la constitution la meilleure - Aristote
Publié le 23/03/2015
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Dans tous les arts et toutes les sciences qui, étant pleinement achevés, ne s'appliquent pas partiellement, mais à un genre déter-miné, c'est un seul art ou une seule science qui considère [tout] ce qui tombe sous chaque genre. Ainsi, l'affaire de la gymnastique, c'est [de savoir] quel exercice convient à quel corps ; soit : [en premier lieu] lequel est le meilleur (car c'est au meilleur corps par nature et à celui qui dispose du plus de moyens que le meilleur [exercice] doit nécessairement s'ajuster) ; [en deuxième lieu] aussi, lequel, étant le même pour tous, vaut pour le plus grand nombre ; et en outre, si quelqu'un désire [un exercice] ne relevant ni d'une disposition ni d'une connaissance ayant en vue la compétition, ce n'en est pas moins la tâche du pédotribe et du maître de gymnastique de lui procurer cette capacité. Et nous voyons qu'il en va de même avec la médecine, l'art de construire les vaisseaux, l'art de la confection vestimentaire et tout autre art.
Il est, par conséquent, évident que, concernant la constitution politique, c'est à la même science d'étudier [en premier lieu] quelle est la meilleure, ou celle qui serait au plus haut point conforme à nos voeux en l'absence de tout obstacle extérieur ; et [en deuxième lieu] quelle constitution convient à quels gens (car il est sans doute impossible, pour beaucoup, d'atteindre la meilleure, de sorte que, ni la constitution la meilleure dans l'absolu, ni celle qui l'est eu égard à une situation donnée ne doivent être négligées par le bon législateur ou le véritable politique) ; puis, en troisième lieu, quelle est la meilleure dans le cadre d'une modalité [constitutionnelle] donnée [...] ; à côté de tout cela, il faut aussi savoir [en quatrième lieu] quelle constitution est la mieux adaptée à toutes les cités [...]. C'est qu'en effet, il ne faut pas seulement étudier la constitution la meilleure [dans l'absolu], mais aussi celle qui est praticable, et de même encore celle qui est le plus facilement et le plus communément réali¬sable par toutes [les cités].
(Politique IV, 1, 1 288 b 10-39)
«
Textes commentés 49
Selon Aristote, l'objet du savoir politique (savoir qui est, rappelons-le,
celui des hommes politiques eux-mêmes) ne saurait être confondu avec
la réalité matérielle des habitants de la cité, ni avec celle de son territoire.
L'existence politique ne se réduit pas, en effet, à ses
causes matérielles,
car elle est tout premièrement déterminée par une causalité formelle,
celle qu'exerce la« constitution» (politeia).
À vrai dire, la politeia est
bien plus que l'ensemble des institutions politiques;
c'est la constitution
du vivre-ensemble :
lois, mœurs, coutumes, valeurs et sens partagés (ce
qui
n'exclut pas la dimension du conflit des valeurs, mais tend à la
maintenir dans les limites d'une
«pluralité» (plèthos) uni-différenciée).
L'objet du savoir politique sera donc le genre « politeia ».
Ceci étant,
Aristote s'emploie dans ce texte, avec le souci évident d'éviter les théori
sations abstraites (cf.
Texte IV), à montrer que
la considération de cet
objet ne doit pas se borner à rechercher un Idéal absolu : dans le domaine
des
«choses humaines», l'excellence reste plurivoque.
Or, il est tout à
fait frappant que la méthode employée ici soit
analogique : de même que
le savoir du maître de gymnastique se décline en savoir de ce qui
convient
le mieux au meilleur athlète, et de ce qui convient au mieux à
tous, et encore de ce qui est le meilleur exercice pour telle personne qui
ne vise
qu'à améliorer sa constitution physique ; de même, le savoir
pratique de
l'homme politique (et pareillement, celui, théorique, du
philosophe qui cherche à cerner des
types de constance dans ces
matières) prendra en vue l'excellence de
la constitution du vivre
ensemble sous plusieurs aspects.
À savoir: l'excellence idéale (ce que fit
Platon), mais aussi celle atteignable par telle cité, compte tenu de son
histoire, de ses mœurs actuelles, etc.
(projet de
réforme), et encore celle
réalisable dans tel cadre constitutionnel (projet
d'amélioration), et enfin
celle que la plupart des cités peuvent pratiquer sans trop de difficulté.
La
«meilleure constitution» (aristè politeia) est donc un pollakhôs
legomenon; c'est là un principe de la philosophie politique aristotéli
cienne, et
il est induit par le biais de l'analogie..
»
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