La conscience fait-elle le bonheur ou le malheur de l'homme ? Corrigé entier
Publié le 20/05/2014
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“Jamais l’animal ne saura ce que c’est que mourir; et la connaissance de la mort et de ses terreurs est une des premières acquisitions que l’homme ait faites en s’éloignant de la condition animale” ; en disant cela dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Rousseau dévoile en une phrase tout le tragique de la condition humaine : l’homme est certes un être conscient, c’est-à-dire qui a la connaissance de lui-même et du monde qui l’entoure, mais y gagne-t-il vraiment ? La conscience est certes la condition pour éprouver le bonheur, puisque le bonheur est un état psychique (que l’on peut définir dans un premier temps comme un état de contentement total), mais c’est aussi l’instrument de notre tourment, de notre inquiétude : elle nous représente l’avenir avec incertitude, ou du moins avec la seule certitude de notre mort... Dans sa dimension morale, celle qui permet de juger la valeur de nos actes, la conscience nous permet de faire le bien, mais elle nous place aussi face à la rigueur de nos devoirs. Il semble donc nécessaire de clarifier le rôle que joue la conscience humaine dans la question du bonheur, si essentielle pour chacun d’entre nous : ne sommes-nous pas tous en quête du bonheur ? Faut-il alors faire confiance à la conscience pour nous éclairer dans cette quête, ou au contraire viser une certaine forme d’inconscience ? Mais viser l'inconscience, n'est-ce pas s'affranchir de son humanité?
Nous examinerons successivement en quoi la conscience semble être la condition du bonheur, puis en quoi au contraire elle est l’instrument de notre malheur, avant de faire le point, dans un troisième temps, sur l'usage que nous devons faire de notre conscience.
«
mon bonheur, voire de transformer mes petits tracas du quotidien en simples broutilles sans
importance.
En ce sens, on peut dire sans cynisme que « le malheur des uns fait le bonheur
des autres »: sans vouloir le malheur d'autrui, je peux en faire le constat, grâce à la conscience,
pour être heureux.
De la même manière, la conscience réfléchie me permet de tirer des leçons du passé et d’éviter de
retomber dans le malheur.
C’est d'ailleurs, normalement, la force de l’adulte par rapport à
l’enfant qui reproduit les mêmes erreurs, faute de réflexion: la conscience réfléchie prouve ici
sa supériorité par rapport à la conscience immédiate, car elle permet de se représenter le passé,
grâce à la mémoire, d'en tirer certaines généralités, de les appliquer au cas présent, et de choisir
le bon comportement.
Celui qui perd tous ses amis à force de leur dire leurs quatre vérités
finira peut -être un jour par arrondir les angles, et savourer le bonheur de l'amitié...
De façon plus générale, c’est grâce à la conscience réfléchie que je peux réaliser mes désirs, et que
je peux m e perfectionner pour atteindre le bonheur.
Si l'on situe le bonheur dans la réalisation
des désirs, alors il faut bien accorder que la conscience joue un double rôle essentiel: c'est elle
qui me permet de prendre conscience des désirs qui me sont propres, de savoir par exemple si
je veux être ingénieur ou musicien; et c'est elle qui me permet d'organiser l'avenir en fonction
du projet choisi: elle permet l'anticipation et la décision, elle est donc au cœur de l'action et du
bonheur.
Plus profondément, la conscience réfléchie est ce qui me permet de prendre conscience de moi -
même, de pratiquer l'introspection.
« Connais -toi toi-même » disait Socrate, en présupposant
que la connaissance de soi est la condition de la vie bonne.
Pourquoi? Car se connaître permet
de mieux se maîtriser, d'être à soi -même son propre guide, de ne pas se laisser tenir en laisse
par les autres ou par ses passions intérieures, de savoir ce que l'on veut.
Toute la sagesse
antique se situe dans le prolongement de cette injonction socratiq ue.
La psychanalyse, à
l'époque la plus récente, reprend à sa façon cette même exigence, et cette même intuition
selon laquelle laquelle la connaissance de soi est liée au bonheur: il s'agit de venir à bout de
déterminismes inconscients qui me font souffrir, en les faisant passer à la conscience.
Cela
passe, il est vrai, par l'intermédiaire d'une tierce personne, l'analyste, mais c'est essentiellement
un travail de soi sur soi -même.
Notons pour finir une autre dimension, essentielle, de la conscience: la « conscience morale ».
C'est le sens originel du mot au XVIe siècle, qui signifiait scrupule, interrogation morale.
Le
terme a gardé ce sens aujourd'hui: la conscience est donc aussi la faculté de juger ses actes et
ses pensées, et ceux des autres, en termes de bien et de mal; c'est ce qui permet de comparer ce
qui est et ce qui devrait être , de prononcer des jugements de valeur.
Ainsi, c’est grâce à la
conscience morale que je peux faire le bien autour de moi, que je peux progresser vers un idéal
moral dans lequel je peux placer le bonheur (équivalent, alors, de la vertu): en faisant le bien, je
satisfais mes exigences morales, je crée en moi un accord intérieur, que l'on peut appeler sans
connotation péjorative la « bonne conscience ».
C'est d'ailleurs ce qui permet de réaliser
pleinement sa dimension humaine, si tout au moins on définit l'homme comme un être
sociable: prendre conscience de son lien à l’autre est aussi accéder à une nouvelle dimension
du bonheur.
Nous avons donc vu en quoi la conscience, no tamment dans la conscience de soi, peut faire le bonheur de
l'homme.
Pour autant, les choses sont -elles si simples? La conscience n'est -elle pas aussi ce qui révèle à l'homme
sa propre faiblesse, son ignorance fondamentale, sa mort à venir? Tout cela rend -il heureux?
Il faut donc examiner maintenant en quoi la conscience réfléchie est l’instrument de notre propre malheur.
Comme nous venons de le souligner, prendre conscience de soi, c'est aussi prendre conscience de ses
limites.
Ainsi, la conscience m’appr end ou me révèle ma propre finitude : je ne suis pas un être
illimité, dans l'espace ou dans le temps, dans les connaissances ou les capacités.
Bien au
contraire, devenir conscient c'est s'apercevoir que l'on ne sait pas tout, et qu'on en sait même
très peu.
En revanche on sait grâce à la conscience que l'on va mourir, mais on ne sait pas
pourquoi.
« Je vois ces effroyables espaces de l’univers qui m’enferment, et je me trouve
attaché à un coin de cette vaste étendue, sans que je sache pourquoi je suis plutô t placé en ce
lieu qu’en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui m’est donné à vivre m’est assigné à ce
point plutôt qu’en un autre de toute l’éternité qui m’a précédé et de toute celle qui me suit.
Je
ne vois que des infinités de toutes parts, qui m’enf erment comme un atome et comme une
ombre qui ne dure qu’un instant sans retour.
Tout ce que je connais est que je dois bientôt
mourir; mais ce que j’ignore le plus est cette mort même que je ne saurais éviter.
».
Voilà le
discours que Pascal, dans les Pens ées, met dans la bouche de l'athée, qui se rend compte de sa
« misère » et de l' absurdité de son existence .
Comment alors ne pas incriminer la conscience, ne pas voir en elle l'instrument de notre
malheur? L'animal qui vit dans l'instant n'est -il pas bien plus heureux, dans l'ignorance de sa
misérable condition? Car la conscience est avant tout une source d’interrogations, ce qui nous
met dans le doute, l’incertitude, le déséquilibre, voire l’angoisse .
Laissons encore la parole à
Pascal qui dans les Pensées dresse ce terrible tableau de la condition humaine: “Qu’on
s’imagine un nombre d’hommes dans les chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns
étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition
dans celle de leurs semblables, et, se regardant les uns et les autres avec douleur et sans
espérance, attendent à leur tour.”.
Comment trouver le bonheur dans une telle situation? Le
bonheur, n'est -ce pas plutôt l'inconscience? Si nous pensons si peu à la mort, c'est bien pour
éviter de se rendre malheureux.
Cela veut dire que la conscience fait notre malheur, que pour
être heureux il ne faut pas trop penser, arrêter de « se prendre la tête », comme on dit
trivialement.
La conscience est source d'angoisse, elle est auss i source d'insatisfaction : la conscience de notre
finitude explique aussi l'émergence en nous du désir .
Prendre conscience, c'est comme nous
l'avons vu comparer: j'étais heureux avec le bonbon que j'ai reçu, mais voilà que mon voisin en
reçoit deux, et mon bonheur se transforme en malheur.
Désirer, c'est comparer une situation
présente avec une situation absente plus satisfaisante.
Mais comme le montre Rousseau dans
son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes , l'homme à l'état
de nature ne désire rien, parce qu'il n'est pas encore conscient.
Le désir arrive avec la.
»
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