure ; si par cc homme contraint » il entend celui qui agit contre son gré, j'accorde qu'en cer­ taines occasions nous ne sommes pas contraints et qu'en ce sens nous possédons un libre-arbitre.

Mais si par contraint il entend celui qui, quoique de son propre gré, agit pourtant nécessai­ rement (comme je l'ai expliqué plus haut) je dis que nous ne sommes jamais libres ...

Il dit ensuite que les causes pour lesquelles il a appliqué son esprit à l'acte d'écrire l'ont assurément poussé à écrire mais ne l'ont pas contraint ...

Mais cette remarque ne peut signifier que ceci.

Des causes qui, dans d'autres situations, ne l'auraient pas contraint d'écrire, l'ont contraint cette fois-ci non certes à écrire contre son gré mais à avoir nécessairement le désir d'écrire.

COMMENTAIRE a) Présentation du texte.

(Spinoza, Lettre à G.H.

Schuller, fin 1674.

Lettre LVIII.) Dans cette lettre à Schuller, Spinoza rappelle la doctrine de la liberté que nous trouvons par ailleurs exposée dans !'Ethique .

Il affirme notamment comment sa conception de la liberté se concilie avec sa philosophie de la nécessité universelle, et par là s'oppose à la théorie populaire du libre arbitre.

Il reprend la critique du libre arbitre que vous retrouverez au livre Il de !'Ethique (scolie de la proposition XXXV) et au livre Ill (scolie de la proposition Il) .

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