La conscience ne s'exprime-t-elle que dans la négation ?
Publié le 12/09/2005
Extrait du document
La bonne conscience est le plus souvent mise en doute et identifiée à la mauvaise foi. L'individu s'efforçant de croire à l'harmonie entre ses actions et ce que lui dicte sa conscience. Le soupçon pesant sur la bonne conscience suffit-il à exclure la possibilité d'un rapport harmonieux entre l'homme et sa conscience ? Le premier sens de la conscience s'oppose à la réduction de l'exercice de la conscience à la négation. Il faut donc confronter les différents sens de la conscience et de la négation afin de pouvoir décider de la nature de la relation de l'homme à sa conscience.
Première partie : Le rapport de l'homme à sa conscience est le plus souvent un rapport d'opposition.
- 1.1 La conscience est ressentie comme une menace. « Tout homme a une conscience et se trouve observé, menacé, de manière générale tenu en respect (respect lié à la crainte) par un juge intérieur et cette puissance qui veille en lui sur les lois n'est pas quelque chose de forgé (arbitrairement) par lui-même, mais elle est inhérente à son être. Elle le suit comme son ombre quand il pense lui échapper.
La conscience se définit comme la connaissance qu'a l'Homme de ses pensées, de ses sentiments et de ses actes. Or, d'après Descartes, la conscience serait substance, elle serait alors immortelle et n'aurait besoin de rien d'autre pour exister. Cependant, nous préfèrerons l'idée que la conscience doit forcément s'appuyer sur quelque chose pour exister, puisque nous nous imaginons mal penser simplement à la conscience en tant que telle. Encore faudrait-il distinguer la conscience spontanée de la conscience réfléchie. Quoiqu'il en soit, cette question de savoir si la conscience ne s'exprime que dans la négation, soit dans le fait de nier, de refuser voire même dans l'opposition, nous entraine dans une une série d'interrogations, telles que "pourrait-on trouver une conscience dans le refus?", ou encore, "est-ce qu'accepter signifie en avoir conscience?", permettant ainsi l'approfondissement de notre sujet et donc une probable réflexion.
«
qui n'est pas encore, voilà donc la première fonction de la conscience. Il n'y aurait pas pour elle de présent, si le présent se réduisait à l'instant mathématique.
Cet instant n'est que la limite, purement théorique, qui sépare lepassé de l'avenir ; il peut à la rigueur être conçu, il n'est jamais perçu ; quand nous croyons le surprendre, il estdéjà loin de nous.
Ce que nous percevons en fait, c'est une certaine épaisseur de durée qui se compose de deuxparties : notre passé immédiat et notre avenir imminent.
Sur ce passé nous sommes appuyés, sur cet avenir noussommes penchés ; s'appuyer et se pencher ainsi est le propre d'un être conscient.
Disons donc, si vous voulez, quela conscience est un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l'avenir .
» BERGSON, L'énergie spirituelle.
2.2 La conscience permet l'unité du Je et différencie l'homme des animaux ou des choses.
Elle ne s'exprime donc pas uniquement dans la négation mais permet l'affirmation de soi.
« Le fait que l'homme puisse avoir le Je dans sa représentation, l'élève infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivant sur la terre.
Par là, il est une personne et, grâce à l'unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui arriver, il est une seule et même personne , c'est-à-dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses telles que les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise;et ceci, même lorsqu'il ne peut pas encore dire le Je, car il l'a cependant dans sa pensée.
» KANT, Anthropologie du point de vue pragmatique.
Transition : La conscience ne s'exerce pas uniquement dans la négation, elle est aussi ce qui garantit l'unité de l'individu, en elle peut donc résider une affirmation du soi.
Mais ne faut-il pas conserver la différence entrel'homme et sa conscience ?
Troisième partie : La négation, entendue comme différence, doit être sauvegardée entre l'homme et sa conscience.
3.1 L'impartialité de la conscience est rendue possible par la différence.
« Cette disposition intellectuelle originaire et (puisqu'elle est la représentation du devoir) morale, qu'on appelle conscience , a en elle-même ceci de particulier, que bien que l'homme n'y ait affaire qu'à lui- même, il se voit cependant contraint par sa raison d'agir comme sur l'ordre d'une autre personne .
Car le débat dont il est ici question est celui d'une cause judiciaire devant un tribunal.
Concevoir celui qui est accusé par sa conscience comme ne faisant qu'une seule et même personne avec le juge, est une manière absurde de se représenter le tribunal ; car s'il en était ainsi l'accusateur perdrait toujours .- C'est pourquoi pour ne pas être en contradiction avec elle-même la conscience humaine en tous ses devoirs doitconcevoir un autre (comme l'homme en général) qu'elle-même comme juge de ses actions.
Cet autre peut être maintenant une personne réelle ou seulement une personne idéale que la raison se donne à elle-même.
» KANT,Doctrine de la Vertu.
3.2 Le conflit entre nos maximes et ce que nous dicte notre conscience est l'expression de la différence entre la conscience et le soi.
« Il est donc au fond des âmes un principe inné de justice et de vertu, sur lequel , malgré nos propres maximes , nous jugeons nos actions et celles d'autrui comme bonnes ou mauvaises, et c'est à ce principe que je donne le nom de conscience .
» ROUSSEAU, Émile ou de l'éducation.
CONCLUSION
Même si la négation est l'une des expressions de la conscience elle n'en est pas la seule.
La conscience est aussi ce qui permet au soi de s'affirmer et de rester identique à lui-même.
Comprendre la relation de l'homme à saconscience comme étant un rapport d'opposition pose le problème de la possibilité d'un accord entre les deux.
Ilvaut mieux alors repenser la négation et la comprendre comme différence.
L'impartialité de la conscience, le fait quece qu'elle juge juste ou injuste ne soit pas relatif à un individu, est rendue possible par cette différence.
En tantqu'auteur de mes actions je ne peux les juger que de manière partiale.
Pour que la conscience puisse être appeléetribunal intérieur il faut qu'elle soit différenciée de l'auteur des actions qu'elle juge.
La différence entre l'homme et saconscience n'exclut pas un accord possible entre eux..
»
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