La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale
Publié le 22/03/2015
Extrait du document
Edmund Husserl,
«
Textes commentés
Le point de départ de cette définition de la tâche philosophique actuelle
comme « question en retour » est le constat d'une crise des sciences
européennes, c'est-à-dire de la raison.
Sans remettre en cause la rigueur
propre à
ces sciences -il a d'abord été mathématicien -, Husserl
relie directement
la réduction positiviste de l'idéal de rationalité et de
scientificité à la fameuse crise éthique des valeurs.
Cet extrait part du constat que nous sommes d'abord des héritiers, c'est
à-dire que notre héritage ne vient pas s'ajouter de l'extérieur et après
coup à notre être, mais le constitue.
Or, comme tout héritage, celui-ci
demande à ce que nous nous l'approprions ; et dans la mesure où cet
héritage est spirituel, son appropriation passe par une interrogation
critique destinée -précise la fin du texte - à tirer de sa léthargie une
vie enfouie sous les couches d'une sédimentation traditionnelle (et
on
pourrait penser cette « auto-méditation du philosophe » comme une
nouvelle compréhension du célèbre précepte « connais-toi toi
même » ).
Husserl précise en second lieu la nature de cet héritage et de
la tâche qui en résulte : De quelle histoire sommes nous les héritiers ?
et A quoi devons-nous appliquer notre critique ? Il faudrait reconnaître
dans l'histoire non pas une multiplicité de systèmes ou de visions du
monde particuliers, mais une unique puissance spirituelle qui cherche
son accomplissement, dont nous sommes aussi responsables
ou qu'il
nous incombe de servir en tant que
« fonctionnaires ».
Mais -ce que
ne dit pas ce texte -de quelle nature est cette puissance ?
Husserl
cherche à montrer que l'essence ou l'esprit de l'humanité
européenne, son telos, c'est-à-dire ce à quoi elle aspire et ce qui a donc
orienté son histoire, est un idéal de rationalité dont la dimension est
aussi éthique, et qui, né
en Grèce, s'est perdu, lorsque cette rationalité
s'est vue réduire au calcul.
De ce point de vue, l'idéal galiléen d'une
mathématisation de
la nature représente un tournant majeur de cet
obscurcissement.
On remarquera qu'une telle conception de l'histoire échappe à
l'alternative entre le scepticisme auquel conduit naturellement le
relativisme historique et une métaphysique de l'histoire
comme celle de
Hegel ; ici, l'unité spirituelle et téléologique de l'histoire
est pensée
comme une tâche qui incombe à l'Europe.
Mais si cette unité a le statut
d'une Idée
en un sens kantien, on ne trouve pas chez Kant une telle
compréhension du temps historique en tant que tradition
et héritage.
45.
»
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