La création artistique
Publié le 05/01/2020
                             
                        
Extrait du document
forme dans laquelle il se réalisera. Comment, dans ces conditions, l'artiste se dirige-t-il, trouve-t-il ce que l'objet doit être ? Nous avons aussi exploré la dimension du «faire», et rencontré l'idée que dans l'expérimentation que suppose la création se déploie la liberté de l'artiste.
Cela suggère que l'artiste, s'il ne se distingue pas, par bien des côtés, du technicien ou de l'artisan, s'en éloigne dans la mesure où il s'affranchit de la répétition ; inversement, on pourrait dire, si l'on veut fixer, même provisoirement, la terminologie dans ce sens, que l'artisan qui s'affranchit de la répétition devient artiste. En effet, il est dans la nature de la technique, même si elle invente, de permettre la répétition d'un produit dans la mesure où elle est maîtrise, savoir-faire, réflexion appliquée. Le travail de l'artisan tire sa valeur du renouvellement d'une fabrication dont, par ailleurs, la valeur augmente en vertu des irrégularités du «fait main ». Sans mépriser ce charme du produit artisanal, on peut dire que, à partir du moment où la fidélité au type de produit considéré limite cette inventivité, il doit être distingué de la création artistique, qui se donne au contraire pour priorité l'invention formelle.
On peut donc voir le passage du travail à l'art comme une transition graduée, ainsi que nous y invitait Claude Lévi-Strauss ; on peut aussi penser qu'il y a une rupture entre les deux attitudes. C'est ainsi que Kant, insistant sur le fait que le génie emprunte des voies qui lui sont propres, le rapporte à la nature et au don, qui permettent l'originalité dans la création. Cette manière de définir le génie par son originalité absolue jette une ombre sur bien des aspects de la création ; c'est ce que lui reproche Nietzsche, qui porte sur la glorification du génie un regard soupçonneux. Il ne souhaite pas que l'on passe sous silence ce qu'il.considère comme étant le travail propre de la création, à savoir la persévérance dans une direction, une sorte d'obstination que la seule considération du résultat dissimule. Cependant, cette obstination peut être considérée d'abord comme un travail sur soi-même, elle implique un cheminement de la pensée et de la sensibilité de l'individu créateur. C'est pourquoi la création artistique ne doit pas être artificiellement isolée des autres manifestations de la disposition créatrice ; elle relève plus d'une attitude générale devant la vie et la réalité, qui consiste à ne pas se contenter de ce qui est donné, d'un simple savoir-faire.
Le prestige dont jouit la création artistique n'est pas toujours de bon aloi ; l'excès des discours à la gloire de la créativité produit quelquefois l'effet inverse de celui qui est recherché : la création apparaît comme une prétention injustifiée à la reconnaissance, à moins qu'elle ne se dilue en quelque sorte, chacun étant censé pouvoir trouver au fond de lui-même une inspiration artistique capable de briser la monotonie du quotidien.
Un génie, dans le même ordre d'idées, passe pour une personnalité excentrique dont le talent le plus visible est de déconcerter le sens commun, à la manière de Salvador Dali, qui s'est plu à incarner ce stéréotype.
Les questions sous-jacentes à ce constat sont cependant sérieuses : la notion de génie a-t-elle un sens ? Faut-il, si on l'accepte, l'expliquer par quelque don surnaturel, c'est-à-dire s'incliner devant son caractère inexplicable ? Le génie n'est-il qu'une apparence, auquel cas le terme même devrait être proscrit de l'usage ? Est-il assimilable à un talent développé par l'apprentissage et des conditions favorables ? Dans quelle mesure est-il légitime de penser que chacun a la capacité de créer ?
Ces questions nous invitent à reprendre le problème des rapports de l'art et du travail, en essayant de cerner la notion de génie créateur.
Nous avons examiné l'aspect créateur du travail, et vu qu'il ne fallait pas opposer de manière figée l'activité dont le but est utilitaire, ou technique, à celle qui n'aurait comme fin que le beau. La différence entre elles n'aurait-elle donc aucune raison d'être ? Nous avons déjà pu voir que la fin du travail de l'artiste n'était pas assignable, au sens où le beau est une notion ouverte : viser le beau ne désigne pas par avance la
«
                                                                                                                            forme 	dans 	laquelle 	il se 	réalisera.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Comment, 	dans 	ces 	condi	tions, 	l'artiste 	se 	dirige-t-il, 	trouve-t-il 	ce 	que 	l'objet 	doit 	être? 	
Nous 	avons 	aussi 	exploré 	la dimension 	du 	«faire», 	et 	ren	contré 	l'idée 	que 	dans 	l'expérimentation 	que 	suppose 	la créa	tion 	se 	déploie 	la liberté 	de 	l'artiste.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
Cela 	suggère 	que 	l'artiste, 	s'il 	ne 	se 	distingue 	pas, 	par 	bien 	des 	côtés, 	du 	technicien 	ou 	de 	l'artisan, 	s'en 	éloigne 	dans 	la mesure 	où 	il s'affranchit 	de 	la répétition; 	inversement, 	on 	pourrait 	dire, 	si l'on 	veut 	fixer, 	même 	provisoirement, 	la ter	
minologie 	dans 	ce 	sens, 	que 	l'artisan 	qui 	s'affranchit 	de 	la 	
répétition 	devient 	artiste.
                                                            
                                                                                
                                                                    	En 	effet, 	il est 	dans 	la nature 	de 	la 	
technique, 	même 	si elle 	invente, 	de 	permettre 	la répétition 	
d'un 	produit 	dans 	la mesure 	où 	elle 	est 	maîtrise, 	savoir-faire, 	
réflexion 	appliquée.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Le 	travail 	de 	l'artisan 	tire 	sa 	valeur 	du 	renouvellement 	d'une 	fabrication 	dont, 	par 	ailleurs, 	la valeur 	
augmente 	en 	vertu 	des 	irrégularités 	du 	«fait 	main».
                                                            
                                                                                
                                                                    	Sans 	
mépriser 	ce 	charme 	du 	produit 	artisanal, 	on 	peut 	dire 	que, 	
à partir 	du 	moment 	où 	la fidélité 	au 	type 	de 	produit 	consi	
déré 	limite 	cette 	inventivité, 	il doit 	être 	distingué 	de 	la créa	tion 	artistique, 	qui 	se 	donne 	au 	contraire 	pour 	priorité 	l'invention 	formelle.
                                                            
                                                                        
                                                                    	
On 	peut 	donc 	voir 	le passage 	du 	travail 	à l'art 	comme 	une 	
transition 	graduée, 	ainsi 	que 	nous 	y invitait 	Claude 	Lévi	Strauss; 	on 	peut 	aussi 	penser 	qu'il 	y a une 	rupture 	entre 	les 	deux 	attitudes.
                                                            
                                                                                
                                                                    	C'est 	ainsi 	que 	Kant, 	insistant 	sur 	le fait 	que 	le génie 	emprunte 	des 	voies 	qui 	lui 	sont 	propres, 	le rapporte 	
à la nature 	et au 	don, 	qui 	permettent 	l'originalité 	dans 	la créa	tion.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Cette 	manière 	de 	définir 	le génie 	par 	son 	originalité 	absolue 	jette 	une 	ombre 	sur 	bien 	des 	aspects 	de 	la création; 	
c'est 	ce 	que 	lui 	reproche 	Nietzsche, 	qui 	porte 	sur 	la glorifi-	
.
                                                            
                                                                                
                                                                    cation 	du 	génie 	un 	regard 	soupçonneux.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Il ne 	souhaite 	pas 	que 	
l'on 	passe 	sous 	silence 	ce 	qu'il 	considère 	comme 	étant 	le 	
travail 	propre 	de 	la création, 	à savoir 	la persévérance 	dans 	
une 	direction, 	une 	sorte 	d'obstination 	que 	la seule 	considé	
ration 	du 	résultat 	dissimule.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Cependant, 	cette 	obstination 	
peut 	être 	considérée 	d'abord 	comme 	un 	travail 	sur 	soi-même, 	
elle 	implique 	un 	cheminement 	de 	la pensée 	et de 	la sensibilité 	
de 	l'individu 	créateur.
                                                            
                                                                                
                                                                    	C'est 	pourquoi 	la création 	artistique 	
ne 	doit 	pas 	être 	artificiellement 	isolée 	des 	autres 	manifes	
tations 	de 	la disposition 	créatrice; 	elle 	relève 	plus 	d'une 	atti	
tude 	générale 	devant 	la vie 	et 	la réalité, 	qui 	consiste 	à ne 	pas 	
se 	contenter 	de 	ce 	qui 	est 	donné, 	d'un 	simple 	savoir-faire..
                                                                                                                    »
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La création artistique est‑elle un travail ?
- La création artistique peut-elle être une forme de contestation ?
- La Danse Créé par Sophia La danse est une activité artistique de création.
- La création artistique est‑elle un travail ?
- Pourquoi parle-t-on de création à propos de l'activité artistique ?
 
    
     
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                