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LA CRITIQUE DE LA RELIGION REVELEE AU XVIIIe siècle

Publié le 28/06/2011

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religion

  Elle était l'ennemie. Les philosophes n'auraient rien fait, aussi longtemps qu'ils n'auraient pas prouvé aux fidèles qu'elle n'avait pu se manifester, en droit; et qu'elle ne s'était pas manifestée, en fait; aussi longtemps qu'ils n'auraient pas établi que logiquement, elle ne supportait pas l'examen; et qu'historiquement, les témoignages sur lesquels elle s'appuyait ne méritaient nul crédit. La révélation appartient à l'ordre du miracle, et la raison n'admet pas de miracles. La révélation appartient à l'ordre du surnaturel, et la raison n'admet que les vérités naturelles. Dès que la raison examine la révélation, elle y trouve du contradictoire, et par conséquent du faux. Ce qu'il y a de proprement religieux dans la religion, n'est que superstition; et, par conséquent, il faut que la raison s'attaque à cette superstition vivace et la détruise. Il n'est de croyance que rationnelle; au rationnel, le divin lui-même doit se réduire. Tels les propos qui furent alors communément tenus par les chefs du choeur dans toutes les langues. Sur la carte de l'Europe, on distingue aisément les principaux centres d'où ils partirent; les voici.

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« connus.

Ils se contentaient de cueillir dans des ouvrages divers les arguments qui leur semblaient efficaces, et ilsleur faisaient un sort.

Aussi bien visaient-ils un autre public que celui des docteurs : les gens du monde, lesbourgeois, les femmes, le grand public.

Le juge auquel ils en appelaient le plus souvent était le bon sens, tout uni.De leur façon vive et rapide, ils faisaient exprès de se heurter aux difficultés, pour montrer en un clin d'oeil qu'ellesétaient insurmontables.

Point d'obscurités métaphysiques, point de longues dissertations capables de rebuter leslecteurs, point d'étalage d'érudition; mais une composition soignée, un style agréable, une forme agile.Et leur clarté, et l'air de simplicité lumineuse qu'ils conféraient à tous les sujets; et, sous leurs apparences légères,le grave souci, le souci permanent qui demeurait au fond de leur pensée.

Voltaire revenait d'Angleterre, racontait sadécouverte, et son récit aurait pu n'être qu'une relation de voyage après beaucoup d'autres, avec plus depénétration et plus d'esprit.

Mais voici que ces lettres anglaises devenaient des lettres philosophiques; qu'ellestraitaient de la liberté des sectes, de l'indifférence des religions, et, comme dit l'auteur, de la petite bagatelle del'immortalité de l'âme.

Montesquieu écrivait une Histoire romaine, après tant d'autres; et voici qu'à propos d'un casparticulier, il substituait des causes intérieures aux volontés divines, pour expliquer la grandeur et la décadence desnations.

Ou bien il composait un ouvrage juridique, et voici que ce qui était en jeu n'était rien de moins que l'autoritédu Droit divin.

Il n'en allait pas autrement pour beaucoup d'auteurs de la seconde classe; Toussaint étudiait lesmoeurs du siècle; mais voici qu'au lieu de décrire simplement un aspect transitoire de l'éternelle comédie, sadémonstration tendait à séparer la morale de la religion.

Helvétius étudiait l'homme, l'homme, sans mystère et sanslendemain.Plus qu'en aucun autre pays, ils étaient nombreux, et, disputes à part, se serraient contre l'ennemi commun; ilsavaient dans leur troupe une foule de talents, et quelques génies; au moindre signe, frère Thomas, frère Grétry,soeur Necker, soeur de Lespinasse, Mère Geoffrin, comme dit Grimm dans son Sermon philosophique prononcé le Jourde l'an 1770, venaient à la rescousse; et tant d'autres, dans le besoin.

Leur progression se marquait par deretentissantes affaires, où chaque fois ils étaient vaincus par les pouvoirs publics, et vainqueurs devant l'opinion : lathèse de l'abbé de Prades, l'interdiction de l'Encyclopédie, la condamnation du livre de l'Esprit, la censure de laSorbonne contre Bélisaire : « Avouez, Monsieur, écrit Marmontel au syndic de la Faculté de Théologie, que c'estplutôt sur l'esprit de mon siècle que sur le mien que l'on me juge ».

De loin, on suivait ces débats avec la curiosité,jamais lassée, qu'excitaient les choses de France, et l'on sentait bien en effet, que représenté par un peuple quin'avait pas de passion plus vive que celle des idées claires, c'était chaque fois l'esprit du siècle qui était en jeu.Ils appelaient à leur secours tous ceux qui, dans l'espace ou dans le temps, avaient jamais montré qu'on pouvaitbien vivre sans connaître la religion révélée, ou s'étaient jamais rebellés contre quelque religion que ce fût.

Ilsinvoquaient les Chinois, les Égyptiens, les Mahométans; aux Grecs, ils demandaient à la fois la statue de Socrate etcelle d'Epicure; aux Latins, ils empruntaient Lucrèce, cet apôtre; Cicéron, ce déterministe, ce précurseur qui avaitsu voir que le culte des dieux était celui de la raison universelle; Sénèque le philosophe. Ils ressuscitaient Julien l'Apostat, traduisant son discours contre les chrétiens, et maudissaient Constantin, cemauvais empereur, qui s'était moqué de Dieu et des hommes.

Ils appelaient les grands rationaux de l'Italie, qu'à vraidire ils ne connaissaient pas très bien, mais dont il était utile et glorieux de citer les noms, libres penseurs quiavaient souffert pour la cause, Giordano Bruno, Cardan, Campanella, Pomponace, et leur successeur Vanini.

Et tousles libertins leurs ancêtres; et les Anglais, leurs voisins.Les contre recommençaient, sur un autre ton.

Contre la première révélation; contre les Juifs, cette race misérable,si parfaitement indigne d'une mission sacrée.

Contre le Pentateuque, compilation d'Esdras.

Contre la Bible.

Contre lesmiracles et contre leurs témoins.

Contre les prophètes, gens qui n'avaient jamais rien prononcé que de faux, et quid'ailleurs n'avaient même pas eu l'intention de prophétiser.

Contre Jéovah, vindicatif, cruel, injuste; et ce qu'il yavait de bon en lui n'était venu que de l'étranger, que des peuples orientaux plus avancés en civilisation.

Contre lesÉvangélistes, ces pauvres pêcheurs ignorants; contre l'Évangile; même contre la personne de Jésus.

Contre l'Égliseet contre ses dogmes; contre les mystères; contre l'idée même du péché originel, qui prétendait avoir engagé tousles fils d'Adam.

Contre l'organisation de l'Église, les sacrements, le baptême, la confession, la communion, la messe.Contre les moines et les religieuses, contre les prêtres, contre les évêques, contre le Pape.

Contre la moralechrétienne et contre les Saints; contre les vertus chrétiennes et contre la charité.

Contre la civilisation chrétienne,contre le Moyen Age, époque gothique, époque de ténèbres; contre les Croisades, folie.Ils inventaient des caricatures de sermons, des histoires grivoises, des anecdotes scabreuses, car une pointe delibertinage sensuel se mêlait volontiers à leur polémique.

Tout d'un coup ils prenaient l'attitude de Pères de l'Église,pour reprocher aux chrétiens de ne pas vivre selon leur propre loi; et l'instant d'après, ils bafouaient cette loi.

Pourfinir ils ne laissaient rien au christianisme, pas une trace dans l'histoire autre que celle de sa mauvaiseté, pas unevaleur qu'on pût seulement discuter, pas l'apparence même d'une vertu.En Allemagne, le même but fut atteint par une évolution plus tardive, s'il est vrai qu'il fallut attendre les années178o pour qu'elle obtînt ses résultats essentiels; plus complexe, car elle fut double, l'une mondaine et pour unebonne part due à l'importation, l'autre profonde et intéressant l'être même de la conscience luthérienne.Bien étrange serait l'appel que le prince héritier de Prusse adressa pour la première fois à Voltaire, dans sa lettre dumois d'août 1736, lui demandant d'être son guide et son maître, s'il s'agissait d'un cas unique.

En fait, dans lafermentation générale, et dans le besoin particulier de renouvellement qu'éprouvait l'Allemagne, Berlin s'était tournédéjà vers le pays qui représentait la civilisation dans ce qu'elle avait alors de plus moderne, vers la France.

Et nonseulement Berlin, mais à travers tout le pays, les princes et les nobles qui, de même que leurs pères avaient regardéavec admiration Versailles, regardaient avec admiration Paris.

Rappelons-nous le changement qui intervient dans lacarrière du jeune Wieland : il s'en allait du côté du sentiment, se donnait à ses délices et à ses effusions, se mettaità l'école des Suisses qui lui recommandaient l'amour de la nature et la poésie du coeur.

S'il se transforme, sitournant le dos à ses anciens amis, il s'en va maintenant du côté des lumières, c'est qu'il a fréquenté le château deWarthausen, dont le seigneur, le comte Stadion, lui a enseigné le ton à la mode, lui a dit qu'il importait de penser etd'écrire comme on faisait en France, pour peu qu'on voulût être au goût du jour.

Sous cette influence le vrai. »

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